La République tchèque voit d’un bon œil l’aide des Vingt-huit à la Turquie
Dimanche soir, les Européens et la Turquie ont signé à Bruxelles un accord censé constituer une solution pour maîtriser l’important flux migratoire auquel fait face l’Union européenne ces derniers mois. Les Vingt-huit se sont engagés à fournir une aide de 3 milliards d’euros à la Turquie pour s’occuper des quelque 2,2 millions de réfugiés syriens se trouvant sur son territoire. Opposée aux quotas migratoires, la République tchèque débloquera donc entre 11 et 15 millions d’euros en 2016, puis la même somme en 2017.
Au départ, les Turcs envisageaient un versement de 3 milliards d’euros chaque année, mais l’argent ne sera déboursé qu’avec parcimonie, en fonction des projets d’aide aux migrants soumis par Ankara à Bruxelles et de l’engagement effectif des Turcs à respecter certains points précis, comme l’a confirmé le Premier ministre tchèque Bohuslav Sobotka :
« La République tchèque table sur un déblocage de ces fonds financiers sur deux ans. Nous attendons en effet de voir quelles seront les réactions côté turc. Il ne serait pas raisonnable de fournir directement la somme totale. Il faut que la Turquie mette en place les mesures qu’implique le plan d’action. Nous attendons de la Turquie qu’elle lutte plus efficacement contre les passeurs sur ses côtes occidentales. A l’heure actuelle, ils y font ce qu’ils veulent. Nous attendons aussi de la Turquie qu’elle accepte le retour des migrants ‘économiques’ ayant pénétré illégalement en Europe, qu’elle renforce les contrôles à ses frontières pour réguler l’afflux de migrants. De la mise en place de ces mesures dépend l’aide financière. Elle devrait être fournie en 2016 et 2017, et la République tchèque participera à hauteur de 26 à 30 millions d’euros sur ces deux ans. »La répartition des 3 milliards d’euros entre tous les Etats-membres de l’UE doit se faire en fonction du PIB de chaque pays, afin qu’aucun membre ne soit lésé ou au contraire favorisé. Et pour contrôler l’effectivité de ces mesures, un rapport sera établi chaque mois à Bruxelles pour évaluer les progrès constatés sur le terrain en Turquie. Secrétaire d’Etat en charge des affaires européennes, Tomáš Prouza veut croire que l’entrée en lice de la Turquie a de réelles chances d’aider l’UE à gérer la crise migratoire :
« Le premier ministre turc a été très convaincant et il a été très clair sur ce que les Turcs peuvent faire. Ils vont s’efforcer de stopper l’arrivée des migrants en Turquie, à leur frontière orientale, et refouler ceux qui ne fuient pas la guerre et ne viennent que pour des raisons économiques. Ils sont d’accord pour accepter les migrants économiques dont l’Europe ne veut pas et les renvoyer dans leur pays d’origine. Ils vont donc faire ce que l’UE a été incapable de faire. »A la fin de ce mini-sommet UE-Turquie, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a promis de proposer d’ici la mi-décembre un mécanisme de réinstallation en Europe d’une partie des réfugiés syriens présents dans les camps turcs, un mécanisme qui serait basé uniquement sur le volontariat. Ce projet d’« immigration légale » est souhaité par Ankara, mais aussi par Berlin, qui pousse toujours pour une politique effective de quotas migratoires. Le précédent plan visant à répartir les milliers de migrants qui attendent aux frontières de l’UE s’avère pourtant à l’heure actuelle un échec, 160 migrants seulement sur 160 000 ayant été à ce jour « relocalisés ». Côté tchèque en tout cas, mais aussi pour une bonne partie des pays européens effrayés par cette nouvelle idée, hors de question de revenir sur la question des quotas, comme l’a martelé Bohuslav Sobotka :
« Si l’on parle de relocalisation, alors, en effet, nous pouvons éventuellement intégrer une partie des réfugiés en Turquie, mais cela ne peut pas aller au-delà des engagements déjà pris par la République tchèque. »Face à l’urgence de la crise migratoire et à la guerre en Syrie, la Turquie, mise à distance ces dernières années par les dirigeants européens en raison des atteintes aux libertés publiques du gouvernement Erdogan, est donc de nouveau en odeur de sainteté et le réalisme semble l’emporter sur toute autre considération, quitte à faire fi des ambivalences même du pouvoir turc en place. Bohuslav Sobotka :
« Pour nous, il est important de coopérer activement avec la Turquie. Il ne s’agit pas seulement de réguler les flux migratoires, mais aussi de lutter ensemble contre le terrorisme. Il faut renforcer la communication afin de trouver des solutions communes aux grands défis sécuritaires auxquels nous faisons face et pour stabiliser les pays en proie à la guerre civile. Je pense que la solution réside dans un rapprochement entre la Turquie et l’Europe. »