Que retiendra-t-on de l'oeuvre et de la vie de Jean-Paul II ?

Jean-Paul II (Photo : CTK)
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L'annonce de la mort du pape Jean-Paul II a provoqué une vague d'émotion également en République tchèque. Malgré leur athéisme prononcé, l'un des plus forts en Europe, et les reproches qu'ils n'ont jamais manqué de faire à son encontre pour ses positions conservatrices en matière de moeurs, les Tchèques n'oublient pas le rôle primordial joué par le Saint-Père depuis son élection en 1978 et tout au long des années 1980 dans l'ouverture des pays sous domination soviétique.Lors de sa première visite, en 1990, quelques mois après la Révolution de velours, dans ce qui était encore la Tchécoslovaquie, il avait d'ailleurs été accueilli par des centaines de milliers de fervents. Durant les quinze années qui ont suivi, Jean-Paul II est revenu deux fois en République tchèque. Pour évoquer le regard et la pensée des Tchèques à l'égard d'un pape slave qui les connaissait et les comprenait bien, mais aussi la place qu'il occupera désormais dans l'histoire, Vaclav Richter s'est adressé à Martin Plichta, correspondant du journal Le Monde en République tchèque.

Photo : CTK
Quels ont été les grands moments du pontificat de Jean-Paul II ? Qu'est ce que la postérité retiendra de son oeuvre?

"Je crois qu'il est important de noter que ce pontificat a été l'un des plus longs de l'histoire de l'Eglise catholique et que l'élection de ce pape, le premier slave, qui venait, en plus, d'un pays à l'époque communiste, était déjà un changement important après tant de papes italiens. Donc, cela a été déjà le premier événement marquant. Ensuite c'est un certain nombre d'étapes et de moments forts dont toute cette montée vers l'an 2000, deuxième millénaire de l'Eglise, qui ont permis au pape de prononcer un certain nombre d'excuses pour tout ce que l'Eglise catholique a pu faire de mal pendant son histoire, en particulier envers les musulmans pour les croisades, envers les protestants pour les guerres de religion, envers les orthodoxes pour les pillages lors des croisades, et aussi pour ces relations très difficiles qu'ils entretiennent depuis le schisme, il y a huit cents ans. Donc, tous ces moments ont été, il me semble, importants, et il seront à retenir de ce pontificat."

On parle souvent du rôle que le pape a joué lors des événements qui ont abouti à la chute du communisme. Quel a été, d'après vous, ce rôle?

Photo : CTK
"Ce rôle a été, d'après moi, très important et les dernières informations qui justement viennent de paraître dans la presse italienne et qui sont issues des archives des polices communistes d'Allemagne de l'Est et de Bulgarie, montrent que le pouvoir soviétique a tout fait pour essayer de réduire l'influence de Jean-Paul II dans le monde communiste jusqu'à organiser son assassinat. Donc cela démontre bien que les dirigeants communistes à l'Est à l'époque étaient conscients que leur principal ennemi était Jean-Paul II. Et c'est vrai qu'il a réveillé les consciences, mobilisé les catholiques dans tous ces pays, et non seulement les catholiques d'ailleurs parce que son influence a largement dépassé ces cercles catholiques et a aussi touché les Eglises protestantes ou orthodoxes pour les engager davantage dans la lutte contre la dictature communiste."

Est-ce que ce pape polonais, ce pape slave, a donné de nouvelles impulsions à l'Eglise ?

"Il a donné une impulsion importante dans ce qu'on appelle la Nouvelle evangélisation. Il y a toute une génération de jeunes gens, qui sont nés et ont grandi avec l'Eglise de Jean-Paul II, au rythme des rassemblements des jeunes et de ses nombreux voyages à travers le monde, qui vivent pleinement et de manière libérée et cherchent à affirmer leur foi dans leur vie quotidienne et dans leur action politique, civique et économique. Je pense que c'est, au niveau spirituel, l'une des principales leçons de ce pontificat qu'on pourra retenir."

C'était un pape certainement très aimé par les fidèles mais aussi un souverain pontife contesté qu'on critiquait souvent pour son conservatisme. Etait-il d'après vous un pape novateur ou un gardien des traditions?

Photo : CTK
"Je pense justement que ce personnage a les deux traits. Il fut moderne dans sa manière de repenser l'Eglise, son mode d'expression et la façon de présenter aujourd'hui la foi catholique dans le monde. En cela, il était quelque fois novateur et a fait ressortir tout ce que l'Eglise, au cours de deux mille ans, a pu proposer et l'actualiser sinon remettre au goût du jour. Mais en même temps, c'est vrai, vu de l'extérieur, pour les non catholiques, il peut sembler conservateur car il a réaffirmé avec force les dogmes principaux de l'Eglise sur la conception, l'avortement, la vie conjugale, etc. Mais on se rend compte finalement qu'il est bon parfois de répéter et de réaffirmer haut et fort ces points de base de la foi mais aussi de la morale catholique."

Il a visité plusieurs fois notre pays. Quels ont été ses rapports vis-à-vis des Tchèques qui sont considérés comme un des peuples les plus sécularisés d'Europe?

"Ce pape qui connaissait, avant même d'y venir, ce pays, a toujours entretenu d'excellentes relations avec le clergé tchèque, et avec les catholiques tchèques qu'il a visités en effet plusieurs fois et qui sont allés plusieurs fois à Rome pour le rencontrer aussi. Je pense que c'était une blessure chez lui que dans ce pays, le catholicisme vit des relations aussi difficiles avec la société et que le Vatican n'a pas été en mesure de nouer de bonnes relations et surtout de signer de concordats sur les nouveaux rapports avec les gouvernements démocratiques qui se sont succédés pendant quinze ans."