L’étiquette revue et corrigée par Ladislav Špaček

Photo: Maison d'édition Ladislav Špaček

« L’étiquette est un ensemble de règles qui nous apprennent comment nous conduire pour être agréables aux autres, » dit Ladislav Špaček (1949), auteur de toute une série de livres sur le comportement dans la société. Son dernier livre ne fait pas exception. Son auteur l’a intitulé « Etiketa do kapsy » (L’étiquette de poche).

Qu’est-ce que l’étiquette ?

Photo: Maison d'édition Ladislav Špaček
Ancien porte-parole du président Václav Havel, Ladislav Špaček a vécu pendant un certain temps parmi les grands de ce monde, c’est-à-dire dans un milieu où la stricte observation de l’étiquette était de rigueur. Une bonne base pour sa carrière postérieure de spécialiste des bonnes manières. Voici sa définition de ce qu’est l’étiquette :

« L`étiquette n’est pas qu’un ensemble de règles, c’est un style de vie. L`étiquette nous fait toujours observer si nous faisons du bien à notre entourage. Ses règles nous apprennent à nous débrouiller dans les situations les plus diverses, elles définissent qui d’entre nous est plus important et qui est moins important dans la société et nous en déduisons entre autres à qui il faut donner la main, qui s’assoit le premier à table, qui va à droite, etc. (…) Néanmoins tout cela est dominé par les aspects qui donnent à l’étiquette le caractère d’une discipline noble : la prévenance, le tact et l’attention que nous prêtons aux autres. »

En 2004 et 2005, la Télévision publique tchèque a diffusé une série d’émissions de Ladislav Špaček et d’Ivo Mathé sur l’étiquette dans la vie de tous les jours. Ces émissions ont été très suivies, les auteurs en ont tiré un livre et ça a été le début d’une longue série d’ouvrages que Ladislav Špaček allait consacrer à ce thème. « Etiketa do kapsy » (L’étiquette de poche), le dernier opus de la série, est un ouvrage auquel l’auteur voulait donner une forme très pratique :

Ladislav Špaček,  photo: Šárka Ševčíková,  ČRo
« Cette fois-ci le choix des situations est soumis à notre intention de créer un livre concis et simple. Le lecteur doit y trouver un renseignement rapide et même le format du livre correspond à cet objectif. Le livre de poche est un objet qui doit être toujours à notre disposition. Nous prenons le livre, trouvons le chapitre correspondant et nous sommes instruits. Sur une page nous voyons une photo représentant une situation concrète dans la société, et à côté il y a un court résumé des règles qu’il faut respecter dans ce cas-là. »

Ainsi par exemple, le lecteur qui va au bal, trouve les réponses concernant la conduite à tenir dans le chapitre correspondant. Il apprend entre autres qu’en s’approchant d’une table il doit se présenter aux gens attablés. S’il vient avec une dame, il ne peut pas la laisser seule pour s’amuser avec d’autres personnes dans la salle et, quand il danse, sa main droite ne doit pas glisser au-dessous de l’omoplate gauche de sa partenaire, car ce serait une attitude trop familière, etc., etc.

La politesse moderne et les vieilles traditions

Dans les pays d’Europe centrale, l’évolution naturelle de l’étiquette a été interrompue pendant plusieurs décennies par le mur d’isolement qui séparait ces pays du monde démocratique. Après la chute du rideau de fer, il a donc fallu renouer avec les vieilles traditions, les bonnes manières de jadis, mais il était nécessaire aussi d’adapter ces traditions à la vie actuelle. Il fallait moderniser l’étiquette. Cette nouvelle politesse a pu être édifiée sur des bases solides grâce notamment à Jiří Stanislav Guth-Jarkovský (1861-1943), auteur de plusieurs livres sur les bonnes manières, dont l’influence se fait sentir encore aujourd’hui. Dans les premières décennies du XX siècle, il était un véritable « arbiter elegantiarum » pour la majorité des Tchèques. Maître de cérémonie du premier président tchécoslovaque Tomáš Garrigue Masaryk, il a défini l’ensemble des nouvelles règles de l’étiquette. Ladislav Špaček précise :

