La ville de Rozmital garde vivante la trace de Jakub Jan Ryba

L'église de l'Elévation de la Sainte-Croix de Rozmital

Noël est à nos portes et en réfléchissant sur notre dernière promenade avant ces fêtes, l'idée m'est venue de visiter Rozmital pod Tremsinem - une ville de 4 360 habitants, à 80 km au sud-ouest de Prague où a vu le jour le symbole même de Noël tchèque: la très populaire Messe de Noël de Jakub Jan Ryba qui retentit dans pratiquement tous les ménages, le soir du 24 décembre.

C'était un petit extrait de cette Messe, en guise de levée du rideau car, comme je l'ai dit, la Messe de Noël tchèque de Jakub Jan Ryba retentit, presque de rigueur, le 24 décembre, et je ne voudrais pas anticiper. A plus forte raison qu'une émission spéciale sera consacrée à cette oeuvre et à son auteur, le 24 décembre. Quant à moi, je vous invite à une visite de la ville où cette miraculeuse oeuvre a vu le jour, en 1796, et où la Société Jakub Jan Ryba a été fondée pour entretenir son legs. Nous étions quatre, avec mes collègues d'autres services de Radio Prague, à partir, il y a 15 jours, à la découverte de Rozmital. C'est une ville pittoresque, produisant l'impression d'ancienneté, comme si l'on y vivait à un rythme ralenti des temps de son passé glorieux. Nichée dans une cuvette, elle est entourée de tous les côtés de hauteurs boisées de Brdy, dont Tremsin, de 827 mètres de hauteur, a donné son nom à la ville. Au musée municipal de Rozmital pod Tremsinem, nous sommes reçus par Ivana Hoyerova:

L'église de Rozmital
"L'histoire de Rozmital est riche et ancienne. L'an 1230 est mentionné comme date de fondation de la ville. Il est sûr que, dans cette période, l'église de l'Elévation de la Sainte-Croix se trouvait déjà dans la partie de Rozmital appelée la Vielle Ville. Au milieu du XIIIe siècle, un château fort a été érigé sur des rochers au-dessus des marais. Son appellation allemande, Rosenthal, aurait donné, dans sa forme tchéquisée - Rozmital - le nom à la ville. L'histoire de Rozmital est liée à la célèbre famille des seigneurs Lev de Rozmital qui propageaient la gloire du royaume tchèque en Europe. Le domaine de Rozmital a changé plusieurs fois de propriétaires: après les seigneurs de Rozmital, c'était les chevaliers de Gryspek, d'origine bavaroise. En 1622, le château a été confisqué aux Gryspek protestants et attribué à l'archevêché de Prague qui allait le garder jusqu'à 1948. Après 1989, le château lui a été restitué, mais il est actuellement fermé au public à cause d'une restauration complète."

L'église de l'Elévation de la Sainte-Croix de Rozmital
Qu'est-ce qui attend les touristes à Tremsin? Ivana Hoyerova répond:

"Les touristes qui viennent à Rozmital peuvent, en dehors de la belle nature et les promenades dans les forêts et au sommet de Tremsin, visiter surtout l'église baroque de l'Elévation de la Sainte-Croix. Sa partie la plus précieuse, l'orgue de 1750. Il est prouvé que Jakub Jan Ryba a joué de cet orgue depuis 1788 jusqu'à sa mort, en 1815. C'est dans cette église et à cet orgue qu'il a joué sa Messe de Noël tchèque pour la première fois, à minuit, le 24 décembre 1796. Bien qu'il ne soit pas né ici, Ryba est la personnalité la plus célèbre de Rozmital."

La trace de Jakub Jan Ryba reste bien vivante à Rozmital: une école de musique porte son nom, tout comme une Société fondée à sa mémoire. Au siège de la Société, sur la place principale de Tremsin, nous sommes accueillis par son président, M. Hubert Hoyer:

Hubert Hoyer
"La société Jakub Jan Ryba est née après novembre quand la situation politique changée a permis de telles activités. Elle a été fondée en 1990 par un comité préparatoire de 12 membres. L'idée est née spontanément, grâce aux fidèles de l'oeuvre de Ryba qui étaient unis par l'interprétation traditionnelle de sa Messe de Noël tchèque, dans l'église de Rozmital. Le noyau de la Société est formé par 15 personnes qui n'interprètent pas que la messe, mais aussi d'autres oeuvres moins connues de Ryba.

