Ji.hlava : un festival à la programmation « audacieuse, à la limite de l’expérimental » pour la réalisatrice de documentaires primée Fanie Pelletier
Réalisatrice québécoise présente au 26e festival international du film documentaire à Jihlava, Fanie Pelletier y a obtenu le prix du meilleur début pour son long métrage « Jouvencelles ». Au micro de Radio Prague International, elle a parlé de ce festival qu’elle apprécie pour sa programmation et pour la chance qu’il offre aux jeunes réalisateurs. Mais tout d’abord, elle est revenue sur le thème de son film choral qui offre une plongée dans la vie intime d’adolescentes québécoises – et du monde entier.
« C’est mon premier long métrage. Il s’agit d’un documentaire qui traite de l’adolescence féminine à l’ère numérique. J’y suis trois groupes d’adolescentes dans leurs vies de tous les jours. J’utilise également des vidéos en direct, qui se trouvent sur des applications de live stream. Ce sont des vidéos en direct de jeunes filles à travers le monde. Il s’agit donc d’un film choral, qui s’intéresse autant au vécu des adolescentes québécoises suivies qu’au niveau international, partout dans le monde. C’est une réalité homogène, partout sur Internet et les réseaux sociaux. J’explore et je vais au-delà des préjugés que l’on peut avoir à propos des réseaux sociaux, de l’habitude qu’ont les ados à être sur leurs téléphones, etc. J’entre plus dans leur psyché, leur vécu.
Un documentaire choral pour une réalité homogène
Comment a réagi le public de Ji.hlava à cette projection, qui était d’ailleurs la première ?
« Oui, c’était la première mondiale. Pour être honnête, j’étais vraiment stressée de voir leur réaction ! La salle était comble ; c’était vraiment génial. Par contre, j’y ai vu des jeunes filles de 10-11 ans avec leurs parents ; je ne suis pas sûre que cela soit adéquat, car plus on avance dans le film, plus on aborde des sujets sensibles. Mais cela s’est super bien passé, et la séance de questions-réponses qui a suivi a été super. Les gens ont posé de super questions ; ils étaient étonnés d’où j’ai pu aller dans l’intimité de ces jeunes filles-là. Il y a aussi eu beaucoup de réactions aux vidéos en direct ; les gens ont beaucoup ri et interagi… Parce qu’il s’agit d’un phénomène extrêmement populaire pour les adolescentes – et les adolescents en général – mais pour les adultes, en général, c’est un monde vraiment à part. On sait à peine que ça existe… »
Un film sans frontières
Dans les semaines à venir, votre film va être projeté à d’autres festivals en Amérique du Nord. Pensez-vous que la réaction du public y sera différente ? Ou pensez-vous au contraire qu’il s’agit d’un thème universel, une adolescence qui est partout la même, à l’ère numérique ?
« Je pense que c’est universel, car nous avons tous été adolescents et nous pouvons tous nous identifier à ces personnages. Et j’ai l’impression que cette génération en particulier n’a pas de territoire – à cause d’Internet. Ces adolescentes sont toutes sur TikTok et Instagram, elles baignent dans ce milieu qu’elles connaissent parfaitement et qui utilise un même langage. Peut-être qu’au Québec, les personnages principaux vont un peu plus dans l’intime, mais pas tant que ça. Je pense que les jeunes filles vivent vraiment la même chose partout dans le monde. C’est donc un film qui n’a pas de frontières géographiques, vraiment. »
Ji.hlava : un festival qui donne une chance aux réalisateurs peu connus
Etait-il important pour vous d’être présente en personne à cette première projection ?
« Oui, car cela fait longtemps que je suis la programmation de Ji.hlava, et j’aime beaucoup ce festival. Je trouve qu’ils sont audacieux et que la compétition comprend beaucoup de premiers longs métrages. Ils donnent ainsi leur chance à des jeunes cinéastes peu connus. Cette année, la programmation comprenait même un film financé entièrement sur [le site de financement participatif] Kickstarter. J’admire énormément le festival pour offrir un accès à ces films-là, une visibilité. La programmation est très audacieuse, à la limite de l’expérimental ; j’aime beaucoup les films qu’ils programment. »
« Et en plus, c’était la première mondiale [de mon film]. Ils ont été vraiment super ; ils prennent vraiment soin des cinéastes. La question ne se posait donc pas : il fallait que je vienne sur place présenter mon film. »
Pouvez-vous nous recommander des films que vous avez vus pendant le festival ?
« J’ai vu ‘Everything Will Be OK’ du cinéaste franco-cambodgien Rithy Pahn. C’est une fable de marionnettes dans laquelle les animaux dominent le monde. J’ai adoré son univers éclaté et la proposition esthétique. J’ai également vu le court-métrage de la Belge Lize Cuveele, ‘Blue Bed’, qui a d’ailleurs remporté la catégorie Short Joy, et qui présente une relation amoureuse intime. J’ai vraiment adoré, et je pense que la salle aussi a beaucoup aimé. J’ai également vu d’autres films intéressants chacun à leur manière, mais ceux-là sont mes deux coups de cœur. »