L’archevêque Dominik Duka dans le viseur des fidèles catholiques
Le ton monte au sein de l'Église catholique, apostolique et romaine de République tchèque, la plus importante communauté religieuse du pays. Une centaine de fidèles ont en effet adressé une pétition au pape François pour lui demander de ne pas prolonger le mandat du cardinal Dominik Duka au poste d’archevêque de Prague. Les signataires reprochent au haut dignitaire ecclésiastique sa proximité avec les milieux nationalistes.
Les signataires, beaucoup d’étudiants mais pas seulement, expliquent ensuite les raisons de cet appel au souverain pontife. Ils critiquent en premier lieu la sympathie qu’entretiendrait l’archevêque avec les thèses nationalistes et sa complaisance avec certaines manifestations d’extrême-droite, hostiles à l’accueil des réfugiés et à l’islam. Selon eux, l’Eglise catholique tchèque aurait même pris une certaine teinte « brune » sous la direction de M. Duka. Une allégation qui n’est pas du tout du goût de l’un de ses soutiens, Roman Joch, le directeur de l’Institut civique, une organisation qui défend des positions conservatrices dans la société tchèque :
« Il y a un mot qui me paraît une énormité, c’est le mot ‘brun’. Ce ne sont pas les fascistes de Mussolini qui étaient ‘bruns’, ce sont les nazis allemands. Ce sont eux qui portaient des chemises brunes. Et affirmer que l’Eglise catholique, sous l’impulsion de l’archevêque Duka, se ‘nazifie’, c’est la même énormité que si je disais que les signataires de cette lettre sont des maoïstes ou des stalinistes. »Les initiateurs de la pétition expliquent avoir utilisé ce terme par « provocation » et soulignent qu’il ne figure pas dans la lettre. Ils reprochent également l’attitude de fermeture du cardinal envers les membres de la communauté LGBTQ, sa gestion de la question de la restitution des biens aux Eglises, qui aurait fait du tort à l’image de l’Eglise catholique, et plus généralement de sortir de ses fonctions ecclésiastiques pour faire de la politique. Hana Blažková est l’une des coauteurs du texte :
« Il fait tout pour être une personnalité visible. Plutôt qu’un pasteur, c’est un homme qui joue le jeu de la grande politique, qui aime apparaître en société comme célèbre et puissant et qui ne pense pas vraiment à ses ouailles. »Les critiques à l’endroit de Dominik Duka, lequel a succédé en 2010 à Miloslav Vlk à la tête de la Conférence épiscopale de République tchèque et qui a été nommé cardinal deux ans plus tard par Benoît XVI, ne sont pas nouvelles. Après les législatives d’octobre dernier, le prélat a par exemple envoyé des lettres de félicitations à tous les chefs des partis vainqueurs, dont le leader de la formation d’extrême-droite SPD, Tomio Okamura, qui l’a remercié en soulignant leurs préoccupations communes.
Cela lui a valu une polémique que l’archevêque a balayée du revers de la main en indiquant qu’il s’agissait d’une « tradition ». L’historien et théologien Martin Vaňáč n’était, pour sa part, pas totalement convaincu :
« Il ne semble pas faire la distinction entre le fait qu’il essaie de parler en tant que citoyen mais qu’il est en même temps le primat de l’Eglise catholique de République tchèque. Donc quand il écrit que quelque chose l’unit à M. Tomio Okamura, est-ce qu’il parle pour lui-même ou bien pour toute l’Eglise ? »
Pour l’heure, la réponse du Vatican n’est pas connue et Dominik Duka, qui a obtenu le soutien de certains politiciens, notamment chrétiens-démocrates ou de l’Institut Václav Klaus, s’est refusé à tout commentaire en attendant de pouvoir lire la lettre.