Polarisation de la société, préférences politiques, Karel Gott, athlétisme au cœur de la presse tchèque
Une humeur querelleuse s’est-elle emparée de la société tchèque ? Réponse dans cette nouvelle revue de presse qui s’intéressera ensuite aux différents aspects de la stabilité des préférences politiques en Tchéquie. En lien avec le décès du chanteur Karel Gott, elle s’interrogera également sur la question de savoir quelles sont les personnalités qui méritent des des funérailles avec honneurs nationaux. Un retour aussi, en bref, sur la participation tchèque aux derniers Mondiaux d’athlétisme.
« L’éventail de ce qui crée la discorde au sein de la population tchèque est large : le chef de gouvernement, le président de la République, le changement climatique ou encore la question de savoir qui mérite ou pas des funérailles avec honneurs nationaux. Le caractère du régime, des valeurs et de la lecture du passé fait l’objet d’une polémique à n’en plus finir. Comme si l’on ne savait pas vraiment quel chemin emprunter. Evidemment, avoir un regard différent sur divers sujets est normal et la plupart du temps constructif, dans une société libre. Le problème, c’est que chez nous, le respect le plus élémentaire vis-à-vis d’un adversaire, ainsi que l’existence d’un dénominateur commun sont plus absents que jamais. La volonté de comprendre autrui s’estompe, tandis que la susceptibilité va bon train. »
Comment en est-on arrivé là ?, s’interroge le commentateur. Pour lui, le sentiment de méfiance semble être ancré dans la mentalité tchèque. Par ailleurs, une grande étude effectuée pour la Radio tchèque dans le cadre du projet appelé « Divisés par la liberté » révèle que la méfiance concerne l’ensemble des couches sociales. Il ne s’agit pas seulement d’une méfiance vis-à-vis des institutions politiques, mais notamment d’une méfiance qui touche aussi la sphère relationnelle.
« La polarisation de la société est dans une grande mesure à mettre sur le compte de la montée en puissance du populisme, du rôle néfaste des réseaux sociaux qui, au lieu de crééer un lien, sont devenus un champ de bataille, ainsi que sur celui de l’impact des désinformations en provenance de pays de l’Est, » remarque l’auteur du texte publié dans le journal Hospodářské noviny avant de conclure :
« Trouver un remède est difficile. Mais aussi naïf que cela puisse paraître, c’est au niveau individuel, sur les réseaux sociaux notamment, que l’on peut essayer d’agir décemment. »
La stabilité des préférences politiques et une opposition qui « se cherche »
Dans pratiquement tous les pays européens, les préférences politiques changent presque d’un jour à l’autre, tandis celles en Tchéquie demeurent stables depuis un certain temps et ce en dépit des manifestations, les plus importantes depuis 1989, qui ont secoué le pays au printemps dernier. Se référant à une comparaison des intentions de vote du mois de septembre avec celles d’il y a deux ans, le site info.cz a indiqué à ce propos :
« L’Allemagne, la Grande Bretagne, l’Autriche, la Grèce et l’Italie ont vécu des secousses ou des glissements politiques qui ont eu un impact sur le soutien de tel ou tel parti. Même en Slovaquie, le pays voisin le plus proche, on a vu naître de nouvelles formations qui ont la chance de réussir aux prochaines élections. La stabilité des préférences politiques profite notamment à Andrej Babiš qui, à en croire les derniers sondages, remporterait de nouveau les élections avec un score oscillant autour de 30% des suffrages. »
S’ils veulent réussir, les cinq partis d’opposition, les Pirates, l’ODS, le KDU-ČSL, STAN et TOP 09 sont dès lors appelés à tirer la sonnette d’alarme et à admettre que leur stratégie des deux années écoulées, ne fonctionne pas. Leur problème, toujours selon le site info.cz, c’est qu’ils n’ont pas présenté des priorités dans leurs programmes ou de nouveaux visages qui puissent avoir un certain intérêt pour les sympathisants du mouvement ANO. L’opposition qui n’a même pas su tirer profit des manifestations, continue ainsi de « se chercher ».
A qui réserver les funérailles avec honneurs nationaux ?
