LGV, nouvelle gare centrale de Prague : les projets ambitieux vont bon train en Tchéquie
Lignes à grande vitesse, reconstruction ou réaménagement de nombreuses gares à travers le pays et revitalisation de quartiers entiers en partenariat avec Správa železnic, la Tchéquie se décide finalement à investir massivement dans ses infrastructures ferroviaires. Le chantier s’annonce de taille, le pays ayant déjà un train de retard en la matière.
Imaginez une Tchéquie où un trajet Prague-Brno ne vous prendrait plus qu’une heure au lieu de deux heures et trente minutes aujourd’hui (dans le meilleur des cas), et où un Prague-Ostrava serait assuré en une heure et quarante minutes, contre trois heures actuellement. Inconcevable ? Pourtant, d’ici respectivement dix et vingt ans, ce qui apparaît aujourd’hui encore comme une fiction pourrait devenir une réalité. C’est du moins ce qu’a soutenu l’administration responsable de la gestion des chemins de fer en République tchèque, Správa železnic, à l’occasion d’une table ronde consacrée au « Ferroviaire du XXIe siècle » en Tchéquie en cette rentrée.
La réunion a été l’occasion de faire un point sur les nombreux projets d’envergure qui affecteront les chemins de fer tchèques dans les prochaines décennies, à commencer par l’introduction de la grande vitesse. À l’étude depuis de nombreuses années, le tracé des futures lignes à grande vitesse, abrégées en VRT en tchèque pour Vysokorychlostní železniční trať, se peaufine. Selon les documents préparatoires, les lignes Vindobona et Ferdinand, reliant respectivement Berlin à Vienne via Prague et Brno et Katowice à Vienne via Ostrava et Brno devraient constituer les principales artères de ces LGV qui traverseront le pays. En dehors de ces deux lignes, un autre itinéraire reliant Prague à la ville de Wrocław, en Pologne, en passant par Hradec Králové est également sur les rails, tout comme deux courts tronçons au départ de Prague et à destination de Most (région d’Ústi nad Labem) et de Pardubice.
D’ici 2052 environ, seules deux heures devraient ainsi être nécessaires pour relier Prague à Berlin et à Vienne, et trois heures trente pour un trajet Prague-Budapest.
Le chef du département Conception et Stratégie de Správa železnic, Roman Štěrba, rappelle que l’accélération donnée à la modernisation du réseau ferré tchèque s’inscrit dans la stratégie environnementale portée par l’Union européenne pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 et répond également à un souci d’interconnectivité entre les pays de l’Union :
« Toutes ces démarches s’inscrivent dans le cadre des engagements climatiques de la République tchèque pris au niveau des Nations unies et au niveau de l’Union européenne, en particulier dans le cadre de ce que l’on appelle le Green Deal. […] Si l’Union européenne veut être cohérente et fonctionner comme un tout, elle doit assurer l’infrastructure de base utile à l’interconnectivité de ses régions et de ses États. […] Or, pour qu’une réorientation du transport routier vers le transport ferroviaire ait lieu, il nous faut assurément augmenter la capacité de l’infrastructure ferroviaire. »
En Tchéquie, le secteur ferroviaire est en pleine renaissance. Si les matériels roulants tendent à se moderniser depuis plusieurs années, les infrastructures et le ballast ferroviaires nécessitent encore des investissements supplémentaires. Entre les innombrables passages à niveau, les lacunes dans la mise en œuvre du système européen de contrôle des trains (ETCS) ou l’absence de lignes à grande vitesse, le pays a accumulé un retard relatif dans le milieu en comparaison avec ses voisins allemand, autrichien et même polonais à certains égards. En Tchéquie, la vitesse moyenne des trains avoisine encore les 110 km/h. Avec la construction de LGV, la vitesse maximale fixée actuellement à 160 km/h pourrait être portée à plus de 250 km/h.
Au plus tôt en 2032
La mise en service des premiers tronçons à grande vitesse est attendue au mieux pour le début des années 2030, précise Jakub Bazgier, le directeur de l’administration en charge de la construction des lignes à grande vitesse dans le pays, également présent à la table ronde :
« Malheureusement nous ne pouvons pas construire les LGV d’une seule traite. Il semble que le premier tronçon sera celui en Moravie, c’est-à-dire de Břeclav vers Ostrava et Katowice. Viendra probablement ensuite la connexion entre Brno et Prague, puis celle entre Prague et Dresde. Pour ce qui est de ce premier tronçon en Moravie, si toutes les étapes se déroulent bien – et je parle ici des étapes en dehors des processus d’autorisation de Správa železnic – nous espérons être en mesure de lancer un appel d’offres d’ici 2026. À l’heure actuelle, les estimations tournent autour de six années de chantier sur cet axe morave, soit une mise en service prévue aux alentours de 2032-2033. »
Le responsable a par ailleurs tenu à préciser que ces travaux colossaux dans certaines régions ne relégueront pas au second plan d’autres villes d’importance du pays, citant notamment les cas de Plzeň et de České Budějovice, dont la desserte devrait être améliorée.
