« Masaryk » le film : l’histoire d’un homme qui a vécu dans l’ombre de son père

'Masaryk', photo: ČT

Responsabilité d’un diplomate à l’aube de la Deuxième Guerre mondiale, mais aussi vie de bohème, femmes, musique, drogues… Signé Julius Ševčík, le film « Masaryk » présente Jan Masaryk, ancien ministre des Affaires étrangères et fils du premier président tchécoslovaque, sous un angle bien différent de celui des livres d’histoire. Même s'il ne sortira officiellement dans les salles qu’en mars prochain, ce long métrage tchéco-slovaque a déjà éveillé l’attention du public et des professionnels du cinéma, notamment en étant retenu pour la compétition officielle de la Berlinale qui s’ouvre ce vendredi.

Durant l’hiver 1939, Jan Masaryk, ancien ambassadeur tchécoslovaque à Londres, est interné dans un hôpital psychiatrique à New Jersey. Son état de santé est fragile, et non sans raison : il souffre parce que le Royaume-Uni et la France ont abandonné son pays. En signant les accords de Munich, les deux puissances ont laissé le champ libre à Hitler pour s’emparer des Sudètes et envahir la Tchécoslovaquie. Jan Masaryk croit alors qu’il a échoué dans sa mission de diplomate et a été indigne de l’héritage de son père Tomáš Garrigue Masaryk, premier président tchécoslovaque.

Cet épisode ouvre le nouveau long-métrage de Julius Ševčík ; un film qui retrace l’histoire de Jan Masaryk, incarné par Karel Roden, depuis ses débuts en tant que diplomate à l’étranger jusqu’à l’exercice de ses fonction de ministre des Affaires étrangères et sa mort restée suspecte le 10 mars 1948. Mais l’œuvre présente aussi des aspects plus personnels de cette personnalité importante de l’histoire tchèque, comme sa relation à son père ou son amour pour l’écrivaine américaine Marcia Davenport, ou encore sa consommation d’alcool et de drogues. Avant la naissance du film, le scénariste Petr Kolečko a donc dû étudier de nombreuses sources historiques, et la question se pose de savoir s’il préfère la réalité historique à un spectacle imposant. Petr Kolečko :

Petr Kolečko,  photo: Standa Soukup,  ČRo
« Ce dilemme revient chaque fois qu’un film inspiré d’événements réels est tourné. J’ai d’abord été hystérique, car je craignais que le film soit imprécis du point de vue historique. Quand nous avons écrit la première version, nous avons vérifié toutes les informations. Puis nous avons fait lire le scénario aux critiques, et la plupart d’entre eux nous ont dit que tout cela était trop historique et qu’il fallait se consacrer davantage sur le récit filmique. Finalement, nous n’avons même pas collaboré avec les historiens. Personne n’avait la réponse à mes questions car l’histoire de Jan Masaryk est parfois plus obscure que d’autres histoires de cette époque. De plus, nous n’avons jamais dit qu’il s’agissait d’un film historique. Je crois que les faits et événements de base sont corrects. A Hollywood, ils modifient et interprètent l’histoire beaucoup plus radicalement. Mais le plus important pour moi est le point de vue que présente le film. »

Avec quatorze nominations, « Masaryk » sera le grand favori de la 24e cérémonie des Lions tchèques, le prestigieux concours qui récompense les meilleurs films de l’année. Malgré ses éventuelles imprécisions historiques, l’œuvre est donc évaluée assez positivement, et ce pas seulement par la critique tchèque qui apprécie qu’elle soit de « la qualité des grandes productions américaines ». Petr Kolečko poursuit :

Karel Roden dans le rôle de Jan Masaryk,  photo: ČT
« Dans sa première phase, le scénario a été choisi dans le programme ‘ScripTeast’, un prestigieux projet polonais qui s’efforce de soutenir des scénaristes d’Europe centrale et orientale. Le principal avantage de ce programme est qu’il lance une coopération avec des conseillers dramaturgiques américains. Nous avons donc collaboré avec le scénariste Tom Abrams et j’en suis très reconnaissant. La dramaturgie américaine a des règles beaucoup plus strictes que la dramaturgie tchèque. Au début, je n’ai pas voulu les accepter mais j’ai participé à un atelier en Pologne, puis à d’autres qui ont été organisés lors des festivals de Berlin et de Cannes. Il s’agissait pour moi d’expériences très importantes car la dramaturgie professionnelle n’existe pas vraiment en République tchèque. C’est pour cette raison que le film est différent : il possède une dramaturgie professionnelle. »

Petr Kolečko précise également de quel point de vue les auteurs présentent donc la personnalité de Jan Masaryk :

'Masaryk',  photo: ČT
« Le film parle de la mission dont était chargé Jan Masaryk sans même le vouloir ; c’est un homme qui est né dans un certain milieu, doit exercer une fonction à laquelle il est prédestiné tout en étant supposé pouvoir sauver non seulement son pays mais aussi une bonne partie de l’Europe. J’admire le fait que Jan Masaryk ait su remplir son devoir malgré ses faiblesses, incertitudes et problèmes psychiques. Je trouve que c’est très inspirant pour nous tous. »

Tourné essentiellement à Prague et à Bratislava, mais aussi aux Pays-Bas, le film, auquel ont pris part de nombreux acteurs étrangers comme Hanns Zischler, Arly Jover ou Dermot Crowley, sera présenté, du 17 au 19 février, en compétition officielle à la Berlinale avant sa grande première dans les salles tchèques le 9 mars prochain.