Malgré le plan d’austérité du gouvernement, les vins tranquilles exonérés de l'accise en Tchéquie
Parmi toutes les mesures annoncées par le gouvernement, jeudi 11 mai, dans le cadre du vaste plan d’austérité dit de « consolidation budgétaire », la décision de ne pas soumettre à accise les vins tranquilles (soit donc non effervescents) a suscité de nombreuses critiques. Les brasseurs et les producteurs de spiritueux, notamment, considèrent cette exception comme une injustice.
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Prévu pour 2024 et 2025, le resserrement des cordons de la bourse, qui vise à réduire le déficit du budget de l’État de près de 150 milliards de couronnes (6,4 milliards d’euros), concernera tout le monde ou presque en République tchèque. L’objectif annoncé par le gouvernement dans le cadre d’un plan appelé « La Tchéquie en forme – Plan d’assainissement des finances publiques » est de réduire le déficit de plus de deux points pour parvenir à un ratio de 1,2 % du produit intérieur brut d’ici à deux ans et demi. Qu’il s’agisse des ménages, des salariés, des entreprises ou encore des micro-entrepreneurs, tous devront faire des économies ou mettre davantage la main à la poche.
Ce mardi, lors d’une conférence de presse très suivie au cours de laquelle elle a présenté ses objections à cette sévère « remise en forme », la Confédération des syndicats de Bohême et de Moravie (ČMKOS) a ainsi par exemple expliqué avoir fait le calcul qu’une famille avec un enfant d’âge préscolaire dont les deux parents disposent d’un revenu brut mensuel moyen de 42 000 couronnes (1 785 euros) verra ses revenus réduits de 17 à 20 %, soit jusqu’à près de 180 000 couronnes par an (7 660 euros), en raison de l’application de ces différentes mesures.
Avant cela, lundi, le président de cette même ČMKOS, le très médiatique Josef Středula, à la tête d’une organisation qui chapeaute une trentaine de syndicats de tout le pays, a menacé du déclenchement à tout moment d’un mouvement de grève tout en reprochant au gouvernement de ne pas mener de dialogue social sérieux avec les syndicats. Une menace qui, dès dimanche, avait toutefois été balayée d’un revers de la main par le Premier ministre, le conservateur Petr Fiala :
« Je ne vois pas pourquoi il devrait y avoir une grève générale alors que nos mesures sont très bien pensées et ont été prises en tenant compte de leurs retombées sociales. Nous ne reviendrons pas dessus. Ni moi ni le gouvernement ne nous laisserons intimider. Ces mesures ne rendront pas le gouvernement plus populaire et nous en paierons le prix politique. Mais nous savons pourquoi nous les prenons. Nous nous ne sommes pas là pour mener une politique populiste et pour être applaudis tous les jours. Si quelqu’un veut exercer une pression injustifiée, qu’il le fasse, mais ce sera alors au détriment des Tchèques et de de l’avenir de notre pays. »
Toutefois, comme l’ont noté de nombreux observateurs, il ne sera pas tout à fait demandé à tous de se serrer la ceinture avec la même force. Peut-être parce que leur campagne de lobbying pour être exonérés de cet impôt indirect remonte déjà à plusieurs mois, les vignerons apparaissent en effet comme une des rares catégories à avoir été épargnée par la politique d’austérité du gouvernement.
En renonçant finalement à soumettre à accise les vins tranquilles, soit la grande majorité des vins produits, importés et consommés en République tchèque, ou plus précisément en décidant d’appliquer un taux zéro, le gouvermement a fait grincer de nombreuses dents. Et ce essentiellement dans les rangs des autres producteurs de boissons alcoolisées, de bière et de spiritueux notamment, comme l’explique Luboš Kastner, de l’Association des petites et moyennes entreprises :
« C’est la manière dont le gouverment envisage les choses qui est problématique. On nous a d’abord dit que tout le monde devait participer et finalement on instaure une exception pour le vin. On me demande pourquoi l’accise sur le vin a un taux zéro alors que les micro-brasseurs ont les mêmes procédés de production que les vignerons ou pourquoi les cultivateurs d’orge ou de houblon ne sont pas placés sur la même échelle que les vignerons, mais je ne sais pas répondre à ces questions. »
Dans les rangs des producteurs de vin, on estime qu’il s’agit là d’une chasse aux sorcières et que la décision du gouvernement tchèque s’inscrit dans un contexte européen plus large. La Fédération des viticulteurs rappelle ainsi que dans le cadre des règles de l’Union européenne relatives à la taxation sur l’alcool, une directive s’applique depuis 1993 pour permettre l’application d’un droit d’accise nul sur les vins tranquilles dans les pays producteurs possédant plus de 500 hectares de vignobles. Une surface que dépasse la République tchèque, où sont recensés quelque 18 000 hectares de vignes et où, donc, comme dans de nombreux autres pays européens, et notamment chez ses voisins, un taux nul a été retenu.