Démographie : la République tchèque face à une augmentation du nombre de décès et à l’éternel problème d’un faible taux de fécondité
L’Office tchèque des statistiques a rendu publics ses derniers chiffres relatifs à la démographie en République tchèque. Si la plupart des médias tchèques ont fait des choux gras sur une augmentation de la population tchèque en 2015 à hauteur de 15 600 personnes (passant à un total de 10 553 843 habitants), mettant cette dernière sur le compte de l’immigration, les démographes, eux, voient le principal enseignement de ces chiffres dans l’augmentation du nombre de décès d’une génération précise au sein de la population, et une fécondité toujours en berne en raison de l’absence d’une politique familiale qui promouvrait un meilleur équilibre entre vie familiale et professionnelle pour les femmes. Actuellement à Paris où elle dispense des cours à l’université Panthéon-Sorbonne, la démographe Jitka Rychtaříková a commenté ces données pour Radio Prague.
Sur ce phénomène de déséquilibre entre les naissances et les décès, ce n’est pas un phénomène nouveau en République tchèque. C’est une tendance générale…
« Vous avez tout-à-fait raison, le décroissement naturel, c’était déjà d’actualité entre 1994 et 2004, un peu plus tard après on a connu une augmentation des naissances et une stabilisation des décès. Alors que maintenant, on constate que les décès vont avoir tendance à augmenter parce qu’en République tchèque, les effectifs de naissances ont commencé à augmenter vers la fin des années 1930. C’est assez spécifique chez nous car pendant la Deuxième Guerre mondiale, on a vu le nombre de naissances augmenter. Et juste après 1945, il y a eu baby-boom. Maintenant on va voir cette population de personnes âgées augmenter et cela va donc créer plus de décès. Le vieillissement démographique est un phénomène très important en République tchèque car la fécondité est faible. D’autre part on va avoir un pourcentage croissant des personnes âgées »Quelle politique migratoire doit-on adopter pour un pays qui vieillit alors que les autorités tchèques semblent freiner l’arrivée potentielle d’immigrés qui pourraient compenser ce déficit ?
« Tous les démographes s’accordent là-dessus : les migrations ne peuvent pas remplacer la décroissance de la population parce qu’il faudrait avoir une migration très massive. Selon une projection démographique, la population de la République tchèque qui est d’à peu près de 10 millions aujourd’hui, devrait être de 7 millions pour l’année 2100. Cela veut donc dire qu’il faudrait 3 millions de migrants. Qui plus est, les migrants vont vieillir aussi. Donc pour les démographes, l’immigration n’est pas une solution pour arrêter le vieillissement démographique, cela peut seulement le modérer. Concernant le pourcentage de la population étrangère en République tchèque, il est très faible, c’est moins de 5%. Deuxième point, jusqu’à maintenant l’immigration c’était surtout des gens venant de Slovaquie qui a fait partie de la Tchécoslovaquie, de l’Ukraine et du Vietnam. Donc c’était une immigration complétement différente de celle des pays occidentaux. Enfin, le solde migratoire en République tchèque actuellement n’est pas si élevé. En 2008, il était de 80 000 en chiffre absolu alors que maintenant d’après l’Office des statistiques, il est à peu près de 16 000. »C’est d’ailleurs quelque chose d’assez étonnant lorsque l’on lit les informations sur ces derniers chiffres statistiques : ce qui ressortait beaucoup plus dans les médias tchèques ces derniers jours, ce n’est pas du tout ce dont vous parliez tout à l’heure à propos de l’augmentation du nombre de décès, mais plutôt que la population tchèque avait augmenté à cause de l’immigration. Mais en réalité ce n’est pas le phénomène le plus important…
« Non, si on regarde les chiffres, ces immigrés représentent quelques milliers de personnes seulement, ce n’est pas important du tout. Je suis désolée, mais ce sont les journalistes qui cherchent toujours à rendre l’actualité attirante. Les démographes soulignent que pour la République tchèque, ce qui est le plus important, c’est le taux très faible de fécondité. Et c’est la fécondité qui va transformer la structure de la population tchèque. Pour les journalistes, ce n’est pas une information accrocheuse. Tandis que parler de l’immigration, cela attire plus l’attention. C’est la même chose lorsqu’on parle du vieillissement démographique : on l’observe partout, ce n’est pas dû seulement au recul du taux de mortalité, mais cela est dû au taux faible de fécondité en République tchèque. »