Un an en France, ou quand des lycéens tchèques partent étudier dans l’Hexagone
Passer un an en France, loin de ses parents et de ses amis, faire ses études dans un lycée en région en totale immersion : c’est le défi que se sont lancés des dizaines de lycéens tchèques depuis 2009, date à laquelle a été lancé le programme de mobilité scolaire Un an en France. Découverte de ce programme qui permet à ces élèves de découvrir un pays, une culture, un autre système scolaire mais d’apprendre aussi l’autonomie.
« Quand j’ai commencé à étudier le français lors de ma première année de lycée à Prague, je suis complètement tombée amoureuse de cette langue. J’ai essayé de trouver quelques programmes ou possibilités pour étudier en France. D’abord, j’ai découvert l’autre programme de l’Institut français à Prague, à Nîmes et à Dijon mais je n’ai pas réussi les examens. Après, heureusement, j’ai trouvé cette opportunité de partir. »
Qu'est-ce qui t'a attirée dans l'idée de participer au programme ?
« Le fait de découvrir la culture, et comme je l’ai déjà dit,j’adore la langue. »
Klára, rappelez-nous comment est né ce programme de mobilité?
« Le programme Un an en France s’inscrit complétement dans l’action qui est menée au centre du pôle coopération linguistique et éducative de l’Institut français de Prague qui est dirigé par Hélène Buisson, attaché de coopération pour le français. Ce programme a été créé en 2009 par son prédécesseur. Comme vous l’avez déjà remarqué sûrement, l’année prochaine, nous allons fêter ses dix ans. On est ravis que ce programme existe depuis déjà si longtemps et qu’il ait pu accueillir beaucoup d’élèves tchèques. »
Klára, Eliška est à Dijon, en Bourgogne. Les liens entre la République tchèque, en particulier la région de Bohême centrale et la Bourgogne, sont historiquement très forts. Quelles autres régions accueillent des lycéens tchèques ?« Il y en a un peu partout en France. Bourgogne et Franche-Comté ce sont vraiment les régions qui reçoivent le plus d’élèves tchèques chaque année, mais il y a aussi la Bretagne et d’autres régions. La seule région où l’on n’envoie personne pour l’instant c’est la région parisienne, l’Ile de France. »
J’ai envie de dire c’est pas mal parce que tout le monde va toujours à Paris et c’est une opportunité de découvrir autre chose. La France ne se résume pas à Paris. Quelques chiffres : combien de lycéens tchèques sont-ils partis depuis le lancement du programme ? Combien chaque année ?
« Jusque-là il y avait en tout 415 élèves qui sont déjà partis donc en moyenne une quarantaine d’élèves chaque année sachant que la toute première année, l’année pilote, il n’y en a eu que six. Comme ça a très bien marché et que tout le monde était content de la coopération, ça s’est vite développé. L’année suivante, 2010-2011, il y en avait déjà 38 et depuis 2011 ça tourne autour de 40 et c’est même allé jusqu’à 70 pendant une année. »
Eliška, est-ce que tu avais des appréhensions avant de partir et de faire ce saut dans le vide et dans l’inconnu ?
« Bien sûr que oui. Je suis plutôt introvertie alors je me demandais si à l’école et ainsi que dans ma famille d’accueil, ils allaient m’accepter. Mais ça se passe bien. »
Quelles ont été tes premières impressions en arrivant dans ta ville d'accueil à Dijon ?« Les premiers jours ont été vraiment difficiles pour moi. Je me souviens très bien : notre internat ferme le matin et j’ai oublié mon téléphone portable et mon argent. Ma famille d’accueil habite assez loin de Dijon, on était en retard et c’était super stressant d’arriver à l’école comme ça. »
Eliška, à l’heure actuelle tu es en vacances, tu as déjà bien entamé ton deuxième semestre au Lycée de Dijon, et tu es, j’imagine dans le bain désormais, mais te souviens-tu de ta toute première journée de cours ?
« Je me disais que si je n’avais pas mes amis tchèques autour de moi, ça allait être vraiment compliqué. »
Donc la première semaine a été un peu compliquée. Et au niveau du français, est-ce que tu arrivais à suivre car même si tu as un bon niveau, j’imagine que ça allait plus vite qu’à Prague. Ça a dû faire beaucoup de choses en même temps, il fallait se concentrer énormément j’imagine.
« On doit vraiment se concentrer et quand le soir arrive on est vraiment fatigué de la journée. »
Les élèves français doivent se concentrer seulement sur la matière à apprendre alors que toi tu devais te concentrer sur la langue et la matière à apprendre.« Oui c’est ça. »
Klára, comment vivent les élèves sur place? Comment sont-ils pris en charge? Un internat, une famille d’accueil ?
