Banalisation des propos islamophobes dans le débat public tchèque
Les musulmans représentent une infime minorité, même pas un millième, de la population tchèque. Pourtant, les propos xénophobes et plus particulièrement islamophobes apparaissent de plus en plus régulièrement dans le débat public. Basés souvent sur des événements mineurs dont l’essence ne se rapporte même pas à l’aspect religieux, ces propos résonnent à travers les médias d’autant plus qu’une grande partie des Tchèques n’a jamais côtoyé une personne de confession musulmane. Le discours xénophobe invoqué régulièrement par les politiciens s’apparente à une stratégie électoraliste sur des sujets qui d’antan étaient réservés aux partis d’extrême droite. Petr Fiala, le chef du Parti civique démocrate (ODS), ancienne formation gouvernementale, a prouvé, vendredi dernier, que la donne est en train de changer.
Karel Černý souligne que le discours islamophobe tel qu'on le trouve dans le débat public actuel contraste avec l’héritage de la Première République tchécoslovaque et les idéaux de Tomáš Garrigue Masaryk auxquels se réfèrent tous les partis démocratiques contemporains :
« Tomáš Garrigue Masaryk et les hommes politiques qui l’entouraient considéraient dans les années 1920 que Prague devrait avoir sa grande mosquée selon le modèle de la Grande mosquée de Paris ou de Londres, qui dispose d’une mosquée depuis la fin du XIXe siècle. Selon eux, c’était ce qui ferait de la Tchécoslovaquie un pays cosmopolite. »
Selon les travaux à disposition de Karel Černý, deux tiers des Tchèques craignent l’islam, une proportion plus élevée que dans de nombreux pays européens. Pour le sociologue, la situation est paradoxale car elle est tout à fait disproportionnée par rapport à la taille et au degré d’intégration de la communauté musulmane :
« La population musulmane en République tchèque se limite à quelque 10 000 personnes représentant un millième de la population. Parmi eux, les pratiquants ne sont que quelques centaines. Il n’y a pas de problème de ghettoïsation. Les premiers musulmans venus en République tchèque sont des étudiants de l’université, souvent des médecins ou des ingénieurs. Ils sont le cœur de la population musulmane ici. Ils appartiennent à la classe moyenne ou moyenne supérieure, ils ont leur famille ici, paient leurs impôts et ont la citoyenneté tchèque. Bref, ce sont des personnes pleinement intégrées dans la société. »L’islamophobie présente dans le débat public est d’autant plus étonnante qu’elle ne correspond pas à la réalité. L’islam reste méconnu en République tchèque mais son image est largement façonnée par les médias qui amalgament facilement cette religion à la violence et relaient les propos xénophobes de certains politiciens.