L’inquiétude morale ou les multiples facettes de l’œuvre de Ludvík Vaculík
Pendant les jours qui ont suivi le décès de Ludvík Vaculík, le 6 juin dernier, et les adieux qui lui ont été faits, samedi dernier, dans sa ville natale de Brumov, les pages culturelles de la presse, écrite ou électronique, n’ont eu de cesse de mettre en relief les multiples facettes de cette grande figure de la littérature et du journalisme tchèque. Nous vous en présenterons quelques extraits. Les circonstances d’une récente attaque visant le ministre de la Défense, Martin Stropnický, la prudence des Tchèques qui préfèrent réaliser des économies plutôt alors que la crise est terminée, la réticence croissante de la population à l’égard des étrangers, tels sont les sujets que nous avons également retenus dans la presse. Un petit mot, enfin, au sujet des vacances scolaires qui commencent en Tchéquie avec le début du mois de juillet.
« Ecrivain et journaliste, Ludvík Vaculik représentait une époque où les hommes de lettres, suppléant les hommes politiques, constituaient une vraie « conscience de la nation ». Leur parole, diffusée sous le communisme en clandestinité, avait alors au sein de la population un impact bien plus grand que les directives du parti et du gouvernement. »
Dans le même supplément, Jiří Peňás a tenu pour sa part à souligner que Ludvík Vaculik était non seulement un grand écrivain, mais aussi un personnage historique :
« Depuis la deuxième moitié des années 1960, Vaculík a été présent à tous les moments importants que ce pays a connu : le Printemps de Prague, la Charte 77, novembre 1989, la partition de l’Etat. De ce point de vue, il n’y a dans la culture tchèque que Václav Havel qui pourrait lui faire concurrence... Le manifeste « Deux mille mots » de 1968 appelant à des réformes au sein de la société dont Vaculík est l’auteur, constituait un acte exceptionnel d’un journaliste exceptionnel, rédigé à un moment exceptionnel. »
Sur le site d’informations Referendum, le journaliste Jakub Patočka a de son côté écrit :
« Il va de soi que Ludvík Vaculík sera toujours perçu comme un des plus grands écrivains tchèques. Mais au sein de sa génération qui était particulièrement forte, il s’est aussi distingué comme un journaliste brillant, qui a su redéfinir le genre du feuilleton littéraire. Le manifeste « Deux milles mots » semble constituer, de concert avec le « Manifeste démocratique » de Ferdinand Peroutka et l’essai « Le Pouvoir des sans-pouvoir » de Václav Havel, le plus important texte politique écrit après la Deuxième Guerre mondiale. »
S’agissant de l’œuvre littéraire de Vaculík, c’est notamment « La Hache » qui représente pour l’auteur de ce texte un livre phénoménal, car traduisant parfaitement l’image d’une vie traditionnelle vécue en harmonie avec la nature, une vie confrontée aux impératifs du monde moderne. D’après l’historien littéraire Vladimír Novotný, cité sur le site aktuálně.cz, Ludvik Vaculík était un représentant typique de la littérature dite « d’inquiétude morale », un auteur doté d’une audace et d’une ouverture peu commune.
Les politiciens tchèques doivent-ils se sentir menacés ?
La dernière édition de l’hebdomadaire Respekt s’est penchée sur une attaque sur la demeure du ministre de la Défense, Martin Stropnický, qui a été la cible de quatre cocktails Molotov. L’acte qui s’est produit la semaine dernière n’a touché personne, à l’inverse de l’agression du même type contre une famille rom de la commune de Vítkov, qui avait lourdement brûlé une fillette de 2 ans. Les experts en matière de sécurité, auxquels se réfère l’auteur de l’article publié dans les pages du magazine, se déclarent cependant surpris par la faiblesse voire l’absence des réactions à cet événement de la part des représentants politiques car, aux dires de Jiří Šedivý, ex-chef de l’état-major des forces armées, « les cocktails Molotov, ça franchit les bornes ». Silvie Lauder rappelle à ce sujet :« Sur la scène politique, l’incident n’a provoqué qu’une certaine inquiétude retenue... Pourtant, ces derniers temps, le nombre de menaces à l’adresse des représentants politiques ne cesse d’augmenter. Une lettre contenant du cyanure a été adressée au ministre des Finances, Andrej Babiš, et une autre lettre avec du poison avait été destinée au ministre de l’Intérieur, Milan Chovanec. Au printemps dernier, on a enregistré des menaces anonymes d’attentat à la bombe concernant la Chambre des députés. Précédemment, plusieurs hommes politiques avaient été la cible d’attaques physiques. »
Jiří Šedivý considère que l’absence de débat autour de ces événements témoigne de la conviction durable des hommes politiques tchèques selon laquelle rien de grave ne les menace et qu’ils sont ici en sécurité.