« Tout à fait, la semaine ils sont à l’internat comme d’autres élèves étrangers ou certains Français. Le week-end, ils sont pris en charge par une famille d’accueil française. On trouve que c’est un bon équilibre entre les deux. Ils peuvent vivre plein de choses et se concentrer, car comme vient de le dire Eliška, c'est fatigant, surtout au début, donc il faut travailler beaucoup. Ils ont tout le temps nécessaire à l’internat pour travailler calmement. Le week-end, ils ont beaucoup d’occasions de découvrir la ville, la région, faire quelques sorties et découvrir un peu de culture, la gastronomie, où tout ce dont ils ont envie de découvrir. »
Eliška, tu connais les deux systèmes scolaires, tchèques et français, maintenant. Quels sont les points forts des deux systèmes ? Et les points faibles ?
« Premièrement je dois dire que ce sont deux systèmes complétement différents. Par exemple, les DS (devoir surveillé, ndlr). En République tchèque, on reçoit une feuille avec des questions et on répond juste avec deux mots ou une phrase. En France, on écrit trois pages en expliquant et en détaillant. Ce que je n’aime pas c’est qu’en France, on met l’accent sur la forme comme par exemple ‘combien de lignes on doit laisser entre les deux paragraphes’. Pour moi c’est difficile à faire quand je dois parler dans une langue étrangère. »
Pour avoir discuté avec des élèves qui font le cursus franco-tchèque au lycée de la rue Hellichova à Prague, ils me disent que ce qu’ils aiment bien dans le système français c’est que ça pousse à la réflexion personnelle plus que le système tchèque. Est-ce que c’est quelque chose qui t’as frappée aussi ?
« Oui je pense qu’on doit vraiment organiser nos idées quand on doit écrire trois pages. »Si tu devais conseiller le programme à un ou une camarade tchèque, qu’est-ce que tu dirais pour le ou la motiver ?
« Je pense que c’est une grande opportunité d’aller en France et de s’améliorer en français. »
Est-ce que tu as l’impression d’en apprendre plus sur toi-même, de devenir plus autonome par rapport à tes camarades qui sont restés en Tchéquie ?
« Oui car nous n’avons pas des parents qui peuvent nous aider alors nous devons tout faire seuls. »
Et qui ne sont pas là pour vous embêter aussi !
Klára, en deux mots quelles sont les démarches à faire pour s’inscrire à ce programme ?
« C’est tout à fait d’actualité puisque la date limite pour la candidature pour partir en 2018-2019, c’est le 4 mars 2018, donc vous avez encore le temps pour faire le nécessaire. Tout est expliqué sur le site de l’Institut français. Il faut remplir et envoyer une fiche d’inscription. Il faut rédiger une lettre de motivation en français, c’est le premier exercice. Il y a aussi une fiche d’évaluation à remplir par l’école. Il y a également le diplôme de DELF, que nous n’avons pas encore mentionné, mais on demande un niveau minimum A2 de français. Au bout de cinq ans, ils ont tout à fait le niveau nécessaire. On a des profils très variés. Des fois certains élèves apprennent le français pendant deux ans seulement ou ils n’ont jamais appris le français à l’école mais à l’Institut ou ailleurs. Pour être sûrs qu’ils vont bien vivre le début de l’aventure, on demande quand même le niveau A2. »
Pour l’instant il n’y a pas de bourse pour ce programme. De quel ordre est le budget pour les parents qui envoient leur enfant à l’aventure en France ?
« C’est vrai que le programme est à la charge de la famille. Le budget peut représenter entre 3 500 et 4 000 euros pour l’année scolaire. Cela dépend de la région, de quelle manière l’élève rentre en République tchèque pendant les vacances. Sachant que le montant n’est pas à payer au début de l’année scolaire dans sa totalité mais s’échelonne sur trois trimestres. »
Quels sont les échos que vous avez eus des élèves quelques années après leur retour en République tchèque ?« On essaye de suivre les parcours, de voir si il y a des élèves qui restent. Il y en a 35 qui sont restés pour faire leur deuxième année donc forcément pour eux ça se passe très bien et ils s’y plaisent beaucoup. Il y en a d’autres qui reviennent en République tchèque pour passer leur bac. D’autres encore font une mobilité supplémentaire dans des pays francophones ou pas pour apprendre d’autres langues. Les profils et les parcours sont très variés. On essaye de suivre les chemins de chacun. L’année prochaine, ça va être l’occasion de rencontrer certains anciens et ça sera intéressant de voir ce que le programme leur a apporté. »