Un prix pour promouvoir le travail des femmes scientifiques
La semaine dernière, à l’ambassade de France à Prague, s’est déroulée la remise des prix L’Oréal-Unesco, destiné aux femmes dans les sciences. Sur les 71 femmes scientifiques à s’être inscrites dans ce programme, 16 ont été retenues par un jury scientifique. Ce sont finalement deux lauréates qui ont été désignées et récompensées pour leurs travaux par un soutien financier conséquent.
« C’est un programme qui a été initié il y a 17 ans au niveau international, qui récompense une femme par continent. Dans tous les pays où il y a une filiale L’Oréal, on a décliné un prix local. Pour la République tchèque, c’est la 9e édition. Là encore, on met à l’honneur des jeunes femmes scientifiques qui ont besoin d’un soutien financier, soit pour continuer leurs travaux, soit pour récompenser leur équipe, ou s’organiser au niveau personnel. Cela leur permet de pouvoir se concentrer tout autant sur leur famille que sur leur métier. Dans le cadre des sciences, il y a encore du travail à faire parce que 30% des scientifiques de haut niveau sont des femmes. Or, il n’y a pas de raison que ce ne soit pas 50/50. Oui, il y a encore des choses à faire, comme dans d’autres domaines où l’égalité reste à affirmer. »
Une égalité qui reste à affirmer, mais qui dans les faits, au quotidien, semble bien fonctionner en République tchèque à en croire les femmes scientifiques présentes à cette remise de prix. Qu’il s’agisse de la génération de Blanka Říhová, 73 ans, immunologue et présidente du jury, ou de celle des deux lauréates, entre 30 et 40 ans, toutes s’accordent pour dire qu’elles n’ont jamais connu de discrimination dans leur carrière et que c’est leur travail et leurs qualités scientifiques qui ont décidé de leur succès et de leur avancement. Si toutes deux étaient évidemment ravies de recevoir leur prix, cela ne les a pas empêché de s’interroger sur l’existence de récompenses destinées aux femmes. Eva Matalová, qui s’intéresse à la communication des cellules dans les os :
« C’est à double tranchant. Evidemment, toute récompense du travail scientifique, du travail de l’équipe scientifique – car je considère ce prix comme une récompense de l’équipe avec laquelle je travaille – est tout-à-fait la bienvenue, car c’est une vraie motivation. Mais d’un autre côté, j’aimerais que les femmes ne soient pas toujours vues comme des êtres exotiques. Malgré tout, ce type de récompense y participe un peu. Les hommes peuvent très bien se dire : et pourquoi pas nous ? Evidemment, cela permet aussi d’effacer les inégalités entre les sexes. Toujours est-il que la seule chose qui distingue réellement les hommes des femmes, c’est qu’elles donnent la vie et que la maternité reste un frein. »Eva Schmoranzerová, pour sa part, travaille sur de nouveaux moyens plus simples et plus rapides d’enregistrer des données :
« C’est compliqué. Je pense que c’est la qualité du travail des femmes scientifiques qui parle pour elles. Je ne sais pas si ces prix ont tant d’importance, mais évidemment, je suis très heureuse d’avoir été récompensée ! Selon moi, le plus important reste de promouvoir des conditions d’égalité pour les hommes et les femmes de science et je pense que ça marche plutôt bien dans l’ensemble. »
Signal fort de cette cérémonie de remise des prix, ces femmes refusent donc tout misérabilisme et préfèrent voir la récompense financière qui leur est attribuée comme un coup de pouce nécessaire, alors que dans les sciences, comme dans tant d’autres domaines, les budgets souffrent aussi d’être rabotés…Toutes s’accordent à dire que certains domaines scientifiques comme la biologie et la médecine sont plus « égalitaires », avec un nombre équivalent d’hommes et de femmes, contrairement aux branches plus techniques comme la physique et les mathématiques. Pour la scientifique tchèque Blanka Říhová, l’importance de la présence féminine dans les sciences va au-delà de la nécessaire égalité des chances. Pour elle, c’est aussi une question de complémentarité :
« Les femmes observent la nature avec davantage de compréhension. Selon moi, elles y cherchent quelque chose en plus, pas uniquement des chiffres exacts, des données précises. Elles recherchent le mystère qui se cache derrière toute expérience scientifique. J’ai d’ailleurs souvent vécu cette situation où de mêmes données mesurées étaient interprétées de manière différente selon qu’il s’agissait d’un homme ou d’une femme. Je pense que les hommes voient plus les chiffres tandis que les femmes voient ce qui lie les données. Donc c’est très bien qu’il y ait des femmes dans le monde scientifique ! »
Les deux lauréates tchèques de cette année peuvent désormais espérer se retrouver parmi la dizaine de finalistes venues du monde entier et peut-être gagner une dotation de 15 000 euros pour financer leurs recherches.