Quels défis de la citoyenneté européenne?
Politologues, sociologues, universitaires et autres figures tchèques et françaises se sont réunies, récemment, à Prague, pour se pencher sur différents aspects de la citoyenneté européenne. Ceci à un moment quelque peu spécifique pour les populations européennes, comme l'a d'ailleurs mis en évidence, à l'occasion de l'ouverture du colloque, l'ambassadeur de la République française à Prague, M. Joël de Zorzi : « Nous sentons bien qu'il y a une crise de la représentation démocratique, dans de très nombreux pays, y compris en Europe centrale... Effectivement, il y a un mal qui touche toutes les démocraties et il faut se pencher là-dessus... ».
« Ce qui est frappant c'est quand on regarde les vingt-cinq pays - on a pu le constater après les élections européennes - on voit qu'il y a très peu d'abstentionnistes qui s'abstiennent d'une manière constante, ce que l'on appelle l'abstentionnisme structurel ou d'indifférence. D'après un sondage postélectoral, 80 % sont des abstentionnistes intermittents. Ce qui augmente, ce n'est pas donc l'abstentionnisme d'indifférence, mais un abstentionnisme à forte dimension politique qui concerne les citoyens qui ont un intérêt pour la politique mais qui ne se retrouvent pas dans le système politique tel qu'il fonctionne et dans l'offre politique... ».
Que reste-t-il du message des dissidents ? Voilà la question qui a été également soulevée au cours du colloque qui a eu lieu au Centre français de recherche en sciences sociales. Je vous propose d'écouter une partie de la réflexion de Jacques Rupnick, directeur de recherche au Centre d'études et de recherches internationales.
« Le contexte est marqué par deux caractéristiques. La bonne nouvelle, c'est que ceux qui avaient connu des échecs dans la première vague de la transition démocratique après 89 ont eu le droit au repêchage, en quelque sorte. Il y a eu une deuxième vague, en Slovaquie, dans les Balkans, à Kiev, dans le Caucase, où il y avait une nouvelle vague de révolution démocratique. Donc l'héritage de 89 a trouvé en quelque sorte son prolongement dans ces événements-là. Mais la mauvaise nouvelle, c'est que même ceux qui avaient consolidé leurs démocraties après 89, sont déjà fatigués. Nous avons aujourd'hui une démocratie qui souffre de symptômes prématurés de la crise de la représentation démocratique ».
Les dissidents en République tchèque ont été pratiquement eclipsés de la grande politique. Est-ce une évolution à laquelle on aurait pu s'attendre ? Le point de vue d'Antonella Cappelle, du CERI également.
« On pouvait effectivement s'y attendre, Si l'on analyse le point de départ, la place des dissidents dans la société de l'Europe de l'Est, de l'Europe centrale, dans les années 70, 80, on voit qu'ils étaient relativement isolés dans la société et qu'on a pu vivre un moment en 1989 dans l'illusion de cette rencontre entre les dissidents et la société. Cette illusion s'est bientôt dissipée. Les dissidents qui sont restés en politique ont finalement adopté les moeurs politiques de leurs adversaires et on peut dire qu'ils ont trahi, en quelque sorte, leur message initiale ».
Et quel est le message des dissidents aux yeux de Marek Ziolkowski de l'Université de Poznan, en Pologne ? Est-il toujours présent ou bien s'est-il effacé avec le temps ?
« L'héritage des dissidents n'est pas mort. Les dissidents ont réalisé leur rêve. Leur but a été réalisé, celui de bâtir une société tout à fait libre. Je crois que c'était la première phase nécessaire, mais pas suffisante pour atteindre d'autres buts. Dans quelques éléments, c'était naïf. Les dissidents parlaient toujours de la dimension politique, mais ils n'ont jamais touché les questions économiques, les questions liées à la vie quotidienne qui pour les populations de l'Europe centrale sont maintenant le défi principal. Il faut justement s'adapter à ces insuffisances de la vie quotidienne ».