Avenir de l’UE : le groupe de Visegrád ne veut plus du « dictat » de la Commission européenne
L’avenir de l’Union européenne après le référendum britannique sur le Brexit a constitué le thème central évoqué lors de la rencontre des chefs de gouvernement du groupe de Visegrád (V4), qui s’est tenue mardi à Krynice, dans le sud-est de la Pologne. A dix jours du sommet européen sur l’avenir de l’UE sans le Royaume-Uni, les Premiers ministres des quatre pays d’Europe centrale (République tchèque, Hongrie, Pologne et Slovaquie) entendaient accorder leurs violons afin de défendre une position commune face à leurs partenaires européens le 16 septembre à Bratislava.
A Krynice, c’était la troisième fois déjà en l’espace de seulement deux mois que les quatre Premier ministres étaient réunis ; une fréquence qui confirme l’intensité des échanges entre Prague, Bratislava, Budapest et Varsovie, et la nécessité ressentie par chacun de se serrer les coudes pour faire front commun que ce soit vis-à-vis de Bruxelles, Berlin, Rome ou Paris. Directeur de la publication de Hulala, un site d’informations sur cette Europe qu’il qualifie d’« excentrée », Ludovic Lepeltier-Kutasi confirme cette montée en puissance du V4 :
« La France a été habituée jusque-là à donner le ‘la’ de la dynamique de la construction européenne avec l’Allemagne et les pays fondateurs du Traité de Rome. Mais c’est vrai que que ce que l’on appelait - et que l’on appelle toujours d’ailleurs - les élèves, et ce qu’ils soient bons ou mauvais, à savoir les pays d’Europe centrale et orientale, essaient d’avoir voix au chapitre. Cela génère une tension un peu malsaine, car le leadership est contesté en ce qui concerne l’agenda européen. »Et une des actions prioritaires qu’il convient de conduire à l’échelle européenne concerne d’abord le mode de fonctionnement même de l’Union. Le V4 souhaite que celle-ci soit plus concrète pour « se rapprocher des populations ». En d’autres termes aussi, qu’elle soit réformée en profondeur pour laisser plus de souveraineté à ses Etats membres. Comme il l’a expliqué dans un entretien accordé mardi à l’envoyé spécial de la Radio tchèque, le Premier ministre Bohuslav Sobotka estime ainsi que la Commission européenne devrait faire moins de politique :
« J’ai déjà dit que c’est le Conseil européen qui devrait être le leader politique de l’UE. La Commission devrait respecter le mandat du Conseil à partir du moment où tous les Etats membres de l’Union sont d’accord à l’unanimité. Il faut revenir au respect des règles et à un équilibre du pouvoir à l’intérieur de l’Union de façon à ce que les différents pays membres n’aient pas le sentiment qu’ils ne sont pas écoutés sur certains points concrets. Par exemple, nous avons très clairement convenu au Conseil européen que nous étions opposés à l’instauration des quotas contraignants de répartition des réfugiés. Pourtant, la Commission a présenté un projet allant dans le sens contraire. C’est un cas de figure typique où la Commission a succombé à la tentation et ignoré la volonté unanime de tous les Etats membres de l’Union. »Malgré la bonne entente apparente, Bohuslav Sobotka a reconnu qu’il existait cependant des thèmes sur lesquels « le Club des quatre » n’est pas forcément unanime. Il s’agit notamment de l’idée de la vitesse à laquelle certains des traités qui régissent l’UE devraient être révisés. Sur ce point précis, et à la différence notamment d’une Pologne plus résolue à agir rapidement, la République tchèque est partisane d’une position modérée.
Enfin, le Premier ministre slovaque Robert Fico a fait part de son espérance de voir les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-sept qui seront réunis en fin de semaine prochaine parvenir à « établir un diagnostic de l’UE de façon à lancer un nouveau processus » qu’il aimerait « pouvoir appeler le processus de Bratislava ». Avec une idée fixe pour le V4 : redonner un nouveau souffle, partiellement en provenance de l’Est et des Parlements nationaux, à la construction européenne.