Festival du film documentaire de Jihlava : le reflet d’un monde globalisé

La République tchèque n’a pas vraiment à se plaindre quant à la quantité de festivals qui se déroulent chaque année dans le pays. Et bien évidemment, tout ne se passe pas à Prague. La ville de Jihlava, située aux frontières de la Moravie et de la Bohême, en est un exemple, elle qui accueille à partir de ce jeudi le traditionnel Festival international du film documentaire. Radio Prague s’est entretenue avec son directeur, Marek Hovorka, qui a dévoilé une partie du contenu de cette 17e édition.

Sur les 2600 documentaires que l’équipe du festival a reçus, 203 films ont été sélectionnés afin d’être présentés au grand public sur les écrans de la ville de Jihlava. Les membres de cette équipe, qui produisent l’événement depuis douze ans déjà, se donnent pour ambition de préparer un festival toujours original et authentique. Son président, Marek Hovorka, revient sur l’esprit du festival :

« Il s’agit d’un des plus grands festivals du genre en Europe centrale et orientale. Il s’oriente sur les films documentaires d’auteur. Ce sont donc des films qui ont une place bien ancrée dans la cinématographie, et qui posent souvent la question de la frontière entre ce qui est réel et ce qui est joué. Nous nous efforçons donc de choisir des documentaires qui ont un niveau d’esthétique prononcé et qui appartiennent à l’histoire du cinéma, qui prolongent celle-ci tout simplement. Mais en même temps, ce ne sont pas des films qui seraient étouffés par l’égocentrisme de leurs images. Ils réintègrent de façon significative des questions de société, qui nous touchent tous. »

'Le mensonge d’Armstrong',  photo: Site officiel du festival de Jihlava
Les 203 films projetés se répartissent en vingt-deux sections, dont quatre sections de compétition. Citons notamment, la section Česká radost (« Plaisir tchèque »), qui présente plus spécialement des documentaires tchèques, ou la section « US today », dans laquelle figure, entre autres, le documentaire « Le mensonge d’Armstrong » du réalisateur Alex Gibney, lequel a suivi pendant ces quatre dernières années le très controversé cycliste américain Lance Armstrong. Une autre section est consacrée à une rétrospective de films iraniens du début des années 1960 jusqu’à nos jours. Marek Hovorka nous en dit également plus sur une section spéciale intitulée la « Journée de l’héritage audiovisuel »:

Marek Hovorka,  photo: MFDF Jihlava
« Le 27 octobre a été désigné par l’Unesco comme la Journée mondiale de l’héritage audiovisuel. Et cette année, nous rendons hommage à la toute première réalisatrice, la Française Alice Guy, qui a fait plus de 700 films. Ils ne sont pas très connus du grand public, mais il s’agit de courts métrages remarquables. Nous allons donc en faire une rétrospective qui mérite l’attention. »

'La Fée aux choux',  photo: Site officiel du festival de Jihlava
Alice Guy a réalisé son premier court métrage, La Fée aux choux, en 1896. Si les œuvres de cette femme précurseur du cinéma sont bien évidemment muettes, la plupart des autres films sont sous-titrés en anglais ou en tchèque. Ainsi 80% de la programmation est accessible au public international. Et ce d’autant plus que les débats suivant les projections sont également traduits simultanément. Le grand invité de cette édition est l’activiste politique britannique d’origine pakistanaise, Moazzam Begg. Présenté comme le poète de Guantanamo, Begg a passé un an dans une prison de Kaboul et trois autres dans celle de Guantanamo. A sa libération, Moazzam Begg fonde l’organisation Cageprisoners afin de défendre les droits des prisonniers. Marek Hovorka nous révèle ce choix d’un invité controversé qui interviendra dans le cadre d’un forum de discussions :

Moazzam Begg,  photo: JK the Unvise,  CC BY-SA 3.0 Unported
« Une délimitation dramaturgique du festival est de faire rencontrer le grand public et les cinéastes avec des personnes qui n’ont rien à voir avec le monde du cinéma. Nous interconnectons les mondes de différents domaines. Et lorsque le commissaire du festival, Filip Remunda, a eu l’idée d’inviter Moazzam Begg, nous n’avons pas hésité une seconde. Car la personne de Begg comporte en elle-même de nombreux aspects de notre société actuelle. La moitié des informations que nous entendons à la télévision ou que nous lisons dans les journaux, reflètent, dans une certaine mesure, sa propre vie. Il est ainsi très intéressant de parler avec des personnes qui perçoivent le monde d’une autre façon que nous. Cela permet de mieux comprendre leur perception du monde. »

Avec pour mot d’ordre « Une bonne récolte », le festival, qui se tient jusqu’au mardi 29 octobre, veut montrer que les événements de ce type sont comme des jardiniers. Ils prennent soin de la cinématographie en favorisant la rencontre entre un public profane et les professionnels du cinéma, en faisant découvrir et en soutenant la réalisation de nouveaux projets de films.