Mis en cause, Milan Kundera dément toute collaboration avec la police communiste dans les années 50
La nouvelle a évidemment eu l’effet d’un coup de tonnerre. Dès dimanche soir, la télévision publique tchèque annonçait, en référence au numéro de l’hebdomadaire Respekt à paraître lundi, que le plus célèbre des écrivains tchèques Milan Kundera aurait, dans sa jeunesse, dénoncé un étudiant à la police communiste.
La mise en cause est évidemment très grave et inattendue. Tant et si bien qu’elle a fait sortir Milan Kundera de son mutisme, lui qui ne parle plus aux médias depuis des dizaines d’années. Dans un entretien téléphonique avec l’agence de presse ČTK ce lundi, l’écrivain français d’origine tchèque a fermement démenti les faits qui lui sont aujourd’hui reprochés :
« Je suis complètement pris au dépourvu par quelque chose à laquelle je ne m’attendais pas du tout, dont je ne savais rien hier encore et qui ne s’est pas produit. C’est un coup bas, je n’ai jamais vu, jamais rencontré cette personne. C’est tout ce dont je me souviens. »
D’après le rapport de la police établi le 14 mars 1950 et publié sur le site web de l’Institut d’étude des régimes totalitaires, Milan Kundera aurait rapporté qu’une étudiante, Iva Militká, avait fait part de sa rencontre avec Miroslav Dvořáček, un de ses amis, devenu agent à l’Ouest. Miroslav Dvořáček était un pilote tchécoslovaque qui avait fui le pays après le coup de force communiste de 1948. Il sera arrêté à la fin de cette journée de mars, condamné à 22 ans de prison et en passera 14 derrière les barreaux, évitant de justesse la peine de mort. Aujourd’hui, Miroslav Dvořáček vit en Suède. Comme dans toutes les affaires similaires qui font périodiquement la une des journaux, c’est évidemment la prudence qui reste de mise, comme tient à le rappeller l’écrivain tchèque Ivan Klíma, qui connait Kundera :« Je ne peux évidemment exclure que ce soit vrai, je n’étais pas présent. C’est une chose possible, mais chacun a droit à la présomption d’innocence. Il n’a pas été jugé et ce n’est pas prouvé. »
Pour Vojtěch Ripka, de l’Institut d’études des régimes totalitaires, il n’y a pas lieu de douter de l’authenticité du document, quand bien même vient-il de la police communiste :
« Nous n’avons pour l’heure aucune raison d’en douter. Dans des cas similaires, comme aujourd’hui, quand une personne décide d’aller à la police et fait une déposition, il n’est d’ailleurs pas automatique de lui faire signer le document. Il existe des centaines de documents semblables. »
Ce n’est évidemment pas la première fois qu’une personnalité tchèque connue est ainsi mise en cause par le témoignage des archives. Ni le premier écrivain de renom dont une zone d’ombre du passé referait surface. Pensons récemment à Günter Grass.Le coup est évidemment dur pour l’auteur du roman La Plaisanterie, même si comme nombre d’intellectuels tchèques, lui aussi, a dans sa jeunesse été un communiste convaincu avant de devenir opposant au régime. Et en tout cas, cette révélation soulève de nombreuses questions qui n’ont pas fini d’agiter la scène médiatique.
Milan Kundera a toujours entretenu des rapports difficiles avec son pays d’origine où il se rend rarement et souvent incognito. C’est peu de dire que son pays d’origine le lui a souvent bien rendu, lui reprochant également cette distance ou les blocages qu’il impose à la traduction tchèque de ses ouvrages rédigés en français. Une chose est sûre : ce nouvel épisode n’est en tout cas pas près d’améliorer leurs relations.