« En prison avec maman »
Se retrouver en prison et être mère à la fois n’est pas surprenant, mais purger sa peine en milieu carcéral et s’occuper effectivement de ses enfants, est chose tout à fait différente et très rare au sein de l’Union européenne. La prison pour femmes de Světlá nad Sázavou, située dans la région de Vysočina, fait partie de ces exceptions. Si la prison recense 509 détenues au total, elle compte à l’heure actuelle six mères et leurs six enfants dans son enceinte.
« Ce département récolte beaucoup de succès dans le monde de la prison, parce que le taux de récidive, parmi tous les types de prisons existantes, est des plus bas : actuellement il se situe aux alentours des 5%. A titre de comparaison, le taux de récidive dans les autres prisons pour femmes peut atteindre jusqu’à 60%. L’écart est donc énorme. Les femmes y sont motivées par une volonté de vivre une vie meilleure, grâce au fait qu’elles établissent une relation avec leur enfant. Le moteur de la motivation est l’amour maternel, et c’est précisément ce sujet, qui constitue le thème principal du documentaire. C’est cette idée qui avait attiré mon attention dès le début. »
Mais quels sont donc les critères, pour que les femmes détenues puissent bénéficier de ces dérogations ? Veronika Jonášová précise les conditions requises :
« Ce qui est spécifique c’est que les mamans peuvent rester au sein de ce département seulement jusqu’à ce que leur enfant atteigne 3 ans d’âge. Les mamans doivent donc être condamnées à des peines faibles. En République tchèque, les femmes ne peuvent intégrer cette prison que si leur enfant a déjà fêté 1 an. Les femmes qui ont des enfants de moins d’un an, de même que les femmes enceintes, restent chez elles et ne sont pas incarcérées. Logiquement il en découle, que la durée de la peine à purger doit être de deux ans. Dans la plupart des cas, il s’agit d’infractions moins graves, comme des vols, des fraudes, et ce très souvent en relation avec les drogues. Car souvent, avant même qu’elles ne soient enceintes, ces femmes étaient toxicomanes et obtenaient leur drogue par le biais des vols. »
Le documentaire, dont la réalisation a pris douze mois, est unique dans son genre non seulement en République tchèque, mais aussi en Europe, dans la mesure où personne n’a encore filmé dans cet environnement particulier (mis à part un documentaire russe, mais qui ne rassemblait pas les éléments d’observations à long terme, ndlr). Si les deux réalisatrices ont tout d’abord filmé avec un appareil photo, pour maintenir une certaine intimité, elles ont par la suite utilisé une caméra plus grande, une fois que les détenues avaient pris plus ample connaissance. A la question de savoir si tourner dans une prison ne leur a pas été désagréable, Veronika Jonášová répond :
« J’ai perçu ce tournage de façon extrêmement positive. Souvent la première réaction des gens est assez mauvaise à propos de cela. Ils disent qu’un enfant en prison, derrière les barreaux, c’est horrible. Mais c’est tout le contraire. Les enfants s’y portent très bien, ils sont avec leurs mamans, l’environnement est accueillant, et on ne dirait vraiment pas qu’il s’agit d’une prison. D’ailleurs c’est ce qui a fait notre problème : nous tournions un sujet sur la prison, dans une prison, mais nous n’arrivions pas à introduire des éléments de prison. Notre dramaturge nous disait qu’il fallait trouver quelque chose de ‘carcéral’, car on aurait dit qu’il s’agissait d’un documentaire sur une école maternelle, et non pas sur une prison. L’environnement y est donc très positif et je considère ce projet comme très optimiste. Nous croisons les doigts pour ces mamans, en espérant qu’elles réussiront par la suite. »Le documentaire montre la situation parfois difficile de ces femmes, qui peuvent être séparées de leur enfant par la suite, dans les cas où la peine s’avère plus longue que prévue et que l’enfant ait atteint la limite d’âge des 3 ans. Dans ces cas précis, il revient à la justice de se prononcer et d’autoriser ou pas certaines dérogations. Or, le travail des deux documentaristes ne s’arrête pas là, comme nous l’explique la deuxième réalisatrice, Jarmila Štuková :
« Nous voulons également suivre l’évolution des enfants. On a commencé à tourner en prison, mais on voit également que la relation entre la mère et l’enfant est néanmoins limitée par ce milieu. Nous allons donc suivre la situation de ces femmes, savoir si par hasard elles récidivent –ce que l’on n’espère pas- ou pas. Et nous allons également observer, si cette expérience vécue au sein du milieu carcéral va avoir un impact sur l’évolution de l’enfant. »
Au-delà de ce premier aperçu, les observations relatives à la réinsertion à long terme, que promettent les réalisatrices à travers les témoignages de ces femmes, s’annoncent plus que passionnantes.