Européennes - comparaison des programmes : sur l’immigration, un appel consensuel à plus de fermeté
Les 7 et 8 juin prochains se tiendra en Tchéquie le scrutin visant à renouveler les sièges du Parlement européen. A cette occasion, Radio Prague Int. vous propose de comparer les programmes des cinq principaux partis et coalitions en lice pour les élections. Ce premier volet est consacré au thème de l’immigration.
SPD : sur l’immigration, aucune intransigeance
Le SPD a fait de la lutte contre l’immigration son sujet de prédilection. Le parti d’extrême droite exige à cet égard la plus grande fermeté. Sa tête de liste pour les élections européennes, Petr Mach (ancien eurodéputé élu sur une autre liste en 2014 qui a démissionné en 2017), s’oppose farouchement à tout système de relocalisation des migrants tel que voté au Parlement européen dans le cadre du « pacte migratoire » à la mi-avril :
« Ce qui nous dérange dans le pacte migratoire, c’est qu’il fixe un quota pour chaque pays et que soit l’État membre se conforme à la relocalisation des migrants, soit l’État doit payer. C’est l’un ou l’autre. Or il se peut qu’un migrant n’ait aucune envie de venir chez nous, alors pourquoi devrions-nous l’accueillir ? De plus, s’il ne souhaite pas venir chez nous, pourquoi devrions-nous verser de l’argent pour lui ? »
Unis sur une liste commune pour le scrutin de juin, le SPD et le mouvement Trikolora dénoncent âprement les flux « débridés » de migrants :
« Ce dont nous ne voulons pas, c’est que se répètent les erreurs des pays occidentaux, dont la politique d’ouverture à l’immigration a nui à la sécurité de l’Etat et a contribué à la formation de zones de non-droit où vivent des migrants musulmans ou venus de pays africains, où les taux de chômage et de criminalité sont élevés et où les gangs font rage », déclare Petr Mach.
ODS (Spolu) : non aux quotas, non aux aides abondantes et oui aux expulsions
La coalition conservatrice ODS-KDU-ČSL-TOP09 rejette, elle aussi, tout système de quotas, en invoquant le même argument que le SPD, à savoir que les migrants, en grande majorité, ne veulent pas s’installer en Tchéquie. La liste réunie sous le nom Spolu (ensemble) ne s’oppose cependant pas catégoriquement au « pacte migratoire » récemment adopté par le Parlement européen. La numéro deux de l’ODS et eurodéputée sortante, Veronika Vrecionová, souligne malgré tout que le pacte pourrait être amélioré en appréhendant mieux l’aide au retour des migrants, en concertation avec leurs pays d’origine :
« Nous devons envoyer un signal clair aux personnes de ces pays et leur dire qu’ils feraient mieux de rester chez eux. A mon avis, la procédure d’asile devrait complètement être déplacée en dehors de l’UE, afin que ces personnes comprennent qu’il n’y a pas de place en Europe et qu’elles ne doivent donc pas entreprendre ce voyage dangereux pour elles et leurs familles. »
Quant aux migrants déjà présents en Europe, la tête de liste de la coalition Spolu, Alexandr Vondra, lui aussi eurodéputé sortant, privilégie non pas le ‘modèle hongrois’ de forteresse entourée de barbelés loué par le SPD, mais plutôt ‘l’exemple danois’ :
« Rien ne sera possible tant que d’autres pays de destination, comme l’Allemagne, les Pays-Bas et autres, continueront d’attirer cette immigration non désirée avec leurs systèmes de protection sociale démesurés. Il faut donc faire pression sur ces pays pour qu’ils changent leur fusil d’épaule et fassent ce que Copenhague a entrepris. Le Danemark et le Royaume-Uni ont conclu des accords avec le Rwanda, et l’Italie avec l’Albanie, afin que ces migrants économiques illégaux restent en dehors du territoire de l’UE. Le modèle danois s’avère excellent puisqu’au cours des deux dernières années le nombre de demandes d’asile a chuté de façon spectaculaire. »
ANO : retravailler en profondeur le « pacte migratoire »
