Josef Koudelka, photographe de l’invasion soviétique de 1968, fête ses 80 ans
Le photographe franco-tchèque Josef Koudelka fête ses 80 ans ce mercredi. En cette année « en 8 », où l’on commémore les 50 ans de l’écrasement du Printemps de Prague, impossible de ne pas penser aux photographies qui ont rendu célèbre Koudelka à travers le monde : celles de l’invasion soviétique de la Tchécoslovaquie en août 1968 à jamais associées au plus grand des photographes tchèques.
En 2008, à l’occasion des 40 ans de l’invasion soviétique de la Tchécoslovaquie, Josef Koudelka avait publié une monographie intitulée « Invasion », accompagnant une exposition du même nom.
A l’époque, il avait d’ailleurs accepté de se souvenir, pour Radio Prague, de ces journées intenses et dramatiques qui avaient suivi l’entrée des troupes du Pacte de Varsovie dans le pays :
« Je revenais juste d’un voyage en Roumanie où je photographiais les Roms, je suis allé dormir, et au beau milieu de la nuit, vers trois heures, le téléphone a sonné. C’était une de mes amies qui m’a dit : ‘les Russes sont ici !’ J’ai raccroché en pensant à une blague. Mais elle a rappelé trois fois et m’a dit d’ouvrir les fenêtres et d’écouter. Et là, j’ai entendu le bruit régulier des avions. J’ai compris qu’il se passait quelque chose, j’ai pris mes appareils photo et je suis sorti. »De son errance dans les rues de Prague occupée, Josef Koudelka tirera les photographies d’août 1968 les plus belles, par leur tragique et leur sobriété. Hommes et femmes sont au cœur de ses clichés, par leurs regards, leurs gestes, leurs attitudes.
Devenu photographe de la prestigieuse agence Magnum, Josef Koudelka finit par émigrer en France, mais sans jamais avoir eu de réel port d’attache. Sa maison, c’est la route. Un nomadisme voulu qui résulte de son exil et d’une farouche volonté d’indépendance. On écoute encore Josef Koudelka :
« Si vous décidez ou si vous êtes obligé, comme moi qui ai dû partir de Tchécoslovaquie (parce que j’aurais très certainement fini en prison si j’étais resté), il faut absolument se dire : ‘je ne reviendrai plus’. Il faut l’accepter comme un fait. Il faut accepter que la maison brûle, qu’il faille tout recommencer et reconstruire la maison. Il faut aussi profiter de la possibilité que vous offre l’exil de vous retrouver dans un autre environnement, avec d’autres personnes, qui ne savent pas grand-chose de vous. Vous pouvez commencer quelque chose de nouveau. J’ai fait un livre qui s’appelle Exils, dans lequel l’écrivain polonais Czeslaw Milosz y dit : ‘l’exil détruit, mais s’il ne vous détruit pas, il vous rend plus fort’. »A désormais 80 ans, Josef Koudelka continue d’être un éternel marcheur et observateur du monde qui l’entoure. De ses voyages, il tire désormais des paysages en grands formats. Et si l’humain a physiquement disparu de ses photographies, les traces qu’il laisse sur son environnement, elles, restent. En cherchant à comprendre pourquoi chaque cliché ou presque de Koudelka prend une dimension quasi mythique, on repense aux paroles de la critique d’art Anna Fárová à son propos :
« Je dis toujours que comme certaines personnes ont une ouïe absolue, Josef Koudelka a une vision absolue. C’est un visionnaire absolu. Il voit et dépeint la réalité par son objectif avec une maîtrise absolue. »
Plusieurs expositions consacrées à Josef Koudelka, notamment au Musée national et au Musée des arts appliqués, sont prévues à Prague cette année.