Vladimír Špidla : « La République tchèque doit améliorer sa stratégie européenne »
Une conférence intitulée « Comment aborder les projets de l’approfondissement d’intégration européenne ? » s’est tenue vendredi dernier à Prague, organisée par l’association de Friedrich Ebert et le club Orange (un think tank social-démocrate). L’occasion pour trois conférenciers d’expliquer au micro de Radio Prague leur manière d’envisager l’avenir de l’Europe. Après l’interview avec l’analyste et chercheur Aleš Chmelař portant sur la zone euro, nous vous proposons de découvrir une vision plus politique de la construction européenne, celle de Vladimír Špidla.
Historien de formation, Vladimír Špidla ne manque jamais l’occasion de rappeler que l’Union européenne s’est construite sur les ruines de l’Europe en tant que continent. Selon lui, cependant, le contexte a tellement évolué depuis qu’il convient désormais de passer à l’étape suivante de cette construction :
« L’Europe a été créée après la Deuxième Guerre mondiale, qui a marqué une destruction totale. La crise financière a montré qu’il manque bien des choses à notre construction européenne pour qu’elle fonctionne à l’avenir. A mon sens, la disparition de l’Union soviétique a joué un rôle crucial, puisque toute l’intégration européenne a compté avec l’existence de ce bloc. L’élargissement a créé un nouvel espace au niveau conceptuel et j’estime que nous n’avons toujours pas bien digéré ces grands changements. »
Pour certains, les objectifs de l’intégration européenne auraient déjà été atteints, parce qu’une nouvelle guerre entre la France et l’Allemagne serait devenue impensable. La construction européenne aurait donc perdu de son sens. Vladimír Špidla refuse cette vision des choses : tant que le monde existera, il restera encore et toujours de nombreux défis pour les Etats du contient, à commencer, par exemple, par la situation conflictuelle en Afrique du Nord ou les questions environnementales. Et ces défis, il convient de les relever ensemble dans un monde où les Etats post-souverains ne peuvent plus décider de leur propre sort sans s’accommoder des pressions externes, comme par exemple dans la politique commerciale. Vladimír Špidla développe le fond de sa pensée :« Les Etats pleinement souverains aujourd’hui sont par exemple les Etats-Unis ou la Chine, parce que leur dynamique interne est la plus importante pour ce qui est de leur développement et de leur mission civilisatrice. Inversement, la République tchèque mais aussi la France sont des pays dont la capacité à décider de leur propre destin est limitée par leur taille, leur puissance, etc. »
On s’interroge souvent sur la vision tchèque de l’intégration européenne sans aussitôt dénoncer ses manquements. Pour Vladimír Špidla, la principale difficulté réside dans l’élaboration même de la conception européenne du pays :
« Chez nous, en République tchèque, il existe un vrai problème pour trouver une solution commune à des questions stratégiques. Le niveau de la discussion stratégique est assez faible. Selon moi, il faut dépasser la logique selon laquelle on prépare une stratégie géniale dans certains bureaux avant de la vendre au public. Je pense qu’il faut changer cette conception-là des choses et travailler en comparant les différentes alternatives pour en faire une synthèse. Tout le contraire donc de ce qui se fait maintenant, c’est-à-dire commencer par une synthèse pour l’imposer à tout le monde. »Le troisième entretien réalisé lors de cette conférence sur l’avenir de l’intégration européenne vous sera présenté prochainement. La parole sera donnée à Jan Kudrna, spécialiste du droit constitutionnel à la Faculté de droit de l’Université Charles.