L'uranium tchèque trop précieux pour ne pas être exploité?

Photo: danysek.cz

L’Allemagne a annoncé sa décision de ne plus produire d’énergie nucléaire dans quelques années. Pour plusieurs de ses voisins, une telle décision est pour l’heure inconcevable, même après le traumatisme de Fukushima. Pour la République tchèque, la tendance est même inverse. Prague veut augmenter la capacité d’une de ses deux centrales et songe désormais à rouvrir ses anciennes mines d’uranium pour subvenir à ses besoins en combustible nucléaire.

Il ne reste plus qu’une mine d’uranium encore en activité en République tchèque, l’une des toutes dernières en Europe. A Dolní Rožínka, les mineurs font les trois huit à plus de 1000m de profondeur. Interdit de travailler plus de dix ans ici, à cause des potentiels risques sur la santé. D’ailleurs, pendant longtemps, ce sont les prisonniers politiques que le régime communiste envoyait creuser. Petr Kříž est l’ingénieur en chef de la mine:

« Tous les vêtements qu’on porte dans la mine, même les mouchoirs ou les serviettes, sont lavés ici, parce qu’ils sont légèrement irradiés. Et même l’eau qui sert à les laver, parce qu’elle est légèrement contaminée par l’uranium, doit être décontaminée. On emmène un dosimètre, qui mesure les radiations gamma. »

Les réserves de la mine vont bientôt être épuisées et Dolní Rožínka sera fermée dans quelques années. Mais le prix de l’uranium a connu une telle envolée pendant la dernière décennie que les autorités tchèques songent sérieusement à rouvrir d’anciennes mines. Car aujourd’hui le sous-sol tchèque renfermerait encore 30 à 70000 tonnes d’uranium, équivalent à plusieurs milliards d’euros.

Josef Lazárek est l’un des responsables de la société publique en charge de la gestion de l’extraction.

« En République tchèque, même après les événements du Japon, la volonté de continuer l’activité nucléaire n’a pas faibli. Sans l’uranium et sans l’énergie nucléaire je ne pense pas que notre pays et l’Europe toute entière puisse s’en sortir dans les 30 ou 40 prochaines années. »

Le ministère tchèque de l’Industrie a récemment rédigé un rapport dans lequel il est clairement établi que le pays ne pourra s’en passer. Pavel Vlcek est le porte-parole du ministère.

« Avec le potentiel d’uranium dont nous disposons, il est certain que nous allons l’exploiter au cours des prochaines décennies, mais bien évidemment nous appliquerons des méthodes d’extractions qui respecteront l’environnement. »

C’est à Stráž pod Ralskem que se trouve le gisement d’uranium le plus important. Mais sous le communisme, la région a beaucoup souffert de la pollution liée à l’extraction chimique du combustible nucléaire. Le désastre provoqué par l’acide sulfurique est d’une telle ampleur que le nettoyage est prévu pour durer jusqu’en 2040.

Josef Jadrný
Josef Jadrný, du parti des Verts, est l’un des leaders du mouvement contre une potentielle réouverture des mines dans cette zone où les sols ont été contaminés et les nappes phréatiques menacées :

« C’est ici, au milieu de ce champ, qu’ils pourraient construire leur mine et s’installer. C’est le cœur du gisement d’uranium, il y en aurait 20000 tonnes. S’ils reprennent l’exploitation, s’ils recommencent à injecter des milliers de tonnes d’acide sulfurique dans le sol, alors on courra à un risque énorme d’une catastrophe écologique. »

La pression économique pour exploiter le minerai qui permettrait de faire fonctionner les deux centrales tchèques est bien palpable. Et elle ne vient pas que de l’Etat. Josef Málek, le maire de la commune de Věžnice, située sur un important gisement, a déjà reçu plusieurs visites de l’étranger :

« Il y a la responsable d’une société australienne d’exploitation d’uranium qui est venue nous voir. Elle a prévu une part des recettes pour la commune à condition de pouvoir extraire l’uranium : 375000 dollars par an. Elle nous a aussi expliqué qu’ils pourraient construire des routes et reconstruire l’école. On a refusé, mais je pense que c’est inévitable qu’on finisse par extraire de l’uranium ici. On ne pourra rien faire pour arrêter ça. Tout ce que nous pouvons, c’est retarder l’échéance. »

L’uranium : trop précieux pour ne pas être exploité ? Pour certains l’argument économique est une évidence, et les technologies modernes permettront de réduire l’impact sur l’environnement. Cela permettrait aussi à la République tchèque d’être moins dépendante du gaz et du pétrole russes. Un argument rejeté par ceux qui constatent que l’uranium tchèque doit être enrichi à l’étranger, et qu’il est toujours enrichi en Russie.