Musées, galeries : « La situation est désormais assez catastrophique »
Vendredi sera le dernier jour d’ouverture possible pour toutes les institutions culturelles du pays. Seules deux expositions pourront rester ouvertes à Prague en raison de leur caractère exceptionnel - celle consacrée à Rembrandt et celle consacrée à l’Egypte ancienne au Musée national. Cette nouvelle fermeture imposée vient conclure une année plus que difficile pour toutes les galeries et musées. Pour en parler sur notre antenne, RPI s’est adressée à Caroline Krzyszton, la directrice de Futura, l’une des galeries les plus réputées de la capitale tchèque avec plusieurs lieux d’expositions, notamment dans les quartiers de Smíchov et de Karlín.
« Petit à petit la situation pendant l’année s’est dégradée, jusqu’à aboutir à une situation assez catastrophique maintenant – c’est la conséquence de plusieurs mois de crise. »
L’entrée de vos expositions est gratuite, donc en temps normal vos revenus ne sont pas assurés par la vente de billets, c’est bien ça ?
« Oui, au plan administration nous sommes une organisation à but non lucratif. Il s’agit d’une activité culturelle qui est sponsorisée par l’Etat et par la ville de Prague, donc 90% de notre budget est financé par des fonds publics. »
Dans quelle mesure est-ce que cela rend compliqué la demande d’aides en cette période de pandémie ?
« En fait à deux reprises le ministère de la Culture a lancé un appel pour donner des ‘fonds de sauvetage’, des subventions visant à nous aider à ne pas mettre la clé sous la porte. Mais pour nous ce qui était difficile était de démontrer que nous avions subi des pertes étant donné que nous n’avons ni frais d’entrée ni activité commerciale. Pour ne pas compliquer la comptabilité on a fait le choix de ne pas demander ses aides. Si les aides avaient été proposées différemment – par exemple en garantissant des subventions pour l’année prochaine – cela aurait aidé beaucoup plus les petites institutions comme la nôtre. »
Dans le même temps, il vous faut respecter les engagements en vertu desquels vous avez perçu des subventions l’année précédente…
« Oui, le système qui nous subventionne est un peu compliqué : on reçoit des bourses pour l’année d’après à condition de réaliser dans sa quasi-intégralité le programme pour lequel nous avons demandé cet argent. Sinon on doit rendre l’argent. Cette année, évidemment, notre activité a été limitée à tous les niveaux mais on nous demande quand même de respecter notre programme prévu l’année dernière – cela rend notre activité très compliquée… »
D’autant plus compliquée que vous travaillez aussi avec des artistes étrangers. Comment fait-on pour organiser une exposition avec un artiste qui n’est pas sur place ?
« Cela a rendu la tâche encore plus difficile. On a dû s’adapter et tout changer. Par exemple en avril nous avions prévu d’exposer l’artiste Viktor Timofeev, qui habite à New York. Il fait des installations relativement compliquées à installer et on s’est mis d’accord sur un plan qu’il allait concevoir chez lui et nous envoyer, millimètres par millimètres. C’est un dialogue à distance, par Zoom, Skype, etc. Dans son cas cela a plutôt bien marché, mais dans le cas d’une expo collective qui réunit plusieurs artistes cela devient beaucoup plus compliqué et on doit improviser en compensant la créativité de l’artiste au moment du montage. La qualité artistique des expositions y perd. Ces expositions installées avec des compromis sont en plus ouvertes seulement quelques jours aux visiteurs, donc notre activité perd beaucoup de son sens en fait. Il aurait fallu que l’Etat et la municipalité nous donnent plus de flexibilité au lieu de nous obliger à réaliser l’ensemble du programme prévu avant la pandémie. »
Votre galerie ou d’autres que vous connaissez sont-elles menacées dans leur existence même aujourd’hui ?
« Je ne sais pas, mais je pense que c’est tout à fait possible que certaines galeries ferment leurs portes l’année prochaine. On ne sait pas encore quels seront les budgets mais il est fort probable qu’ils soient réduits pour les petits organismes comme le nôtre. Dans un secteur comme le nôtre, où les gens ne comptent pas leurs heures supplémentaires et sacrifient parfois leur vie privée pour pouvoir travailler, demander de faire avec encore moins de moyens va devenir extrêmement difficile. Pas sûr que toutes les galeries pourront continuer leur activité. »
Savez-vous quand vous pourrez rouvrir votre galerie ?
« Non, je pense qu’il est assez évident qu’on ne pourra pas rouvrir pendant les fêtes. J’espère qu’on aura l’autorisation de rouvrir début janvier. Si ce n’est pas le cas, cela va rendre 2021 aussi compliqué que 2020 et les problèmes que j’évoquais ne feront que s’aggraver. »
La galerie Futura reste ouverte jusqu’à vendredi : http://www.futuraprague.com/en/futura