Les associations à but non lucratif face aux adversaires de l’immigration
Au moment où l’Europe s’interroge sur la question de savoir comment gérer un afflux sans précédent d’immigrants d’Afrique et du Proche Orient, certaines associations tchèques à but non lucratif, qui s’engagent dans l’aide aux réfugiés, doivent affronter une vague de messages haineux, sur les réseaux sociaux, par téléphone ou par courriel. Un article mis en ligne sur le site lidovky.cz détaille :« Les plus touchées sont bien entendu les organisations dont le travail est souvent médiatisé, comme l’association Člověk v tísni ou l’Association pour l’intégration et la migration. Est visé par les adversaires de la migration, dont l’agressivité semble s’accroître au fur et à mesure, non seulement l’accueil possible dans le pays de réfugiés du Proche Orient et d’Afrique, mais également l’ensemble du soutien que l’on accorde aux migrants. »
Tomáš Urban, de l’association Člověk v tísni, auquel l’article donne la parole, craint une radicalisation de la société tchèque face aux étrangers, radicalisation qui constitue un grave problème. Par ailleurs, le récent rapport du Ministère de l’Intérieur concernant l’extrémisme met également en garde devant les vagues de haine à l’égard des immigrés, notamment ceux des pays musulmans, le rôle principal incombant aux nouveaux groupes populistes aux accents nationalistes et xénophobes.
La consommation n’augmente pas en dépit de la croissance des revenus Les Tchèques ne dépensent pas beaucoup plus en dépit du fait que leurs revenus sont en hausse. Dans un article mis en ligne sur le site echo24.cz qui est consacré à ce sujet, Petr Holub précise :
« Depuis deux ans déjà, la condition économique de la République tchèque est bonne et pourtant les gens n’ont pas changé leurs habitudes financières adoptées pendant la crise. Les familles misent sur les économies, au lieu d’acheter davantage et d’investir, bien que l’augmentation notable de leurs revenus signale clairement la fin définitive de la longue crise. Or, les dépenses en biens de consommation demeurent les mêmes qu’à l’époque marquée par la récession. C’est donc toujours dans les banques que les gens préfèrent déposer leur argent et même plus encore que durant les années de crise. »
Selon l’auteur de l’article, cette prudence aurait de quoi inquiéter en premier lieu les économistess gouvernementaux qui espéraient encourager la consommation en augmentant les salaires des fonctionnaires publiques, ainsi que certaines allocations sociales.
A l’approche des vacances d’été
Les enfants tchèques ont la chance d’avoir des vacances d’été assez longues, s’étendant sur les mois de juillet et d’août et pendant lesquelles ils n’ont pas de devoirs scolaires à accomplir ou de projets à élaborer. C’est ce que constate un article publié dans l’édition de mardi dernier du quotidien Lidové noviny qui compare la situation dans ce domaine dans les différents pays du monde et qui se présente pour les écoliers et les étudiants tchèques comme très favorables. Son auteur, Barbora Postránecká, dresse également un bref historique des vacances scolaires dans les pays tchèques :« Les étudiants des universités ou des collèges jésuites au Moyen Âge connaissaient déjà quelque chose de similaire aux vacances, mais il n’y avait pas de règles pour les définir et les unir. En ce qui concerne Jan Amos Comenius, considéré comme un homme éclairé, il ne défendait pas pour autant l’idée des vacances, considérant que les enfants devaient passer leur temps en faisant des choses utiles. Ce n’est qu’au XVIIIe siècle que les vacances ont pu être unifiées, sur la base de l’Ordre général scolaire édité par l’impératrice Marie Thérèse et stipulant une scolarité obligatoire. »
Mais à cette époque-là, les dates pour les vacances n’étaient pas encore strictement établies, car notamment à la campagne, elles dépendaient du caractère saisonnier des différents travaux agricoles auxquels les enfants devaient participer. Finalement, ce n’est que sous la Première République que les mois de juillet et d’août ont été définis comme la période de vacances d’été pour les pays tchèques. Un usage qui a persisté jusqu’à nos jours.