Du côté du mouvement de l’ancien Premier ministre, Andrej Babiš, la clémence de certains Etats membres à l’égard des migrants et le manque de fermeté de la part de l’UE en la matière sont pointés du doigt. Klára Dostálová, tête de liste du mouvement ANO, explique :
« Nous ne sommes pas d’accord avec la façon dont le pacte migratoire est préparé. L’ensemble du pacte sur l’immigration doit être révisé en faveur d’une protection efficace des frontières extérieures, d’une vraie politique d’aide au retour, d’une lutte contre les passeurs et d’une meilleure communication avec les pays tiers. Il nous faut élaborer une nouvelle législation qui vise précisément à garantir que les migrants ne finissent pas sur les plages européennes et qui permette de gérer les procédures d’asile dans les pays tiers. En d’autres termes, tout faire pour empêcher les migrants illégaux d’entrer sur le territoire de l’Union européenne. »
STAN : mieux anticiper le vieillissement de la population tchèque
Pour l’ancienne candidate à la présidentielle et tête de liste du parti Maires et Indépendants (STAN), Danuše Nerudová, le sujet de l’immigration doit être dépassionné. Cette économiste de formation rappelle que la République tchèque n’est pas directement concernée par l’immigration de masse en provenance du continent africain et du Moyen-Orient. Selon un dernier décompte officiel daté de mars 2024, en effet, les Ukrainiens constituent la première minorité étrangère de Tchéquie (540 000 ressortissants), suivis par les Slovaques (120 000), les Vietnamiens (70 000) et les Russes (40 000).
Si D. Nerudová admet que l’UE devrait mieux contrôler ses frontières extérieures et mieux coopérer avec les pays d’origine des migrants, la candidate rappelle aussi que la Tchéquie ne devrait pas se fermer totalement à l’immigration dans un contexte démographique défavorable :
« Ce n’est un secret pour personne que le marché du travail en Europe est en train de s’assécher. L’Europe vieillit et nous devrons nous pencher sur la question de l’immigration choisie, c’est-à-dire l’immigration d’une main-d’œuvre qualifiée pour occuper les emplois qui font défaut sur le marché du travail en raison du vieillissement de la population européenne. »
Depuis plusieurs années, en effet, le solde naturel de la Tchéquie [la différence entre le nombre de naissances et le nombre de décès] se révèle être négatif. Le pays doit sa faible croissance démographique interannuelle essentiellement à l’immigration.
Pirates : les déplacés climatiques, les migrants de demain
Sur les enjeux liés au vieillissement de la population tchèque, le Parti pirate rejoint la position des Maires et Indépendants et reconnaît qu’une dose contrôlée de migrants économiques peut s’avérer bénéfique pour remédier à la pénurie de main-d’œuvre dans le pays. En revanche, concernant l’immigration illégale, le parti de centre-gauche reproche aux responsables politiques nationaux et européens de ne pas suffisamment s’attaquer aux racines du problème et pointe du doigt le manque de préparation à l’égard des migrations environnementales et climatiques futures, comme l’explique la tête de liste du parti pour les européennes, Marcel Kolaja :
« Le climat, et plus précisément le dérèglement climatique, compte parmi les principaux facteurs de migration, et nous pouvons nous attendre à ce que ce type de migration s’accroisse à mesure que le climat se détériore. C’est pourquoi, nous, Pirates, sommes très favorables aux mesures en faveur du climat qui agissent précisément de façon préventive, de sorte que ces personnes n’aient pas à émigrer parce que leur pays d’origine serait tout simplement devenu invivable. Je pense que c’est de cette manière que nous devrions aborder le problème. La solution n’est certainement pas d’ériger une clôture à la frontière, de fermer les ports et d’arrêter les gens à la frontière. »
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