Retrouvée au couvent de Broumov, la copie du suaire de Turin est classée monument historique

Le couvent de Broumov, photo: Archives de Radio Praga

La liste des monuments historiques de la République tchèque s'enrichit de la copie du Saint-Suaire de Turin : un drap en lin médiéval qui porte l'empreinte d'une silhouette présentant les traces de blessures correspondant à un crucifiement. La copie de l'objet considéré comme une icône par l'Eglise catholique et vénéré comme une relique, est datée de 1651. Retrouvée en 1999 au couvent de Broumov, elle est l'unique copie du Saint-Suaire de Turin au nord des Alpes.

Le couvent de Broumov,  photo: Archives de Radio Praga
En 1213, le roi de Bohême, Přemysl Otakar Ier, a offert la région de Broumov en Bohême orientale à l'ordre des Bénédictins de Prague-Strahov qui y ont construit un couvent avec l'église dédiée à saint Adalbert. La chapelle Sainte-Croix de cette église est ornée des statues de Joseph d'Arimathie et Nicodème lesquels ont recueilli le corps de Jésus, l'ont enveloppé d'un suaire et déposé dans un tombeau. C'est entre ces deux statues, cachée derrière une décoration en stuc, que la copie du linceul de Turin a été découverte. Le vicaire du couvent de Broumov, Josef Norbert Zeman, est l'un des deux hommes qui ont dévoilé le secret de la chapelle :

« A l'intérieur de la chapelle Sainte-Croix, l'un des murs est orné de décoration en stuc en forme de couronne. L'inscription Sancta Sindon nous signalait que quelque chose ayant trait au Saint-Suaire de Turin pourrait s'y cacher. En janvier 1999, nous sommes descendus dans la chapelle pour sortir le trésor mystérieux de sa cachette. C'était une boîte en bois avec un couvercle vitré. Après l'avoir ouvert, une lettre d'accompagnement datée du 4 mai 1651 et signée à Turin nous disait que l'objet reposant pendant près de 350 ans à son fond était une copie du suaire de Turin. »

Le couvent de Broumov,  photo: Archives de Radio Praga
Comment la copie du Saint-Suaire de Turin est-elle parvenue à Broumov, en Bohême orientale ? La lettre retrouvée dans le reliquaire indique que l'archevêque de Turin, Julius Caesar Bergiria, l'a offerte en 1651 à Matouš Ferdinand Sobek de Bilenberk, à l'époque abbé bénédictin à Broumov où il est enterré. Il y est écrit que lors d'une cérémonie solennelle organisée le 4 mai 1651, la copie a été touchée par le Saint-Suaire de Turin ce qui est interprété comme un signe de sainteté, raconte l'historien Jaroslav Šebek :

« La copie a été créé pour permettre aux croyants de vénérer le suaire de Turin hors de cette ville. On peut dire que la copie de Broumov est l'une des plus réussies parmi la quarantaine de copies actuellement connues dans le monde. »

La copie du Saint-Suaire de Turin de Broumov | Photo: Le couvent de Broumov
Créée en 1651 et retrouvée il y a 14 ans, la copie de Broumov est une étoffe blanchâtre qui fait apparaître le corps entier de face et de dos d'un homme torturé. Les dimensions de la copie sont pratiquement identiques à celles de l'original du Saint-Suaire dans lequel aurait été enveloppé le corps de Christ crucifié, selon le mode de sépulture en usage chez les Juifs : 4,36 mètres de long sur 1,13 mètre de large. Au milieu de la copie, il y a l'inscription Extractum ab Originali. L'homme du suaire porte une barbe et des cheveux au milieu des épaules. Sa taille varie entre 170 et 180 centimètres. Flagellé, couronné d'épines, cloué sur une croix, l'image reproduit toute la passion du Christ telle que les évangélistes la décrivent, observe l'historien Jaroslav Šebek :

« Le pape, Jean-Paul II, disait que le suaire était comme un miroir de l'Evangile, car les traces hématiques des tortures subies par le Christ sont clairement visibles sur le tissu, y compris les traces de sa crucifixion. »

