L'évêque Vaclav Maly : La Biélorussie n'intéresse personne
L'évêque Vaclav Maly, l'une des grandes figures de l'ex-dissidence tchèque, a récemment visité la Biélorussie pour suivre sur place la situation de l'Eglise, ainsi que celle de l'opposition biélorusse et la vie au quotidien de ses habitants. De retour dans le pays, il a appelé les médias tchèques à ne pas laisser tomber dans l'oubli un pays dans lequel rien de particulièrement dramatique ne se passe, comparé aux événements en Irak, en Afghanistan, en Afrique... Un pays qui ne peut guère éveiller un grand intérêt touristique...
Lors d'une récente conférence de presse, Vaclav Maly a beaucoup parlé des tendances de russification qui existent en Biélorussie : deux exemples pour tous : les messes de l'Eglise orthodoxe, première Eglise dans le pays, sont lues en russe ; le président Alexander Lukaschenko s'exprime exclusivement en langue russe, donc en langue étrangère. La situation est identique chez les jeunes qui sont très nombreux à préfèrer parler le russe au lieu de parler le biélorusse, une langue que deux tiers de la population seulement maîtrisent.
« L'opposition et les initiatives civiques en Biélorussie sont fatiguées. J'exprime mon profond respect aux gens qui sont toujours prêts à défendre les droits de l'homme », se confie Vaclav Maly. Il estime que la situation politique dans le domaine des droits de l'homme va en s'aggravant.
Et, pourtant, un grand souffle de la liberté, les Biélorusses ont pu le connaître, au début des années quatre-vingt-dix, avec la découverte de la liberté de la parole se traduisant par l'apparition de dizaines de journaux et de magazines indépendants. Un souffle beaucoup trop court, coupé dès 1994. S'il existe aujourd'hui encore quelques rares journaux nationaux indépendants, il n'y a, en revanche, aucune station de radio indépendante. La pression sur l'étouffement de la diffusion libre d'informations - une pression raffinée, d'ordre économique surtout - est omniprésente.
Pour Vaclav Maly, la répression raffinée est le point distinctif du régime Lukaschenko. Par exemple, le fait que l'on ne trouve dans le pays que deux prisonniers politiques - rien à voir donc avec Cuba - pourrait faire croire qu'on a à faire à un système humain. Mais c'est le contraire qui est vrai, dit-il. Peut-on comparer l'actuelle situation en Biélorussie avec celle d'avant la « révolution de velours » en Tchécoslovaquie ?
« Ce n'est pas une dictature typique, pareille à celle que nous avons connue chez nous avant 1989 », explique Vaclav Maly, l'un des dissidents tchèques lourdement persécutés par le régime communiste et, aussi, l'un des prinxipaux protagonistes de la fameuse « révolution de velours ». Ceci dit, la situation n'est pas moins alarmante. « Le système en Biélorussie est peu transparent, peu lisible, tout est dirigé du centre. A l'approche du référendum sur la modification de la Constitution, qui devrait permettre une prolongation du mandat présidentiel du président Lukaschenko, la situation s'aggrave, la pression s'accentue ».
Vaclav Maly n'est pas la seule personnalité, au-devant de la scène tchèque, qui manifeste un intérêt actif pour la Biélorussie. Autour du 27 juillet, date de la fête de l'indépendance de la Biélorussie, proclamée en 1991 et interdite quatre ans plus tard, députés et sénateurs tchèques ont lancé une pétition en faveur du soutien des droits de l'homme en Biélorussie. Rappelons aussi le séjour en Biélorussie, il y a trois ans, de deux sénateurs, tel un signe de solidarité avec l'opposition biélorusse. Depuis, malgré leurs réclamations, ils n'arrivent plus à obtenir de visa biélorusse.
Force est de constater que, en dépit du désintérêt général pour le « cas Biélorussie », déploré à juste titre par Vaclav Maly, celui-ci est pourtant soulevé, de temps en temps, dans la presse tchèque. Un long article paru dans une récente édition de l'hebdomadaire Respekt est porté dans le même esprit que les paroles de l'évêque. Nous citons :
« Les projets audacieux d'instauration de la démocratie en Irak, les préoccupations au sujet du stalinisme nucléaire en Corée du Nord semblent dissimuler aux Européens le fait qu'une dictature sombre survit sur le vieux continent. La Biélorussie de Lukaschenko a derrière elle dix ans d'existence ».
Le journal décrit largement la vie au quotidien des habitants de la Biélorussie. Une vie difficile sur le plan économique et matériel pour l'ensemble de la population, une vie impossible pour ceux qui, résignés, vivent dans des zones « à hauts risques », directement touchées par l'accident de la centrale nucléaire de Tchernobyl, en avril 1986.
En ce qui concerne l'opposition en Biélorussie, Respektécrit : « Après son accès au pouvoir, Lukaschenko a laissé exister les partis d'opposition. Dans les années 1996-97, après la publication d'une pétition pour le renouveau des libertés - Charte 97, le régime a pourtant considérablement renforcer les représailles. Plusieurs leaders de l'opposition ont disparu dans des conditions suspectes ou ont été détenus, d'autres sont partis à l'étranger. Depuis, l'opposition vivote. Elle s'est mobilisée, il y a deux ans, lors des deuxièmes présidentielles, en présentant son candidat. Un effort inutile. La victoire de Lukaschenko a été souveraine. Le référendum qu'il prépare lui permettra de présenter sa candidature pour la troisième fois. Nul ne doute qu'il gagnera ».