L'ODS : pour un autre modèle de l'intégration européenne ?

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Martin Plichta, correspondant français du journal Le Monde a Prague, et son regard sur la situation post-électorale en République tchèque :

« La République tchèque s'y trouve depuis de nombreuses années déjà. Cette situation politique précaire, avec des majorités très courtes - on a même eu pendant quatre ans un gouvernement minoritaire - cette situation donc ne fait que durer. C'est vrai que cette fois-ci, nous sommes encore plus fragilisés, puisqu'il n'y a pas de majorité qui se dégage pour le moment. La situation sera donc plus instable, mais jusque-là, les gouvernements même fragiles ont tenu toutes leurs législatures, donc on va peut-être se laisser surprendre».

La Tchéquie est l'un des nouveaux pays membres de l'UE, avec une économie saine et prospère. Quelle explication avez-vous au fait que les Tchèques ont pourtant décidé de balayer son cabinet social-démocrate ?

« Je pense qu'ils ont surtout voulu faire payer, comme on dit, les affaires de corruption, et puis une certaine usure de pouvoir de ces gens. Les gens sont un peu las de voir toujours les mêmes têtes, d'entendre le même discours, donc je pense qu'ils ont voulu l'exprimer en donnant avantage, somme toute assez court, à l'ODS. Ils ne se sont pas du tout exprimés sur leur situation sociale et économique, en tout cas pas en Bohême, je pense par contre qu'en Moravie, où les sociaux-démocrates ont gagné, on a privilégie un vote social et économique et moins politique ».

Est-ce que cela veut dire que les habitants de la Bohême sont plus riches que ceux de la Moravie (partie est de la République tchèque) ?

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« C'est une réalité. Le déséquilibre entre les revenus entre la partie ouest, donc la Bohême, et la partie est, la Moravie, est marqué. Les salaires en Moravie sont beaucoup plus bas, le chômage y est en général plus élevé. Il est intéressant qu'il y a une région, en Bohême du nord, qui a voté majoritairement pour le parti social-démocrate, pour le parti communiste aussi. Il y a une coupure, une fracture sociale entre l'est et l'ouest du pays que le parti social-démocrate n'a pas complètement réussi à éliminer, mais qui s'affirme depuis un certain nombre d'années. Je pense que cela se reflète dans ce vote qui est assez logique ».

L'ODS a remporté les élections. Quel est le parti qui lui serait le plus proche, sur la scène européenne ?

« L'ODS a pour partenaire privilégie les conservateurs britanniques. Ils partagent en particulier les mêmes points de vues sur les questions internationales, sur l'atlantisme, les relations privilégies avec les Américains et, surtout, un euroscepticisme voire virulent - du moins pour une certaine partie de l'ODS. C'est vrai par ailleurs qu'ils sont un peu isolés sur la scène européenne. Des relations, bien qu'assez fréquentes avec la CDU allemande ou l'UMP français, restent assez difficiles, car les positions européennes des partis allemand et français ne sont pas du tout les mêmes que celle de l'ODS ».

L'ODS effectivement n'est pas très favorable à l'intégration européenne. S'il gouverne le pays pendant les quatre prochaines années, peut-on s'attendre à ce qu'il change son discours ou ses positions ?

« Je pense que le discours de tout parti qui arrive au gouvernement, qui passe de l'opposition au gouvernement, devient plus tempéré. Je pense donc qu'aussi à l'ODS, on verra cette évolution y compris la question de l'intégration européenne. Même s'ils tiendront à marquer et entretenir leur différence et mettre en avant leur position sinon eurosceptique alors du moins pour ralentir l'intégration européenne et surtout essayer d'infléchir cette intégration vers un autre modèle, celui des nations, cultivé par les conservateurs britanniques et, aussi, par certaines franges de la droite française ».