Eva-Brunet Manquat : « En France, il faut bien organiser sa vie pendant la grossesse »
Lors des Jeux olympiques de Grenoble en 1968, le sauteur à ski Jiří Raška, vainqueur de l’or et l’argent sur le petit et le grand tremplins, est devenu le premier champion olympique d’hiver tchèque de l’histoire. Depuis, les Tchèques entretiennent un lien particulier avec la capitale des Alpes françaises. Qui sont les Tchèques qui vivent aujourd’hui dans la région grenobloise ? Radio Prague est allé à la rencontre de quelques-uns d’entre eux pour tenter de répondre à cette question. Cela commence avec une jeune Tchèque, Eva-Brunet Manquat, mariée à un Français originaire du Dauphiné.
Qu’est-ce qui vous plaît à Grenoble, à part les montagnes, bien évidemment ?
« Le temps. Il fait presque toujours beau, c’est une ville très ensoleillée comparé aux autres villes françaises, comme le prouvent d’ailleurs les statistiques. »
Fréquentez-vous les autres Tchèques de Grenoble ? Existe-t-il une communauté tchèque ici ?
« Oui, mais je trouve qu’auparavant, nous nous rencontrions plus souvent que maintenant, ce qui est dû peut-être au fait que nos familles s’agrandissent. Mais quand même, je rencontre relativement souvent mes copines tchèques à Grenoble. »
Quels sont leurs parcours professionnels ?
« J’ai une amie tchèque qui est kinésithérapeute, une autre qui est professeur de français de formation et qui travaille dans l’enseignement, une autre encore travaille au sein du bureau international au campus universitaire. Il y en a qui sont venues pour le travail, d’autres se sont mariées ici. Il y a des va-et-vient, certains amis sont retournés en République tchèque, car ils ne sont pas parvenus à trouver un travail qui leur plaisait. Effectivement, ce n’est pas évident pour les Tchèques. »Est-ce votre expérience personnelle ?
« Oui, car je suis, moi aussi, professeur de français. Comme le système tchèque de l’éducation nationale est complètement différent du système français, il est très difficile d’accéder à un poste dans ce domaine. En plus, une Tchèque ne peut pas enseigner le français aux Français ! »
Eva Brunet-Manquat, vous êtes enceinte de votre premier enfant. Quel est votre expérience du système de danté publique en France ? Est-il différent du système tchèque ? Si oui, est-ce que ces différences vous ont posé problème ?
« Je ne dirais pas que je suis confrontée à des difficultés. Toutefois, je me suis aperçue qu’en France, il fallait bien organiser sa vie pendant la grossesse, du fait que la future maman a beaucoup de rendez-vous chez les médecins à prendre. A la différence de la République tchèque, les gynécologues en France n’ont souvent pas d’échographie dans leur cabinet. Il faut alors prendre rendez-vous chez un spécialiste, de même pour la prise de sang, car les cabinets de gynécologues ne disposent pas d’infirmières. Certains cabinets ne sont ouverts que le matin ou l’après-midi… Cela m’a surpris, car je sais de la part de mes amies qui ont des enfants qu’en République tchèque, que l’organisation des visites médicales pendant la grossesse est différente. J’ai été aussi surprise par le fait qu’en France, les femmes enceintes n’ont droit qu’à trois échographies. Entre-temps, il faut espérer que tout se passe bien. »
Il existe une autre différence, plus importante peut-être, entre les deux pays : en France, les femmes reprennent leur travail très tôt, tandis que les mères tchèques ont la possibilité de rester au foyer pendant les quatre années qui suivent la naissance de l’enfant. Vous qui avez grandi dans le « système tchèque », comment envisagez-vous de vous organiser ?
« Effectivement, c’est un sujet sensible… En France, j’ai droit à seize semaines de congé de maternité, plus concrètement à six semaines avant l’accouchement et à dix semaines après la naissance de mon enfant. Ensuite, je devrais le placer à la crèche ou le confier à une nourrice, ce qui est, à vrai dire, impensable pour moi. Je suis trop marquée par le système tchèque, où la maman s’occupe de son enfant pendant deux, trois ou quatre ans… »Par ailleurs, vous avez l’expérience de la crèche en France, non pas comme une mère, mais comme une professionnelle…
« En effet, j’ai travaillé pendant plusieurs années dans une crèche en France et j’ai bien vu que les bébés de dix semaines n’étaient pas adaptés à passer leur journée à la crèche, à partir de huit heure du matin jusqu’à six heures du soir. Comme cela me pose un sérieux problème, j’ai demandé à mon employeur de m’accorder le congé parental qui dure six mois. Ma demande a été refusée du fait que je ne travaille pas depuis plus d’un an au sein de l’entreprise. J’ai alors demandé un an sans solde, ce qui m’a été également refusé. Finalement, j’ai sollicité une rupture conventionnelle, mais on m’a fait comprendre qu’elle n’allait pas être acceptée non plus. A présent, je ne sais pas vraiment comment je vais m’organiser. Il reste la démission, mais ce serait la dernière possibilité à envisager. »