17 novembre : Miloš Zeman s’affiche à une manifestation islamophobe
Jour férié en République tchèque, le 17 novembre est dédié à la lutte pour la liberté et la démocratie, en souvenir de la répression nazie contre les étudiants pragois en 1939 et des manifestations étudiantes de 1989, qui marquèrent le début de la révolution de velours et le renversement du communisme voici 26 ans. La célébration a pris un sens assez différent ce mardi, illustrant les divisions qui parcourent la société tchèque, avec de nombreuses manifestations dans le pays, souvent d’hostilité à l’égard des migrants, parfois de soutien à ces réfugiés. Fidèle à ses déclarations passées, le chef de l’Etat Miloš Zeman a choisi son camp en s’affichant à un rassemblement islamophobe.
Une nouvelle fois, pour célébrer la thématique de ce jour férié, le président avait donc décidé d’être présent à Albertov, une rue à Prague théâtre en 1939 d’un rassemblement à la mémoire de l’étudiant Jan Opletal, durement réprimé par les nazis, et cinquante ans plus tard, d’une manifestation contre le régime communiste. Or, c’est précisément le lieu où le mouvement du « Bloc contre l’islam » avait choisi d’organiser ce mardi un rassemblement « en soutien aux opinions du chef de l’Etat sur l’immigration et l’islam ». M. Zeman est en effet très opposé à l’accueil des réfugiés, « que personne n’a invités », et multiplie ces derniers mois les déclarations contre l’islam, une « religion de violence » d’après lui. Pour éviter les débordements observés l’an dernier - le président avait dû subir cartons rouges, sifflets, et jets d’œufs-, un important dispositif de sécurité lui a permis de se retrouver cette fois-ci face à une foule acquise à sa cause de quelques milliers de personnes, parmi lesquelles on pouvait trouver des représentants du mouvement islamophobe allemand Pegida. Après avoir rendu hommage aux victimes des attentats parisiens, le chef de l’Etat a développé ses théories et pointé du doigt la responsabilité des médias, qui asséneraient à la population des « massages médiatiques » :« Il y a un ‘massage médiatique’ qui concerne la crise migratoire. Je considère qu’il y a un besoin de tolérance pour les opinions différentes que tout le monde, dans une société libre, a le droit d’exprimer, et en même temps que ces opinions contraires ne doivent pas être placées sous silence et ne pas être désignées sous différentes étiquettes, voire même insultes, telles que sont les mots ‘extrémistes’, ‘xénophobes’, ’islamophobes’, ‘racistes’ ou bien ‘fascistes’. L’étiquette et l’insulte ne sont pas des arguments. Ils montrent seulement l’insuffisance intellectuelle de ceux qui les emploient. » C’est en compagnie de Martin Konvička, un professeur de biologie de l’Université de Bohême du Sud qui a fait de la lutte contre l’islam le combat d’une vie en fondant le « Bloc contre l’islam », et du député Marek Černoch, vice-président du parti Úsvit, une formation souvent qualifiée de « populiste », que Miloš Zeman a ensuite chanté l’hymne national du haut de son podium. Un spectacle auquel n’a pas goûté son ancien adversaire de la présidentielle 2013 et leader du parti conservateur TOP 09, Karel Schwargenberg. « Zeman a raison quand il dit que les Tchèques, dans leur immense majorité, ne sont pas xénophobes. Par contre, leur président l’est », indique-t-il dans les colonnes du quotidien Mladá fronta Dnes. A Prague ce 17 novembre, tandis que différents rassemblements identitaires étaient aussi organisés çà et là, opposants au président et manifestants exprimant leur solidarité à l’égard des migrants ont également eu voix au chapitre, les premiers sur Národní třída, où les gens pouvaient symboliquement voter pour un nouveau chef de l’Etat, et les seconds principalement à Náměstí Míru. Ces derniers, auxquels s’est un moment joint le ministre en charge des droits de l’homme Jiří Dienstbier, et dont le mot d’ordre était « Ce pays appartient à tous – Bienvenue au réfugiés », se sont ensuite dirigés vers la rue Albertov, ce qui n’a pas manqué de donner lieu à quelques altercations. Certains leaders politiques et universitaires ont regretté que la fameuse rue soit restée plusieurs heures, du fait de la venue de M. Zeman, inaccessible aux étudiants, dont les célébrations du 17 novembre consacrent pourtant les mobilisations passées. En 1939, suite au rassemblement d’hommage à Jan Opletal, neuf leaders étudiants tchèques étaient exécutés par les nazis, tandis qu’une centaine d’autres étaient par la suite déportés vers des camps de concentration. Pour rester fidèle à l’esprit de ce 17 novembre, il fallait peut-être plutôt se rendre au Théâtre national mardi soir, où a été remis le prix Mémoire de la nation à quatre anciens résistants au nazisme : Anna Hyndráková, Lýdia Kovářová, Branislav Tvarožek et Viktor Wellemín.