De quoi ont peur les Tchèques ?

Photo illustrative: Barbora Němcová
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Qu’appréhendent le plus les Tchèques ? A cette question posée dans un sondage réalisé pour la Radio publique tchèque par l’agence Median, les réponses sont quelque peu surprenantes. En 2018, les craintes liées aux conséquences du bouleversement climatique se sont en effet solidement ancrées dans la population tchèque.

Les Tchèques de plus en plus sensibles aux enjeux environnementaux

Photo illustrative: Barbora Němcová
Depuis quelques années et le début de la crise migratoire, le sujet des migrations semblait le plus à même d’effrayer un nombre conséquent de Tchèques. C’est ce dont témoignait le positionnement des principaux partis politiques tchèques, opposés, dans un relatif consensus, à l’accueil des réfugiés et qui en ont fait une thématique centrale du débat public.

Mais leur logiciel politique va peut-être devoir évoluer puisque, désormais, les enjeux environnementaux préoccupent de plus en plus les Tchèques. C’est l’enseignement principal du sondage réalisé par l’agence Median auprès d’environ un millier de personnes. Sociologue au sein de cette entreprise, Daniel Prokop développe :

« La chose intéressante, c’est que, par rapport aux années précédentes, l’attention aux menaces environnementales a significativement augmenté, c’est-à-dire au réchauffement climatique et à ses conséquences sur les récoltes et sur le déplacement des populations entre les continents. L’année passée, c’était encore un thème marginal, que seuls 38 % des sondés considéraient comme très sérieux. Ils sont maintenant 52 %. »

La peur du terrorisme en recul

Photo: ČT24
Dans plusieurs domaines, les sondés étaient invités à faire part de leur niveau de préoccupation. Au niveau politique, les personnes interrogées s’inquiètent ainsi par exemple de l’évasion fiscale et des pertes qu’elle représente pour les finances publiques. Elles disent aussi, entre autres, craindre une montée des tensions pouvant déboucher sur un conflit, en particulier entre la Russie et ses voisins, l’Ukraine ou les Etats baltes.

Il reste cependant aussi des peurs peut-être plus abstraites et notamment celle d’une attaque signée de l’Etat islamique, dans un pays où jamais le moindre attentat islamiste n’a été perpétré. Toutefois, cette appréhension a largement baissé en 2018 et, pour Daniel Prokop, c’est somme toute logique :

« Cela baisse significativement. Les craintes du terrorisme sont très dépendantes de ce qu’il se passe réellement au sein de la société. Quand il y a effectivement des attaques terroristes, alors elles montent avec jusqu’à 70 % de personnes interrogées qui en ont très peur. Maintenant, ce chiffre est à environ 50 %. Désormais, les peurs du changement climatique et du terrorisme sont plus ou moins comparables. Alors que l’an dernier, le terrorisme était largement devant. »

Les conséquences du changement climatique désormais perceptibles

Photo: derwiki,  Pixabay,  CC0 1.0 DEED
Cette évolution s’explique par la matérialité nouvelle du changement climatique, avec les événements naturels extrêmes observés en 2018 partout autour du globe. La République tchèque a ainsi été affectée cette année par un épisode de sécheresse intense et de longue durée, qui a causé d’importants dommages aux récoltes et qui est appelé à devenir de plus en plus fréquent à l’avenir.

On y entend donc moins les climatosceptiques, qui ont longtemps eu voix au chapitre, avec notamment l’ancien président Václav Klaus, tandis que la peur des conséquences du réchauffement climatique modifie déjà le comportement de nombreux Tchèques. C’est ce que constate Jan Krajhanzl, psychologue à l’Université Masaryk de Brno et spécialiste de la perception des enjeux environnementaux :

« Nous avons des enquêtes qualitatives qui montrent par exemple que les enfants des écoles primaires, quand on leur demande de dessiner à quoi ressemblera l’année 2030 ou bien l’évolution future de la planète, expriment tout un tas d’idées angoissantes. Nous savons aussi que cela influence assez lourdement la vie de certaines personnes, qui décident par exemple de déménager à la campagne. Il y a aussi des couples qui discutent du nombre d’enfants qu’ils pourraient avoir et se demandent même si cela vaut le coup d’en avoir un seul au regard de la situation. »

En résumé, la conclusion de cette enquête, c’est donc que les Tchèques sont de plus en plus semblables aux Gaulois. Ils n’ont qu’une crainte, que le ciel ne leur tombe sur la tête.