La gastronomie tchèque remise au goût du jour
La République tchèque, et Prague en particulier, fait partie depuis de longues années des destinations privilégiées par les touristes pour son architecture, son histoire et ses prix relativement abordables. Côté cuisine, il y avait en revanche beaucoup à redire et les palais ou les estomacs sensibles pouvaient souffrir. Centre-européenne et peu réputée pour son raffinement, la gastronomie tchèque a été affectée par la baisse de qualité des produits de base sous le communisme. Mais la tendance s’inverse depuis quelques années, et il est même aujourd’hui possible de faire du tourisme gastronomique dans la capitale tchèque...
Si, avant, on venait visiter Prague malgré la nourriture servie, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Mirka Kostelková en sait quelques chose – elle organise pour les étrangers de passage un tour gastronomique de la ville, avec plusieurs étapes et dégustations de plats authentiques remis au goût du jour :
« Il y a beaucoup de choses qui ont changé depuis quelques années. Les Tchèques sont de plus en plus intéressés par la qualité de la nourriture, ce qui n’était pas le cas avant. Avant, les gens voulaient payer le moins possible et avoir le plus possible de nourriture dans leur assiette. Je suis contente de ce changement, cela permet à de nouveaux restaurants et nouvelles boutiques d’ouvrir et de trouver leur clientèle. Avant ce n’était pas possible. »S’il y a une personne qui a grandement contribué, au moins sur le plan médiatique, à l’amélioration de la qualité des plats servis dans les brasseries et restaurants tchèques, c’est bien le chef cuisinier Zdeněk Pohlreich.
Adaptation de celle du Britannique Gordon Ramsay, son émission de télévision "Oui chef!" a fait un carton. Avec le même langage de charretier, Zdeněk Pohlreich visite les cuisines et vocifère quand il s’aperçoit qu’on fait encore une sauce en mélangeant ketchup et mayonnaise, et autres spécialités que les Tchèques ont longtemps mangées sans broncher, comme le morceau de pèche en conserve sur l’escalope de poulet ou des plats fris au nom et à la consistance étranges, dont « le coup de fouet du bourreau ».
Zdeněk Pohlreich : « Pendant longtemps je pense que les cuisiniers ont travaillé ici avec des produits de mauvaise qualité. Ils n’avaient aucun goût pour les bonnes choses et étaient incapables de servir quelque chose de correct. Il y a encore de grandes disparités entre Prague, où le niveau est clairement en hausse, et la province. Evidemment il y a une question de prix et de moyens, mais heureusement pour les clients, les temps changent et la qualité s’améliore en général. »Pour Zdeněk Pohlreich et les autres célèbres cuisiniers tchèques, la référence c’est Madame Rettigova, une cuisinière du début du XIXè siècle. L’anecdote veut que son livre de recettes soit devenu l’un des ouvrages les plus contre-révolutionnaires sous le communiste, car bon nombre des ingrédients mentionnés étaient introuvables dans les magasins d’Etat.
Aujourd’hui, c’est grâce à des versions modernes de ces anciennes recettes, qu’un restaurant pragois a obtenu une des deux seules prestigieuses étoiles au guide Michelin que compte la ville, et la première obtenue par un établissement spécialisé dans la cuisine tchèque.
Retour au restaurant Lokal, où Mirka Kostelková vient de commander un des plats qui a le plus de succès lors de ses tours gastronomiques :
« C’est une soupe à base de chou, avec de la saucisse aussi. Dans nos circuits on a aussi une soupe de choucroute. On explique aux touristes que la choucroute est ici traditionnelle, que sous le communisme il était difficile de se procurer des oranges ou des clémentines pour la vitamine C. Et la choucroute est très riche en vitamine C, donc ça aide à combattre les virus et la fatigue. C’était peut-être le moyen le plus facile et le moins onéreux d’avoir de la vitamine C, donc les gens fabriquaient leur propre choucroute. »Même s’il existe des plats plus raffinés, un tour gastronomique de Prague est aussi inconcevable sans goûter les fameux knedliky, des sortes de quenelles à base de pommes de terre ou de pain.
Mirka Kostelková : « On a aussi une version de knedlik sucré, des boules de pâte fourrées aux fruits, myrtilles, fraises ou abricots. On met du fromage blanc, un peu de beurre fondu et on saupoudre de sucre pour le déguster en plat principal. Cela peut choquer certains touristes, peu habitués aux plats principaux sucrés… »