Mikuláš Minář et la politique, c’est déjà fini
Grande figure du mouvement de contestation contre le gouvernement d’Andrej Babiš il y a deux ans, Mikuláš Minář ne se présentera finalement pas aux élections législatives cet automne. Ce mercredi, il a annoncé que le mouvement qu’il avait créé en fin d’année dernière notamment pour mobiliser les électeurs déçus et tous ceux qui ne votent plus, ne bénéficiait pas du soutien espéré.
Affirmer que Mikuláš Minář s’est brûlé les ailes serait exagéré. Au contraire même, c’est précisément parce qu’il restait trop dans l’ombre, que celui que le quotidien Hospodářské noviny avait désigné « Personnalité de l’année 2019 » en République tchèque et The Times comme « étoile montante » à suivre dans le monde en 2020 a finalement préféré jeter l’éponge. Cinq mois seulement après avoir annoncé qu’il se lançait en politique. Trois mois après la création de son mouvement curieusement baptisé Lidé PRO (Les gens POUR).
La chance a beau sourire aux audacieux, elle n’a pas souri à Mikuláš Minář. Et à sept mois de la tenue des élections législatives, qui étaient son objectif, l’ancien étudiant en théologie, qui était parvenu, en juin 2019, pour la première fois depuis la chute du régime communiste, à faire descendre jusqu’à 250 000 Tchèques dans les rues pour protester contre le gouvernement d’Andrej Babiš, a été contraint de se retirer. Faute d’un soutien suffisant.
Ce mercredi, David Ondráčka, ancien directeur de l’antenne tchèque de l’ONG Transparency International, qui était le principal soutien de Mikuláš Minář, a informé que le mouvement avait recueilli moins de 40 000 signatures. Très loin donc des 500 000 qu’il s’était engagé à rassembler avant de présenter une liste de candidats aux législatives, qui se tiendront les 8 et 9 octobre prochains.
Ancien président de l’intiative civique appelée Un million de moments pour la démocratie, Mikuláš Minář a ajouté qu’il s’attachera désormais à soutenir les partis de « l’opposition démocratique » qui souhaitent faire tomber Andrej Babiš et son mouvement ANO. Des partis auxquels il avait pourtant reproché, en décembre dernier, dans un entretien pour la Radio tchèque, de ne pas proposer d’alternative séduisante et entraînante au système oligarchique triomphant instauré par le Premier ministre :
« Les partis d’opposition ne croient pas qu’ils peuvent toucher de nouveaux électeurs. Des électeurs qui votent ANO ou les gens déçus qui ne votent pas ou ne votent plus. Selon eux, s’adresser à ces catégories de la population n’a aucun sens. Lorsqu’avec l’association Un million de moments pour la démocratie nous avons demandé à leurs leaders pour quelles raisons selon eux les gens se jettent dans les bras d’ANO et ce que leurs partis proposent aux gens pour résoudre leurs problèmes, aucun d’entre eux ne nous a répondu. J’ai le sentiment qu’en réalié ils ne réfléchissent pas à ce qu’ils peuvent faire dans l’intérêt du plus grand nombre. Ce n’est pas ce qui les intéresse et les gens le savent bien. »
A l’époque, Mikuláš Minář s’était entendu reprocher par beaucoup que son nouveau mouvement, plutôt que de rassembler, ne ferait au contraire qu’émietter un peu plus encore une opposition déjà divisée. Et ainsi donc, par ricochet, favoriser les desseins de nouvelle victoire du mouvement ANO, principale formation de l’actuelle coalition gouvernementale de centre-gauche composée avec les sociaux-démocrates.
Initialement, le mouvement Lidé PRO entendait recueillir au moins 100 000 signatures de soutien avant la fin du mois de mars. Resté très loin de cet objectif, Mikuláš Minář, qui avait pris l’habitude de s’exprimer devant une foule souvent conquise lors des grandes manifestations qui s’étaient tenues à Prague en 2019, a expliqué que l’épidémie de coronavirus et toutes les restrictions s’y attachant l’avaient empêché de parcourir la République tchèque pour mener la vaste campagne de proximité qu’il avait imaginée pour convaincre de nouveaux potentiels électeurs.
Reste aussi que, contrairement à ce qu’il avait annoncé en fin d’année dernière, quand il avait évoqué le soutien de « centaines de personnalités », son mouvement, sans doute parti de trop loin, n’a jamais véritablement pris son envol. Si Mikuláš Minář ne s’est donc pas brûlé les aides, c’est aussi parce qu’il ne s’est jamais rapproché du soleil. Si sa tentative peut être considérée comme un échec, le jeune homme qu’il est encore peut aussi se dire que dans un pays où le sentiment d’insatisfaction est croissant et où la participation aux élections est souvent faible, il a au moins eu le mérite d’essayer.