La copie du Saint-Suaire de Turin de Broumov,  photo: Le couvent de Broumov | Photo: Le couvent de Broumov
La copie de Broumov est l'unique copie connue au nord des Alpes. Exposée au réfectoire du couvent, elle attire l'intérêt des croyants et des touristes de République tchèque et de Pologne voisine. D'autant que l'énigme du Saint-Suaire de Turin persiste. Les premiers doutes viennent de l'absence de repères formels pour identifier le parcours de la relique, entre la mort de Jésus et l'année 1355 où l'on trouve, pour la première fois seulement, la trace de cette pièce de lin à Lirey, en France. De Jérusalem où il a vu le jour, le suaire aurait été transféré à Edesse (en Turquie actuelle), puis à Constantinople. En 1453, la relique échoue entre les mains des ducs de Savoie qui l'offrent en 1578 à la cathédrale Saint-Jean-Baptiste de Turin.

Depuis le début du XXe siècle, le drap ne cesse d'être un objet de recherches. Suaire authentique du Christ crucifié ou fausse relique du Moyen-Age ? En 1988, les savants ont utilisé une méthode qui devait définitivement résoudre la question de l'authenticité du suaire. Il s’agit de la méthode appelée datation au carbone 14 qui a conclu à une origine médiévale du suaire, explique Ivo Světlík, de l'Institut de physique nucléaire de l'Académie des sciences :

Le suaire de Turin
« L'âge du matériel de base du lin ayant servi à tisser la pièce de Turin a été fixé, avec un taux d'exactitude de 95 %, entre les années 1282 et 1384. »

Le suaire de Turin ne cesse ainsi d'être l'artefact le plus étudié de l'histoire. Une analyse des pollens trouvés sur le tissu indique qu'ils proviendraient du Moyen-Orient, plus précisément d'Israël. D'autres recherches fondent leur argumentation sur la présence d'une pièce de monnaie provenant de l'époque du Ponce Pilat, autour de l'an 30 de notre ère.

L'Eglise catholique, propriétaire du linceul, ne s'est jamais prononcée officiellement sur son authenticité, considérant que le suaire n'ajoute rien à la foi chrétienne et ne constitue en aucune façon une preuve de la Résurrection. Même si le faux médiéval est devenu la thèse officielle depuis la datation au carbone 14, l'énigme est loin d'être totalement éclaircie. La nature et le processus de formation de l'image sur le Saint-Suaire restent inexpliqués.

La bibliothèque du couvent de Broumov,  photo: Archives de Radio Prague
L'église Saint-Adalbert qui domine le complexe du couvent bénédictin de Broumov est riche en événements, en légendes et aussi en trésors. Hormis la précieuse copie du Saint-Suaire de Turin, on y a retrouvé une croix comprenant des reliques de martyrs chrétiens. Les murs de l'église cachent encore un autre secret : plus de 30 momies de moines bénédictins.

Codex Gigas,  photo: Kungl. biblioteket,  CC BY
La bibliothèque du couvent de Broumov est un des lieux ayant conservé le fameux Codex Gigas. Considéré comme le manuscrit médiéval le plus volumineux – il pèse 75 kilos, le Codex Gigas a été rédigé au XIIIe siècle par des moines bénédictins du monastère de Podlažice en Bohême orientale. Il est également connu sous le nom de Bible du diable en référence à l'enluminure du diable. Selon la légende, la bible a été faite à la main par un seul moine qui a promis de terminer le travail en une seule nuit, mais lorsqu'il a vu qu'il ne réussirait pas, il a sollicité l'aide du diable. Par reconnaissance, il a glissé un portrait du diable dans le manuscrit, d'où son surnom. De 1477 à 1593, le Codex Gigas a été conservé à la bibliothèque du monastère de Broumov, avant d'être emporté à Prague - Strahov. A la fin de la Guerre de Trente Ans, les troupes suédoises ayant occupé Prague l'ont ramené en Suède comme butin de guerre.

La copie du Saint-Suaire de Turin de Broumov
Le monastère de Broumov a connu un destin mouvementé encore au XXe siècle. La communauté allemande a été chassée en 1946 de la région limitrophe de Broumov. Dès 1950, Broumov est devenu le lieu d'internement pour les religieux de différents ordres. A l'heure actuelle, il attire quelques 30 000 pèlerins qui viennent chaque année admirer la copie du Saint-Suaire de Turin.