« Ce n’étaient plus les règles de l’étiquette de cour. Jiří Guth-Jarkovský a pris le poste de maître de cérémonie justement pour transformer la courtoisie de la cour des Habsbourg en étiquette de la nouvelle République. Les règles imposées par Jiří Guth-Jarkovský étaient donc déjà assez démocratisées, et si nous les combinons avec les bonnes manières qui sont d’usage aujourd’hui dans les pays occidentaux, nous obtenons un code social très moderne. »

Le legs de Louis XIV

Bien que l’étiquette de cour puisse sembler comme un phénomène archaïque qui n’a rien à voir avec notre époque, Ladislav Špaček rappelle que c’est le roi Louis XIV qui doit être considéré comme le fondateur de l’étiquette moderne :

« Il a fixé les règles de disposition des sièges des convives, il a décidé que la fourchette serait le troisième élément obligatoire du couvert de table, il a introduit le port de la cravate, etc. L’étiquette de cour a été donc une base solide et profonde, une très bonne base pour l’étiquette moderne. »

Evidemment depuis Louis XIV et aussi depuis Jiří Guth-Jarkovský, les rapports sociaux ont énormément évolué et les nouveaux codes de comportement doivent refléter cette nouvelle situation. Ce qui a surtout changé, c’est par exemple la situation de la femme et de l’enfant. Encore à l’époque de Guth-Jarkovský le rôle de la femme était passif. Autrefois, une femme ne pouvait pas par exemple inviter un homme au restaurant, ce qui aurait été un faux pas impardonnable. Les enfants qui étaient admis en société, étaient obligés à se taire, ils ne pouvaient pas parler aux adultes sans être interrogés. Ces règles étaient très rigides car elles étaient marquées encore par la vieille courtoisie qui ne se transformait que lentement en une nouvelle civilité démocratique. Ladislav Špaček n’a donc choisi dans les guides de l’étiquette de Guth-Jarkovský que les éléments qui restent actuels encore aujourd’hui :

« Je cherche à faire progresser le thème de l’étiquette toujours plus loin et à l’introduire dans la société moderne. Jiří Guth-Jarkovský a été le vulgarisateur qui publiait des livres sur ce thème, des livres pour adultes, pour jeunes, pour maîtresses de maison, pour divers groupes sociaux. Je cherche à faire la même chose parce que je sais que chaque groupe, que ce soit les enfants, les adolescents, les étudiants, les managers, a besoin d’une autre approche car il est confronté avec des thèmes spéciaux dans le domaine de l’étiquette. J’ai donc malgré la distance dans le temps qui nous sépare beaucoup de commun avec Jiří Guth-Jarkovský. Je tâche comme lui de créer une étiquette pratique pour les gens, afin qu’ils y trouvent tous les thèmes dont ils ont besoin pour leurs affaires et pour leur vie sociale et privée. »

L’étiquette - la voie du succès

Comparé aux autres peuples, les Tchèques n’ont peut-être pas l’assurance des Anglais, le charme des Français et l’élégance des Italiens et, selon Ladislav Špaček, le comportement de ces peuples pourrait toujours être pour nous une source d’inspiration. Cependant, grâce aussi à Guth-Jarkovský qui reste encore dans beaucoup de points notre autorité de référence, nous disposons d’une base solide pour évoluer :

Photo: stockimages / freedigitalphotos
« Ce qui s’est beaucoup amélioré et ce qui se manifeste lors de mes conférences et aussi dans l’intérêt suscité par mes livres, c’est le comportement des gens d’affaires, du groupe des managers. Evidemment, on ne peut pas attendre d’un vigneron, même si c’est un Français, qu’il porte un costume-cravate et qu’il s’asperge d’eau de Cologne trois fois par jour. Il ne faut pas se faire d’illusions. Mais le comportement du groupe de managers tchèques est d’un niveau très élevé. Ces jeunes hommes et jeunes femmes que je côtoie sont tout à fait comparables à leurs partenaires et collègues de Rome, de Milan et de Paris. Ils sont parfaitement habillés, ils savent comment se présenter en manager moderne, ils connaissent des langues étrangères, ils ont beaucoup voyagé dans le monde. Ils ne manquent pas d’une certaine aisance qui leur permet d’évoluer sans problèmes dans la société. Evidemment il reste encore beaucoup de réserves et c’est pourquoi ces managers m’invitent pour les aider à corriger leurs imperfections. De plus en plus de jeunes managers se rendent compte de l’importance de l’étiquette. Ils savent que l’étiquette est la condition de leur succès. »