Arts plastiques : pour František Skála, « deux années de vacances » pas vraiment de tout repos
A l’heure du déconfinement, la Fait Gallery de Brno a rouvert ses portes cette semaine, avec l’exposition consacrée à František Skála, artiste bricoleur et polyvalent réputé pour ses installations monumentales et ses collections de curiosités. Prolongée jusqu’au 25 juillet prochain, cette exposition en surprendra plus d’un, puisqu’elle est constituée essentiellement de toiles. Celles-ci révèlent un artiste posé et pensif, que ses créations déjantées et autres objets étranges exposés il y a trois ans dans le cadre d’une grande rétrospective à Prague ne laissaient pas entrevoir.
« Ce qui caractérise l’art de Skála, c’est un détachement critique et un sens de l’humour délicat et omniprésent. Dans cette exposition [en 2017], ce qui faisait le lien entre les objets exposés, c’était l’idée de collections et de cabinets de curiosités, la lumière et le mouvement, des objets archaïques et des matériaux contemporains, ou encore le conflit entre l’intime et le désir humain séculaire de le découvrir. Y dominaient des installations in-situ complexes, mais aussi des travaux de taille plus modeste, le tout étant surmonté par un énorme crâne rappelant que toute activité humaine ici-bas n’est qu’éphémère. »
Avec toutes les cordes qu’il a à son arc, František Skála aime mêler les genres… et brouiller les pistes. Ainsi, pour le vernissage, le 26 février, de sa nouvelle exposition à la Fait Gallery de Brno, le programme qu’il avait concocté comportait une performance visuelle un peu surréaliste. Et puis, celui qui est aussi acteur et musicien (notamment au sein du groupe Tros Sketos) s’est même offert le caprice de ne pas être présent lors du discours d’inauguration de son exposition – ou en tout cas pas officiellement... Avec sa perruque et ses artifices, seuls les plus observateurs l’ont démasqué dans la foule ; tandis que pour d’autres, c’est sa voix qui l’a trahi lorsqu’il a pris le micro et rejoint les musiciens venus animer l’événement… Roi de la mystification, donc, František Skála a intitulé son exposition à Brno « Deux années de vacances ». Mais loin de lui l’idée de se tourner les pouces : il justifie ce titre en expliquant qu’après son exposition au manège Waldstein, en 2017, « des horizons sans fin se sont ouverts devant [lui], et avec deux séjours en Colombie et en Australie, [il voit] cette période heureuse comme un séjour sur une île déserte ». Un isolement bien relatif, évidemment, mais apparemment très inspirant, puisque František Skála a repris ses pinceaux pour la première fois depuis ses études, dans les années 1970. Outre des nouvelles créations dans la série d’enveloppes sur laquelle il travaille depuis 1986, l’exposition de Brno se compose donc essentiellement de toiles de tailles diverses et variées, organisées en trois ensembles cohérents.Il y a tout d’abord les « paysages rouillés » que František Skála a peints avec des pigments naturels ocrés et vermillons, dénichés dans la boue d’une source d’une forêt de Bohême du Sud. Pour Jiří Fajt, ces tableaux constituent « une démonstration de la force indomptée de la nature imprimée dans des scènes apocalyptiques ». La deuxième série de tableaux est née lors d’un voyage d’étude en Colombie, tandis que la troisième série de peintures a été réalisée avec des argiles naturelles rapportées d’Australie. Quoi qu’il en soit, les éléments naturels et surnaturels qui caractérisent l’œuvre de František Skála y sont, sous une forme ou une autre, omniprésents.
Jiří Fajt estime que les créations en 2D de František Skála sont dans la continuité de ses créations plastiques, et il établit un parallèle entre František Skála et le réalisateur surréaliste tchèque Jan Švankmajer :« L’exposition de Brno partage le même caractère, la même essence que l’exposition de Prague, et elle en est en quelque sorte la continuation. Cependant les moyens d’expression sont radicalement différents. Fasciné par l’art magique des cultures antiques, František Skála se rapproche ainsi de l’environnement des surréalistes tchèques, et notamment de leur maître Jan Švankmajer. Lui aussi est obsédé par la recherche du fantastique, qui a, selon lui, disparu de l’art avec la victoire de l’entendement illuminé. C’est pour cela que tous deux, dans une tentative de découvrir le mystère, l’intensité spirituelle de l’acte artistique, se tournent si souvent vers les soi-disant « peuples naturels », à savoir ces peuples situés en-dehors de la civilisation occidentale. Švankmajer se tourne vers l’Afrique et l’Océanie, alors que pour Skála, c’est l’Amérique du Sud et l’Australie. »
Pour découvrir la dimension spirituelle, énigmatique et primitive des toiles créées par František Skála pendant ses « Deux années de vacances », vous avez jusqu’au 25 juillet 2020 pour vous rendre à la Fait Gallery, Ve Vaňkovce 2, à Brno.