La mission principale de la Société est de soigner le legs de Jakub Jan Ryba, de rester en contact avec ses descendants, mais surtout de publier l'ensemble de matériel musical moins connu que Ryba nous a laissé. Tout le monde connaît sa Messe de Noël, mais presque tous ignorent qu'il était auteur de plus de 1500 compositions. Très peu de ses oeuvres aient été publiées, à part les pastorales dont celle Mon petit rossignol est la plus connue. Bien que la Messe de Noël tchèque soit la plus célèbre, elle n'était pas la plus essentielle de l'oeuvre de Ryba. C'était, au fait, une oeuvre populaire, dont la particularité est précisément d'avoir été le premier texte tchèque à l'époque où tout était en latin. Ryba est auteur non seulement de la musique, mais aussi du texte de la Messe de Noël, c'est pourquoi la composition est aussi impressionnante. Elle est simple et c'est dans cela que réside sa force. Elle est optimiste et gaie, bien que la vie de Ryba ne l'ait pas été.

Le musée municipal de Rozmital pod Tremsinem - l'exposition consacrée à Jakub Jan Ryba
Jakub Jan Ryba, qui faisait ses études à Prague où il trouvait beaucoup de plaisir à écouter la musique de Mozart, par ex., et où il jouait lui-même de l'orgue à l'église Saint-Sauveur, a obéi à son père et quitté Prague. En 1788, il arrive à Rozmital, où 300 enfants d'âge scolaire l'attendent, ainsi que le poste de maître de chapelle. L'école de Rozmital est dans un état négligé. La scolarité obligatoire est une nouveauté. Ryba se heurte à nombre de difficultés dans son entourage qui est d'un esprit provincial. Son litige de longues années avec le curé se répercute sur sa santé. Ryba est un homme sincère et actif, profondément croyant et éclairé à la fois, un humaniste et un pédagogue passionné qui cherche à propager des idées libérales et avancées. Il croit que les hommes seront meilleurs s'ils sont érudits. Lui-même parle le latin, l'allemand, le français, l'italien et le grec. Or des obstacles dans son travail se multiplient. Il supporte mal le fait que certaines choses ne vont pas comme il souhaiterait. Grand admirateur de l'oeuvre philosophique de Seneca qu'il a traduite en tchèque, Ryba finit par s'identifier à son idée, à savoir que lorsque l'homme cesse de vivre en dignité et n'est plus à même de parvenir à ses buts, il vaut mieux terminer la vie. Le 8 avril 1815, il ne retourne plus à la maison. Trois jours plus tard, il est retrouvé dans la forêt au-dessous de Tremsin, avec le rasoir et le livre de Seneca entre les mains. En dépit de cette fin tragique, l'oeuvre de Ryba est joyeuse et optimiste. Il se réfugiait dans la musique et il y trouvait un réconfort.

Le musée municipal de Rozmital pod Tremsinem - l'exposition consacrée à Jakub Jan Ryba
La Société Jakub Jan Ryba a ses membres en dehors de la Tchéquie, en Suisse, en Autriche et aussi en Suède, où grâce à M. Prochazka, la Messe de Noël tchèque a été traduite en suédois et jouée avec beaucoup de succès à Göteborg. Récemment, un jeune flûtiste qui s'appelle Ostry et qui est établie en Norvège s'est adressé à la Société avec la demande de vouloir interpréter les quatuors pour flûte de Ryba dont les manuscrits se sont conservés. La première a eu lieu l'année dernière et c'était un succès. Nous sommes en train de négocier l'enregistrement sur CD de tous les 4 quatuors connus de Ryba: 2 pour violon et 2 pour flûte. Leur éditeur est un éditeur de renom mondial ce qui est une garantie de ce que cette musique se propagera dans le monde entier."

Avant de terminer notre visite, M. Hubert Hoyer a bien voulu jouer pour nous un morceau de l'orgue à l'église de l'Elévation de la Saint-Croix, celui-là même sur lequel jouait, au XVIIIe siècle, Jakub Jan Ryba. Les tons majestueux retentissant de l'intérieur de l'église nous accompagnent jusqu'à la voiture. Nous quittons Rozmital, et notre illusion que Jakub Jan Ryba y est toujours présent, est presque parfaite.

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