Les Tchèques ont rendu hommage au pape Jean Paul II, frère slave, homme de paix et symbole de la liberté
Comme partout ailleurs dans le monde, la mort du Pape Jean Paul II a entraîné une importante vague d'émotion en République tchèque. Samedi, dans la soirée, trois heures encore avant l'annonce officielle, trois milliers de fidèles s'étaient réunis dans la cathédrale Saint-Guy au Château de Prague où une messe pour le pape était célébrée par le cardinal Miloslav Vlk, primat de l'Eglise catholique tchèque. Les messes dominicales ont également été dites à la mémoire du Saint-Père. A midi, les cloches des églises ont retenti pour annoncer la nouvelle. Les Tchèques, et pas seulement les catholiques, se sont souvenus des grands moments du pontificat de ce pape slave représentant de la liberté.
C'est avec ces mots, et dans un tchèque presque parfait, que le pape Jean Paul II, lors de sa première visite en Tchécoslovaquie, le 21 avril 1990, s'était adressé aux centaines de milliers de fidèles réunis sur l'esplanade de Letna, à Prague. Au même endroit, cinq mois plus tôt, devant une foule tout aussi nombreuse, Vaclav Havel, figure de proue de la Révolution de velours, avait, lui aussi, pris la parole et annoncé le retour de l'espoir et de la liberté dans le pays. Aussitôt l'annonce de sa mort, les Tchèques, catholiques ou non, ont rappelé le rôle primordial joué par le chef de l'Eglise, homme de paix, dans l'effondrement des régimes communistes en Europe. Pour l'évêque Vaclav Maly, autre grande personnalité de l'ancienne dissidence tchèque, ce rappel est essentiel :
« Le pape Jean Paul II a été élu à l'automne 1978. C'était une époque où la situation dans le monde semblait complétement figée. C'était la période dite de guerre froide, le monde était divisé en deux camps et cette situation touchait le plus le continent européen. Et justement, lorsque le pape est arrivé à Rome, cela a redonné un peu d'espoir aux chrétiens de cette partie un peu oubliée de l'Europe qu'était l'Europe centrale et orientale, car ils ont pris conscience qu'à Rome, il y avait enfin quelqu'un qui avait subi le régime communiste et en comprenait le fonctionnement. Ils vaient l'assurance que qulqu'un à Rome allait leur porter une oreille attentive, les écouter, et prendre en considération cette partie de l'Europe. Et effectivement, c'est ce qui s'est passé. La politique orientale du Vatican a pris une autre direction et le pape a tout de suite fait savoir qu'il ne serait pas aussi naïf lors des négaciations avec les représentants des régimes communistes. Ce fut le début de la destruction de ce bloc de l'est monolithique, parce que nous savons très bien qu'ensuite le mouvement Solidarnost a vu le jour en Pologne en partie grâce au pape. Non pas qu'il ait organisé le mouvement, mais il a encouragé les Polonais à relever la tête et à s'opposer au pouvoir politique. Par la suite, ce système s'est fissuré jusqu'à son écroulement en 1989. Tout cela, il ne faudrait pas l'oublier. »
En 1946, celui qui n'était encore que Karol Wojtyla passa la frontière de sa Pologne natale pour la première fois de sa vie pour se rendre en Tchécoslovaquie. Depuis, le pape a toujours entretenu une relation particulièrement proche avec ses frères slaves. L'évêque Vaclav Maly évoque, lui, le regard que les Tchèques, dont seuls 4 % avouent assister régulièrement aux offices religieux, portent sur le pape :« Dans l'Eglise catholique de République tchèque, de manière générale, le pape était une personnalité repectée et il était le symbole de la liberté qui est arrivée n 1989, et ce pour les raisons que je vous ai expliquées. C'était aussi un homme respecté pour sa profondeur spirituelle. Ce n'était pas seulement un homme de gestes extérieurs, mais aussi un homme qui menait une vie intérieure profonde. C'était un homme de contemplation qui savait également manier les moyens de communication du monde médiathique qui est celui d'aujourd'hui, ce qui n'est pas tout à fait habituel. Pour les catholiques de Bohême et de Moravie, le pape était donc une personnalité qui leur indiquait la voie morale de la vie. »