La gare, point de départ de la revitalisation d’un quartier
Dans ce vaste plan de refonte du réseau ferré tchèque, la ville de Prague occupe une place notoire. Entre le train et Prague, en effet, c’est une longue histoire. La première locomotive a fait son entrée dans la capitale il y a précisément 193 ans, en 1830. De nos jours, près de 160 000 usagers empruntent quotidiennement les 244 km de voies ferrées qui sillonnent le territoire de la ville, sans compter le réseau métropolitain, où se croisent près d’un demi-million de passagers par jour.
Selon les estimations de Správa železnic, en 2070, environ 3 300 trains devraient quotidiennement traverser Prague, ce qui correspond à un triplement du trafic actuel. Ces chiffres vertigineux expliquent, selon Václav Brejška, le représentant de la mairie de Prague à la table ronde, l’empressement des pouvoirs publics à moderniser les infrastructures ferroviaires de la ville :
« Le développement territorial lié au chemin de fer n’est pas un sujet pour lequel nous devons attendre des décennies. […] Le chemin de fer est intimement lié au développement de la ville. C’est le cas par exemple dans le secteur de Smíchov, où Správa železnic s’apprête à lancer la reconstruction de la gare. La ville se consacrera, dans le même temps, à y réaliser un terminal de transport. Un tout nouveau quartier sortira de terre. Ce sera un nouveau centre majeur de Prague, aussi bien résidentiel que commercial. »
« Un autre sujet important pour la ville est le chantier en cours d’achèvement dans le quartier de la gare Masaryk qui sera suivi, espérons-le, par la reconstruction de la gare à partir de l’année prochaine. Il est également extrêmement intéressant de suivre ce qui se passe à Bubny, où l’ancienne ligne vers Kladno est en train d’être transformée en une voie ferrée moderne qui desservira sur une seule et même ligne non seulement l’aéroport – qui n’est toujours relié à aucun système ferroviaire – mais aussi la plus grande ville de Bohême centrale, Kladno. Cette ligne desservira également d’autres zones d’une grande importance pour le développement de la capitale, notamment la zone de Dlouhá míle, à la périphérie de la ville, où le trafic ferroviaire croise le périphérique de Prague et deux autoroutes. »
A Prague, le projet Nový Hlavák
La gare centrale de Prague, Hlavní nádraží, ne sera pas non plus épargnée par les chantiers. Même si elle ne sera pas rebâtie dans un style contemporain, à l’image de ses consœurs brunoise et viennoise, en raison de son inscription sur la liste des monuments culturels immobiliers, l’ancienne gare François-Joseph de Prague devrait malgré tout connaître quelques aménagements dans les prochaines années. Ce projet porte le nom de Nový Hlavák, « Nouvelle gare centrale ». Les changements se feront tout d’abord en profondeur puisque le hall situé sous la gare devrait faire peau neuve et que deux nouvelles voies ferroviaires souterraines devraient être créées. L’interconnectivité avec les autres modes de transports urbains devrait également être améliorée, avec le retour annoncé sur le parvis de la gare d’un arrêt de tramway rue Opletalova, une fois que les travaux dans la partie supérieure de la place Venceslas auront été engagés. La ligne de métro D, actuellement en construction, qui desservira le sud de la capitale, pourrait, elle aussi, être prolongée, de Náměstí Míru à Náměstí Republiky et desservir par la même occasion Hlavák, comme ont coutume de l’appeler les Pragois. Notons enfin que la mairie travaille sur la manière de réaménager les abords de la gare centrale, dont la réputation laisse, il est vrai, à désirer, afin de donner aux jardins Vrchlický une nouvelle esthétique.
Conscient que ces nombreux chantiers ne manqueront pas d’occasionner retards et autres désagréments aux usagers, le représentant de Správa železnic à la table ronde a conclu son intervention en invitant les passagers à la tolérance et à la patience.
Trains de nuit : bientôt un Prague-Bruxelles !
En attendant l’arrivée de la grande vitesse en Tchéquie, sachez qu’une nouvelle ligne de trains de nuit sera proposée au départ de Prague prochainement. A partir de mars 2024, il sera dorénavant possible, grâce à la compagnie belgo-néerlandaise European Sleepers, de rejoindre Bruxelles via Berlin et Amsterdam depuis Prague. Un petit secret pour tous ceux qui aiment avoir un train d’avance en matière de ferroviaire !
Pour un aperçu de l’ensemble des projets achevés, en cours de réalisation et à l’étude relatifs aux infrastructures ferroviaires en République tchèque, consultez la carte interactive conçue par la société Správa železnic : mapy.spravazeleznic.cz.