L'Université Charles fête le 655e anniversaire de sa fondation
La capitale tchèque Prague possède la plus ancienne université en Europe centrale portant le nom de son fondateur, Charles. Elle a été fondée sur le modèle de la Sorbonne à Paris et de l'université de Bologne. 655 années se seront écoulées, le 7 avril, depuis sa fondation.
Comme on peut le lire dans l'acte de fondation en date du 7 avril 1348, Charles IV, roi de Bohême et empereur germanique, décide de donner naissance - nous citons: à un "studium generale" dans la ville métropolitaine de Prague. Le souverain suppose alors que la première université d'Europe centrale attire dans la métropole du royaume de Bohême l'élite intellectuelle, ce qui doit renforcer la position de la dynastie des Luxembourg. L'université la plus proche au sud de Prague se trouve alors à Trévise, en Italie, à l'ouest, à Paris, et au nord de Prague, il n'y a pas d'universités. L'université de Cracovie est de 16 ans plus jeune que celle de Prague. Charles IV fait tout, avant la publication de l'acte de fondation de l'université de Prague, pour que l'aristocratie ne déjoue pas ses plans: ainsi, déjà en janvier 1347, il se fait accorder, pour la future université de Prague, par une bulle du pape, le droit de décerner le titre de docteur ès théologie, grade universitaire suprême jusqu'au XVIIIe siècle.
Dès le début, l'Université de Prague est divisée en 4 facultés: art, médecine, droit et théologie. La vie de la communauté académique donne naissance à un rituel dont subsistent jusqu'à nos jours certains éléments solennels, tels que l'immatriculation des nouveaux étudiants et la promotion - accession à des grades universitaires, qui sont, à l'époque de la fondation de l'université, les suivants: bachelier, docteur et maître.
Aujourd'hui, les cérémonies officielles ont lieu dans l'aula historique de l'ancien collège du Carolinum. La tradition a voulu que subsistent aussi les insignes matériels de la dignité, à savoir le sceau, les chaînes des recteurs et des doyens, les sceptres et les insignes des différentes facultés et du recteur.
Les universités à l'étranger, y compris celle de Paris, qui servent de modèle à l'université pragoise, possèdent des collèges dans lesquels les professeurs sont logés et nourris et où il y a des salles de cours et des bibliothèques. Le canon valable à Prague jusqu'en 1612 exige que les professeurs vivent dans le célibat ecclésiastique. Dix-huit ans après la fondation de l'Université, Charles IV fait don à celle-ci d'un premier collège qui sert principalement à la faculté des arts libéraux, laquelle représente, dès le début, un centre de la vie universitaire à Prague. En 1383, le collège Charles reçoit du roi Venceslas IV, fils de Charles, un nouveau bâtiment somptueux dans la Vieille-Ville, le Carolinum, le plus ancien sur le continent européen et dont se sert depuis toujours l'université.
La première génération des diplômés de l'Université pragoise se rallie aux partisans du réformateur anglais, John Wycliff: les maîtres pragois sont des défenseurs des idées prêchant la nécessité de réformer l'Eglise et la société. De même que Wyclif en Angleterre, le maître Jean Hus bénéficie, à Prague, pendant un certain temps, de la protection des groupements influents près de la cour royale. Après l'abolition du Décret de Kutna Hora, assurant au peuple universitaire tchèque trois voix et aux étrangers parlant l'allemand une seule voix dans les décisions concernant la vie universitaire, le sol de l'université de Prague devient le noyau même de la réforme, avec à sa tête Jean Hus, nommé recteur. C'est cette ère des plus célèbres qui a prédéterminé le combat incessant de l'université pour son caractère indépendant. Une grande victoire de l'opposition patriotique tchèque est la formulation et la proclamation des célèbres Quatre articles de Prague, de 1420, qui constituent le programme fondamental du hussitisme et qui insistent sur la suppression du règne des prêtres sur les biens séculiers. L'Université de Prague est alors l'une des premières en Europe à se libérer de la tutelle de l'Eglise catholique. Mais d'un autre côté, elle prend un certain retard sur les autres universités de première importance avec lesquelles elle a coupé, pendant un certain temps, les contacts. Le règne de l'empereur Rodolphe II, à partir de l576, marque un tournant: l'Université de Prague relève sa réputation de foyer de l'élite spirituelle. Parmi les nombreux érudits étrangers venant y enseigner, mentionnons Johannes Kepler et Tycho Brahé, illustres astronomes.
En 1609, suite aux Lettres impériales de Rodolphe II, l'Université de Prague tombe pour la première fois sous la dépendance complète du pouvoir d'Etat. C'est au Carolinum que les Etats tchèques, insurgés, tiennent leurs assises. De là, les pas des radicaux se dirigent vers le Château de Prague, scène d'une défenestration des gouverneurs royaux. Après la défaite des Etats tchèques contre les Habsbourg, à la Montagne Blanche, en 1620, le recteur Jan Jesensky est condamné à mort et décapité, en juin 1621, sur la place de la Vieille-Ville. En 1654, l'empereur Ferdinand II décide de joindre l'Université pragoise à l'académie jésuite siégeant alors au Clementinum. Dès lors, on perd tout espoir de voir fonctionner à Prague une université non catholique. Jusqu'à la proclamation de la République tchécoslovaque indépendante, en 1918, l'université s'appelle carlo-ferdinandienne. Depuis cette date, elle porte le nom de l'Université Charles, à la mémoire de celui qui l'a fondée, le 7 avril 1348.