Loi sur le logement social : nécessaire mais mal élaborée selon ses opposants

Photo: ČT24

Les personnes qui ont des difficultés à se loger pourraient bientôt bénéficier d’un logement social. Très discutée et longtemps attendue, une loi allant dans ce sens a finalement été approuvée par le gouvernement ce mercredi. Pourtant, le projet, présenté par les sociaux-démocrates, reste largement critiqué, et ce non seulement par les parties de l’opposition de droite, mais aussi au sein de la coalition gouvernementale.

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Une loi qui permettrait à la République tchèque de se classer parmi les pays développés de l’Europe occidentale. C’est à ces termes que décrit le projet de logement social, inspiré du modèle de la loi SRU en France, le Premier ministre, Bohuslav Sobotka, tout en se félicitant que son cabinet ait réussi d’approuver la nouvelle législation « à temps », afin que les parlementaires puissent s’y prononcer avant les prochaines législatives prévues pour octobre 2017. Cependant, la victoire n’est pas encore dans la poche.

Le projet de logement social est discuté en République tchèque depuis environ vingt ans (cf. http://radio.cz/fr/rubrique/faits/loi-sur-le-logement-social-mieux-vaut-tard-que-jamais). La conception actuelle, présentée par le ministère du Travail et des Affaires sociales, vise à aider non seulement ceux qui habitent dans des maisons d’asiles, mais aussi toutes les personnes menacées par la pauvreté qui paient pour le logement plus de 40 % de leurs revenus mensuels. Ces critères correspondent à quelque 500 000 personnes, soit près de 5 % de la population. L’auteure du projet, la ministre social-démocrate Michaela Marksová indique :

« Le logement social devrait être destiné également à des seniors, veuves, mères célibataires, ou encore à des jeunes issus de foyers de l’enfance et à des personnes handicapées… »

De plus, selon le texte approuvé par le gouvernement, les municipalités tchèques ne devraient contribuer que sur une base volontaire à la mise à disposition de logements sociaux. Dans le cas où elles n’agiraient pas dans ce sens, l’Etat, et plus précisément le Fonds national pour le développement du logement (SFRB), leur viendrait en aide.

Karla Šlechtová,  photo: Jindřich Nosek  (NoJin),  CC BY-SA 4.0
Ces propositions des sociaux-démocrates déplaisent toutefois à leurs collègues au sein de la coalition, les chrétiens-démocrates et le mouvement ANO. D’après la ministre du Développement régional, Karla Šlechtová du mouvement ANO, la réalisation du projet aurait, entre autres, des impacts négatifs sur le budget de l’Etat :

« Le principe du logement social est très important et il est bien de le vouloir introduire dans la législation tchèque. Cependant, nous ne sommes pas contents que le groupe visé par le projet soit trop vaste. Nous insistons qu’il faut mieux déterminer les demandeurs potentiels. L’Etat n’a pas de moyens financiers pour construire ou pour acheter de nouveaux appartements afin de les distribuer ensuite parmi les personnes ayant des revenus faibles. Nous voulons aussi que l’obtention du logement social soit conditionnée par le travail : c’est-à-dire qui veut bénéficier de ce type de logement doit travailler. Et si quelqu’un avait des difficultés à trouver un emploi, il se verrait donner un travailleur social qui l’aiderait à résoudre ce problème. »

Les critiques de Karla Šlechtová sont partagées également par les partis de l’opposition gouvernementale (TOP 09 et ODS) pour lesquels les appartements sociaux devraient être destinés uniquement aux plus nécessiteux qui sont à la recherche d'un logement. Les personnes à faible revenus qui paient déjà un logement devraient au contraire bénéficier de différents autres types d’allocations sociales, comme l’affirme la députée Markéta Pekarová-Adamová du TOP 09 :

« Cette loi laisse sur le côté tous ceux qui habitent dans des appartements ‘ordinaires’ mais qui ont besoin d’une petite aide pour pouvoir payer le loyer. Les conditions d’obtention des allocations au logement vont en effet changer avec l’introduction de ce nouveau système et le nombre de personnes qui en bénéficient va diminuer. Les modifications toucheront donc surtout les personnes qui travaillent mais qui ont des revenus faibles. Ces personnes n’ont pas besoin d’un logement social car elles habitent déjà dans des appartements commerciaux. Mais elles ont besoin des allocations qui leur permettent de payer leur logement. De plus, la loi contribuera à la création d’un nouveau groupe social qui sera totalement dépendant d’une aide de la part de l’Etat. Nous n’arriverons plus jamais à forcer ces gens-là à quitter les logements sociaux. Ils n’auront pas la motivation de le faire. »

Photo illustrative: Štěpánka Budková
Les opposants reprochent au ministère du Travail et des Affaires sociales également de ne pas préciser dans le projet ni les localités dans lesquelles seraient construits des appartements de ce type, ni un budget prévisionnel de cette nouvelle mesure.

On peut donc s’attendre à ce que les débats qui accompagneront ce sujet à la Chambre des députés, soient particulièrement houleux. Si la loi est quand même adoptée par le Parlement et signée par le président d’ici octobre prochain, les premiers demandeurs pourront bénéficier du logement social à partir de la mi-2020.