Petr Drulák : « Les bonnes relations franco-tchèques sont une nécessité mutuelle »

Petr Drulák, photo: Magdalena Hrozínková

Il y a tout juste un mois, le nouvel ambassadeur de la République tchèque en France, Petr Drulák, a remis des lettres de créance au président français François Hollande. Politologue, ex-directeur de l’Institut des relations internationales à Prague et ancien ministre adjoint des Affaires étrangères, Petr Drulák occupe ainsi le premier poste d’ambassadeur dans sa carrière. En passage à Prague, il a évoqué, au micro de Radio Prague, ses priorités, ainsi que les enjeux de la diplomatie tchèque sur la scène européenne.

Petr Drulák | Photo: Magdalena Hrozínková,  Radio Prague Int.
En quittant son poste d’ambassadrice à Paris, au printemps 2016, votre prédécesseur Marie Chatardová s’est félicité de la qualité des relations franco-tchèques qui étaient, selon elle, « au sommet ». En effet, après une période de froid, les relations franco-tchèques se sont considérablement améliorées ces dernières années. Dans quelle mesure cela était-il une nécessité pour Prague?

« Je pense que c’est une nécessité mutuelle. Nous avons besoin les uns des autres. Pour nous, la France est un des principaux pays européens. Il existe un triangle formé par trois ‘centres de l’Europe’, ce triangle est formé par Paris, Bruxelles et Berlin. Les représentants politiques tchèques partagent cette orientation européenne, cette orientation vers la France aussi qui fait partie de notre vocation européenne. Je pense néanmoins que la République tchèque est tout aussi importante pour la France, étant donné qu’elle a ses intérêts politiques, économiques et géopolitiques en Europe centrale. La France est consciente du fait que la République tchèque est un bon partenaire. Je vois beaucoup de bonne volonté des deux côtés pour monter des projets communs. Cela facilite énormément le travail d’un ambassadeur. »

Quelles sont vos priorités dans votre nouvelle fonction, priorités difficiles, peut-être, à définir, dans une situation où « tout va tellement bien » ?

« Je trouve extrêmement important le fait que l’on contribue à la compréhension mutuelle. Nos deux pays sont membres de l’Union européenne, la République tchèque appartient, de par sa tradition, à l’Europe occidentale (qui inclut la région d’Europe centrale). Il reste toutefois dans notre dialogue un certain nombre de choses à expliquer, choses qui peuvent être mal interprétées et qui peuvent provoquer des malentendus. Voilà le rôle de l’ambassadeur : expliquer les positions tchèques aux Français et vice-versa. »

Photo illustrative: Archives de Radio Prague
Certains dirigeants européens, y compris certains candidats à l'élection présidentielle en France, prônent une Europe à plusieurs vitesses avec un noyau dur plus intégré et des pays qui resteraient en dehors. Cette idée, susceptible justement de susciter des craintes et des malentendus, constitue-t-elle un risque pour la place de la Tchéquie dans l'Europe ?

« L’Europe à plusieurs vitesses est d’ores et déjà une réalité. A titre d’exemples, certains pays font partie de la zone euro, d’autres non. Dans l’histoire de la construction européenne, nous avons vécu à plusieurs reprises cette même situation, où un groupe restreint de pays lançait une initiative d’intégration, une initiative que les autres pays rejoignaient ensuite. C’est une expérience historique. Néanmoins, il est très important que toutes ces initiatives, lancées par de petits groupes de pays, soient ouvertes aux autres, non seulement au moment du lancement, mais aussi plus tard. On ne devrait pas créer les barrières artificielles qui isoleraient un ‘noyau dur’ des autres. C’est un scénario qui peut, effectivement, être inquiétant pour certains. Si c’est un projet ouvert à tous, il n’y a aucune raison de le ‘diaboliser’, il peut approfondir le processus d’intégration européenne et améliorer nos relations mutuelles. »

La République tchèque fait partie du groupe de Visegrad (V4) qui inclut aussi la Pologne, la Hongrie et la Slovaquie. On parle de plus en plus de l'influence grandissante de ce groupe dans les affaires européennes. La diplomatie tchèque a-t-elle toutefois conscience de l'image négative que renvoie parfois le V4 auprès de ses partenaires européens sur un certain nombre de dossiers, par exemple sur celui des migrations ?

« A mon avis, le groupe V4 est un projet important pour la diplomatie tchèque, mais il ne faut pas non plus le surestimer. Le groupe a été créé afin de permettre la mise en place d’un réseau d’échange d’informations entre les quatre pays respectifs ; le groupe soutient aussi de nombreux projets culturels et scientifiques. Il est vrai que de temps en temps, certaines démarches politiques sont coordonnées au niveau du V4. C’est une tâche difficile, car les intérêts politiques des quatre pays respectifs ne sont pas toujours similaires. Pour la République tchèque, il n’était jamais prioritaire d’adopter une position commune au sein du groupe et de promouvoir celle-ci au niveau européen. Quant à la politique migratoire, le V4 n’a pas adopté une position commune. Il est vrai que les quatre pays ont été assez sceptiques à l’égard du projet de répartition obligatoire des réfugiés. A la différence de la Pologne qui a soutenu ce projet de la Commission européenne, la Tchéquie, la Slovaquie et la Hongrie s’y sont opposées. La République tchèque a fini par accepter cette mesure, tandis que la Slovaquie et la Hongrie ont porté plainte contre cette décision auprès de la Cour de justice de l’Union européenne. »