Un moment et un tournant historique. C’est ainsi que l’éditorialiste de la dernière édition de l’hebdomadaire Respekt qualifie les funérailles avec honneurs nationaux du très populaire chanteur Karel Gott, décédé à l’âge de 80 ans, et en hommage duquel ce samedi a été décrétée journée de deuil national. « Ce chanteur a été, il y a 42 ans de cela, un des visages emblématiques de l’Anticharte qui condamnait les courageux signataires de la Charte 77 ».Enumérant tout un éventail de personnalités tchèques, artistes, écrivains, pilotes, militaires ou prisonniers politiques qui n’ont pas bénéficié de tels honneurs, le commentateur rappelle que seul Otakar Motejl, ombudsman et un des rares avocats à avoir, sous le régime communiste, systématiquement défendu les dissidents et les personnes injustement poursuivies, a joui d’un tel privilège au cours des trente dernières années. Et il poursuit :
« L’apport de Karel Gott à la scène musicale et culturelle est indiscutable. L’émotion de ses fans est bien compréhensible, car il leur apportait de la joie. Cela dit, les honneurs nationaux suprêmes devraient être réservés uniquement à des personnalités exceptionnelles. Celles qui savent défier le mal et l’arbitraire et qui, outre leurs qualités professionnelles, nous apprennent à devenir meilleurs. Et qu’on le veuille ou non, il s’agit d’un critère auquel Karel Gott ne répond pas. »
Une journée d’épreuve pour Prague
Les funérailles de Karel Gott en présence de centaines de milliers de personnes, le match de qualification pour l’Euro entre la Tchéquie et l’Angleterre en présence de hooligans, le festival audiovisuel Signal, le mouvement Rebellion Extinction. Autant d’événements qui se déroulent ce vendredi 11 octobre à Prague et qui représentent une grande épreuve d’endurance pour la capitale tchèque. Le journal Lidové noviny a remarqué à ce propos :« Prague a déjà connu des événements à risques comme les réunions de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international en 2000, qui se sont déroulées au moment de la vague mondiale de protestations contre la mondialisation, ou le sommet de l’OTAN en 2002. En dépit de la venue dans la capitale tchèque de milliers de participants, d’invités, de manifestants, d’anarchistes, de journalistes, à ces deux occasions, Prague s’en est bien tirée. Cette fois-ci, faute de manifestants organisés, des violences ne sont pas à attendre. Toutefois, il s’agit d’un véritable défi, d’une épreuve pour Prague, pour les services de sécurité et pour les organisateurs. Une coïncidence d’événements aussi marquants est en effet une chose que Prague a rarement vue. »
L’athlétisme tchèque : une chute logique
Pour la deuxième fois dans l’histoire des championnats du monde d’athlétisme, les athlètes tchèques n’ont décroché aucune médaille. Avec huit points seulement pour deux cinquièmes places, ils ont occupé la 42ème position dans le classement final des nations. Cet échec était pourtant inévitable et logique. C’est ce qu’estime l’auteur d’un commentaire publié sur le site aktualne.cz. Il explique pourquoi :« Des problèmes de santé, des maladies, une saison trop longue. Autant d’arguments qui sont le plus souvent évoqués à propos de la participation tchèque aux Mondiaux de Doha. Toutefois, le plus grand problème auquel l’athlétisme tchèque doit faire actuellement face consiste dans le passage de relais entre générations. A l’heure actuelle, l’athlétisme ne dispose pas de sportifs brillants dans la génération intermédiaire. Et elle ne peut plus compter pour très longtemps sur ses deux plus grandes stars, Barbora Špotáková et Zuzana Hejnová, dont les carrières vont probablement s’achever après les JO de Tokyo. Par ailleurs, l’athlétisme tchèque a fait preuve d’une chute lente également lors des précédents championnats d’Europe : une médaille de bronze cette année à Glasgow, comparé à sept médailles décrochées en 2017 à Belgrade. »
« Il faut accepter que l’élite mondiale de l’athlétisme soit aujourd’hui ailleurs », conclut l’auteur du bilan dressé pour le site aktualne.cz. Et de citer la légendaire athlète Jarmila Kratochvílová, détentrice du record du monde du 800 mètres, selon laquelle « les espoirs de l’athlétisme tchèque pour les Jeux olympiques de Tokyo ne s’annoncent pas plus optimistes. »