Métro de Prague : à la station Háje, un voyage dans le temps et dans l’espace
Le métro de Prague a 50 ans ! A cette occasion, nous vous invitons à découvrir les stations emblématiques du réseau métropolitain de la capitale tchèque. Dans ce nouvel épisode, direction Háje, le terminus sud de la ligne C. Nous y attend notre guide Martin Karlík de Prague City Tourism, qui nous a promis un voyage dans le temps et dans l’espace...
Martin Karlík, la dernière fois que nous nous sommes rencontrés, vous nous aviez présenté la station Můstek. Pour ce nouvel épisode, changement d’atmosphère ! Nous avons quitté les rues pavées et les immeubles anciens du centre-ville pour les larges artères et les grands ensembles d’immeubles de la banlieue sud de la capitale. Notre visite débute devant une sculpture située à proximité de la station de métro Háje. Pourriez-vous, pour commencer, nous la décrire ? Qui sont les deux personnages représentés et pourquoi cette œuvre a-t-elle été installée à cet endroit précis ?
« Cette sculpture représente deux hommes : à gauche, le cosmonaute tchécoslovaque Vladimír Remek et, à droite, le cosmonaute soviétique Alekseï Goubarev. Les deux ont effectué ensemble une mission dans l’espace. La présence de cette sculpture rappelle qu’au moment de la construction de la station, en 1978, soit deux ans avant son inauguration, Vladimír Remek s’était envolé dans l’espace, une grande fierté, car il était alors le premier homme issu d’un pays autre que les États-Unis et l’Union soviétique à aller dans l’espace. C’est donc en son honneur, et en l’honneur de tous les cosmonautes, que la station a été baptisée Kosmonautů (des Cosmonautes). »
Nous avions déjà brièvement évoqué ce thème de l’exploration spatiale dans un épisode précédent, à Anděl, par le biais des bas-reliefs en bronze qui ornent les quais. Ici, à Háje, tout rappelle cet univers, à commencer par le nom des rues. Outre la rue du Cosmos, on trouve également non loin la rue d’Arkalyk, cette ville kazakhe par laquelle passaient les cosmonautes de retour sur Terre, ou encore la rue de Baïkonour, en référence au célèbre cosmodrome d’où a été lancé le vaisseau de Vladimír Remek. Y a-t-il d’autres éléments qui rappellent la course à l’espace dans les environs ?
« Oui, il y a également dans le vestibule du métro une mosaïque qui rappelle l’exploration spatiale. Il s’agissait d’un thème majeur à l’époque, dont on parlait beaucoup, et cela explique assurément qu’il ait été décidé, par la suite, de baptiser la station Cosmonautes. »
« Concernant la sculpture des deux cosmonautes, il est intéressant de noter qu’il en existe deux autres exemplaires. L’une de ces copies se trouvait dans la cour d’une école à Kroměříž (région de Zlín). Elle a depuis été retirée pour des raisons politiques et n’est désormais plus exposée au public. L’autre - et je ne sais pas si elle s’y trouve encore - trônait à l’Académie militaire de l’air de Košice, en Slovaquie. »
Rétrospectivement, comment évalueriez-vous la contribution de la Tchécoslovaquie à l’exploration spatiale ?
LIRE & ECOUTER
« La Tchécoslovaquie participait au programme soviétique Intercosmos. Elle a eu la chance d’être le premier pays, en dehors de l’Union soviétique, dans le cadre de ce programme, à envoyer l’un de ses ressortissants dans l’espace. Des Allemands de l’Est et des Polonais étaient aussi en lice, mais c’est finalement notre cosmonaute tchécoslovaque qui a été choisi. Vladimír Remek était un pilote militaire. Il avait donc une certaine expérience. Pour autant, il n’a jamais cherché à cacher le fait que le vol spatial était très exigeant physiquement et c’est ce que les gens appréciaient chez lui. La plupart des cosmonautes ne parlaient pas des difficultés qu’ils rencontraient parce qu’ils avaient peur de devoir renoncer ensuite à aller dans l’espace. Lui a préféré en parler ouvertement. »
« Les Tchécoslovaques ont également développé quelques satellites dits Magion et ont participé au projet de sonde spatiale Vega. Je me souviens, d’ailleurs, que des émissions de télévision pour enfants, que je regardais dans ma jeunesse, avaient été nommées d’après ces satellites. Aujourd’hui encore, la République tchèque produit ce que l’on appelle des nanosatellites, conçus par l’Institut aérospatial de recherche et d’essai de Letňany, à Prague. La Tchéquie possède de nombreux satellites dans l’espace, ce qui fait de nous une grande puissance dans le milieu. »
Quittons à présent le champ des étoiles, pour revenir sur Terre - et même sous-terre - et évoquer la station de Háje en tant que telle. Tout usager du métro aura remarqué que l’architecture intérieure de Háje n’est pas sans rappeler celle d’autres stations plus anciennes du réseau pragois…
« Cette station présente, en effet, une petite singularité. À l’instar de certaines de ses cousines de la ligne A, toutes proportions gardées, Háje présente des panneaux en aluminium anodisé. Je n’en suis pas certain, mais je suppose que ces panneaux sont relativement coûteux, ce qui pourrait expliquer leur petit nombre. C’était sûrement un moyen de faire un clin d’œil à moindres frais à ces stations du centre. La construction de la station a tout de même coûté quelque 330 millions de couronnes tchécoslovaques. »
Quelles autres curiosités architecturales présente, selon vous, cette station ?
« Cette station est intéressante en ce sens que lorsque vous sortez par le vestibule est, de l’autre côté de la sculpture des cosmonautes, vous devez, en raison de l’inclinaison du terrain, monter puis descendre successivement les escaliers pour rejoindre la rue. C’est curieux. L’autre singularité, et qui est liée à la précédente, est évidemment cette station-service située sous le vestibule est de la station de métro. Par conséquent, si vous venez ici en voiture, vous pouvez faire le plein à la station de métro (rires) ! »
Le saviez-vous ?
À l’occasion du cinquantième anniversaire de l’inauguration du métro de Prague, dans lequel s’inscrit également cette série d’articles, la Société des transports de Prague (DPP) a métamorphosé certains de ses trams en rames de métro. Sur la ligne 23, quelques iconiques trams T3 ont ainsi abandonné leur traditionnel habillage rouge au profit des teintes blanche et grise des rames de métro soviétiques Ečs qui opéraient sur le réseau pragois lors de son ouverture en 1974.
Pour parachever le tout, aux arrêts Malostranská, Národní třída, Karlovo náměstí et I.P. Pavlova - où la correspondance avec le réseau métropolitain est possible - les annonces sonores du tram ont été remplacées par celles entendues sur les lignes de métro A, B et C. Pour plus d’informations et les horaires de ces ‘trams-métros’, rendez-vous sur le site de DPP.
En relation
-
50 ans du métro de Prague
Vous empruntez peut-être régulièrement le métro de Prague, mais le connaissez-vous bien pour autant ?