Rozna: la plus grosse mine d'uranium de l'UE encore en exploitation

Photo: www.montanya.org

Aujourd'hui dans notre émission nous quittons la capitale tchèque pour nous rendre dans la région de Vysocina, au centre du pays, à la frontière entre les régions de Bohême et de Moravie. Destination Rozna, la plus grosse mine d'uranium encore en exploitation dans l'Union européenne.

Il est 13h30. Quatre par quatre, les mineurs remontent du 23e sous-sol. Ils viennent de passer huit heures d'affilée à extraire de l'uranium à plus de 1000 mètres de profondeur. Des dosimètres individuels mesurent la quantité de radiations auxquelles ils sont soumis. Ici, le règlement leur interdit de descendre plus de 10 ans dans les galeries de la mine.

« Ca ne me pose pas de problème de travailler ici. Normalement tout est fait pour que notre santé ne soit pas mise en danger. »

« C'est un travail difficile... mais y a pas beaucoup de boulots dans la région et puis on gagne bien notre croûte ici. »

Aujourd'hui, environ 300 tonnes d'uranium sont extraites chaque année des entrailles de cette mine de Rozna. Grâce à cette mine, la République tchèque est aujourd'hui le premier producteur d'uranium de l'UE.

En surface, c'est un peu comme si le temps s'était arrêté. Ouverte en 1957, la mine a contribué pendant de longues années fournir l'uranium nécessaire à l'arsenal nucléaire soviétique. Désormais, l'uranium extrait ici, après avoir été enrichi, alimente les deux centrales nucléaires tchèques.

Bedrich Michalek est le directeur de la mine:

« Il y a au peu près 480 employés ici, dont 350 qui travaillent sous terre et environ une centaine qui travaille directement à l'extraction de l'uranium. Malheureusement, la mine de Rozna a subi de plein fouet la crise du secteur minier au moment de la chute du régime communiste, au début des années 90. Les autorités n'ont pas investi du tout dans l'extraction de l'uranium. Mais à partir de maintenant ça va changer, parce que des investissements sont nécessaires pour que l'exploitation puisse se poursuivre. »

Si le directeur de la mine de Rozna est optimiste, c'est parce que le gouvernement vient de décider de prolonger l'exploitation. Longtemps menacée de fermeture, l'uranium tchèque est aujourd'hui l'objet de toutes les convoitises.

Combustible essentiel au fonctionnement des centrales nucléaires, l'uranium se vend de plus en plus cher sur les marchés internationaux. Plusieurs investisseurs étrangers sont venus visiter la mine de Rozna récemment, et certains ont déjà manifester leur intérêt :

« La société australienne Uran Limited a déjà fait une offre pour investir dans notre mine. L'offre n'a pas été acceptée par le ministère de l'Industrie. D'autres ont déjà manifester leur intérêt, dont une société canadienne et une société russe. Et puis la société tchèque CEZ s'est également montrée intéressée. C'est au gouvernement de décider s'il autorise l'arrivée d'un investisseur étranger. »

Tout en déclinant l'offre australienne, le gouvernement tchèque vient de décider de poursuivre l'exploitation pendant encore au moins cinq ans.

« La raison qui nous a poussé à prendre cette décision est simple : en cinq ans le prix de l'uranium a été multiplié par 10, explique Zbysek Sochor, directeur du département des mines du ministère de l'Industrie. Sur le marché international, l'offre est inférieure à la demande. La mine est donc redevenue rentable ; c'est d'ailleurs pour ça que les investisseurs étrangers s'y intéressent de plus en plus. Si nous avons provisoirement refusé l'offre australienne, c'est parce qu'elle est venue trop tôt. Il faut d'abord que les études de prospection soient menées à leur terme, d'ici un ou deux ans, pour savoir quelles sont les réserves de la mine. Après seulement, il sera temps de d'intéresser aux éventuelles offres. »

La société australienne Uran Limited, qui vient donc de voir son offre refusée, n'en a pas perdu pour autant son appétit d'uranium tchèque. En contrat avec la société tchèque Timex Zdice, elle vient de demander une autorisation au ministère de l'Environnement pour de nouvelles prospections à quelques kilomètres de la mine de Rozna, autour de la commune de Brzkov, où les anciennes mines d'uranium en activité dans les années 1980 avaient été fermées.

Les maires des communes voisines ne se sont pas montrés très enthousiastes à l'idée de voir ces mines de nouveau exploitées...

Mais à Rozna, malgré les protestations de quelques écologistes, à cause des risques pour l'environnement, la décision de prolonger l'exploitation a été accueillie avec soulagement par la commune et ses habitants, économiquement dépendants de la mine.

« L'exploitation de l'uranium comporte des risques spécifiques, comme le risque d'une concentration excessive de radon dans l'air, ou les bassins de décantation, dont l'impact sur l'air et l'eau est surveillée de près, indique Eva Sykorova, maire de Rozna. L'écologie est pour nous une priorité, mais les emplois créés et la manne financière que représente la mine nous permettent d'améliorer la vie des habitants. »

La République tchèque est aujourd'hui le premier producteur d'uranium de l'UE. Et L'augmentation du prix sur les marchés est telle que d'autres anciennes mines du pays pourraient à nouveau être exploitées.