La Tchéquie et le phénomène d'immigration

Catherine de Wenden est Directeur de Recherche au CNRS. Elle est auteur de plusieurs ouvrages et conseillère pour les questions de l'émigration, notamment auprès de l'OCDE et de la Commission européenne à Bruxelles. Elle est venue à Prague informer sur la question migratoire et détruire, comme elle le dit, « les bricolages identitaires ». La Tchéquie est ouverte depuis 1990 au monde, nous connaissons des vagues migratoires d'Europe de l'est, mais nous en connaissons aussi d'Asie, du Proche-Orient et même du Maghreb. Est-ce à dire que la Tchéquie va connaître dans un avenir plus ou moins différé les mêmes problèmes que la France en matière d'immigration ? Et qu'adviendra-t-il de la politique d'immigration dans une Tchéquie membre de l'Union européenne ? Telles sont les questions d'Omar Mounir à Catherine de Wenden.

« Avec l'élargissement et l'entrée de la République tchèque dans l'Union européenne, il y aura peut-être des changements en matière migratoire. Par exemple, la République tchèque connaît des migrations qui viennent d'Ukraine ; la mise en oeuvre du système de fermeture des frontières de Schengen - ce qu'on appelle l'acquis communautaire - va limiter, ou même parfois rendre impossibles les échanges que la République tchèque pouvait avoir avec les pays plus à l'est qui ne vont pas entrer dans l'Union comme notamment l'Ukraine. Donc, il y aura des effets de fin de migration pendulaire et de fermeture avec, peut-être, une nouvelle ligne de fracture qui va se faire sur des espaces qui étaient autrefois des espaces d'échange intense des populations et aussi pour les minorités qui ont voulu entrer à nouveau dans les Etats-nations dont ils faisaient partie. Tout cela va bloquer le phénomène de mobilité qui s'est développé depuis la chute du mur de Berlin. »

La Tchéquie n'a pas l'expérience historique d'un pays comme la France et n'a pas non plus son ouverture géographique sur une mer et un océan. Par exemple, faute de ce précédent, le Tchèque, d'une manière générale, connaît mal les pays arabes, le Maghreb et l'Islam ; une méconnaissance parfois assortie d'une sorte de crainte, une sorte de méfiance. Pourrait-il y avoir, au sein de l'Union, des aménagements spéciaux en matière migratoire pour des pays comme la Tchéquie ?

« Il y a toujours la possibilité de ce qu'on appelle l'Europe à la carte. Cela a été le cas aussi pour les pays entrés progressivement dans l'Union européenne par le passé ; ils avaient la possibilité de différer la mise en oeuvre de tel ou tel dispositif. Ce fut le cas pour l'Italie en ce qui concerne Schengen. Elle n'était pas en mesure de contrôler ses frontières rapidement. Elle était devenue terre d'immigration après avoir été terre de départ. Il y a toujours la possibilité de différer un certain nombre de dispositifs. »

Auteur: Omar Mounir
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