L'histoire et le présent de l'abbaye de Broumov
Aujourd'hui je voudrais vous inviter dans la ville de Broumov où se trouve l'une des plus anciennes abbayes bénédictines de Bohême. Votre guide sera Premysl Sochor, assistant de l'administration de l'abbaye.
« Il y a 790 ans, le roi de Bohême, Premysl Otakar 1er, a offert, en 1213, la région de Broumov, en Bohême de l'est, à l'ordre des bénédictins de Prague-Brevnov. Après 1300, ces derniers y ont construit, sur l'emplacement de l'ancien château fort, une abbaye bénédictine avec l'église gothique consacrée à saint Adalbert. Au cours des guerres hussites, l'abbaye de Broumov a connu un grand essor. En 1420, l'abbaye de Brevnov a été brûlée et plusieurs moines assassinés et chassés de leur abbaye. Ainsi, le centre des bénédictins a été déplacé à l'abbaye de Broumov. La fin du XVIe siècle est marquée par le déclin de la vie religieuse ayant ses origines dans le mouvement réformateur. Au début du XVIIIe siècle, l'église gothique est remaniée dans le style baroque. Les travaux sont confiés à l'architecte italien Martin Allia de Löwenthal et à Kilian Ignac Dientzenhofer, architecte tchèque de renom mondial. L'enseignement confessionnel, lui aussi, constitue un chapitre important de l'histoire de l'abbaye de Broumov. L'école de l'abbaye bénédictine a été réputée bien avant le déclenchement des guerres hussites. Parmi les personnalités historiques, qui y avaient fait leurs études, mentionnons l'archevêque de Prague Arnost de Pardubice (XIVe siècle), Bohuslav Balbin (XVIIe siècle), l'historien jésuite et auteur de romans historiques, l'écrivain Alois Jirasek ou Alois Rasin, ministre des Finances de la première République tchécoslovaque. Le lycée de l'abbaye a été fermé par les nazis, en 1939. Après la guerre, la communauté allemande a été chassée de Broumov et elle s'est installée au monastère augustin de Rohr en Bavière. En 1946, on a invité à Broumov les bénédictins américains d'origine tchèque de l'abbaye Saint-Procope de Lisle, non loin de Chicago. Ces derniers ne sont pas restés longtemps. Après le putsch communiste, en février 1948, ils étaient contraints de quitter le pays. Depuis 1950, commencement de la période de terreur d'Etat dirigé par le parti communiste, l'abbaye s'est transformée en un camp de concentration pour les religieux et plus tard pour les religieuses de différents ordres. Les soeurs internées y vivaient dans des conditions inhumaines, jusque dans les années soixante qui ont apporté un certain soulagement. Les soeurs travaillaient dans des hôpitaux et avaient la charge de la confection des hosties pour toutes les paroisses de Bohême et de Moravie. En 1990, les soeurs ont quitté Broumov pour s'installer dans des abbayes moraves. De nos jours, l'abbaye de Brevnov n'est occupée par aucune communauté religieuse. Les bénédictins sont en effet très peu nombreux en République tchèque, une vingtaine. Leur centre est à Prague- Brevnov. »
On est le 18 janvier 1999. Le vicaire du couvent de Broumov, Norbert Josef Zeman, a fini sa prière, après le repas, et a souri au jeune homme assis à sa gauche. A l'époque Premysl Sochor faisait son service civil à l'abbaye.« Depuis octobre dernier, j'ai insisté pour étudier le secret de la chapelle de l'église, dont la décoration en stuc porte l'inscription Sancta sindon - le saint suaire. Un jour, le vicaire et moi sommes descendus dans la chapelle pour découvrir une étoffe blanchâtre portant l'empreinte d'une silhouette imprécise d'un homme. Nous avons réussi à sortir le trésor mystérieux de sa cachette, décrit Premysl Sochor les dernières minutes avant l'ouverture du reliquaire. C'était une vulgaire boîte en bois, couverte de poussière, avec un couvercle vitré. Elle abritait une bande de toile blanche de 4,36 à 1,10 mètres. La boîte dissimulait aussi une lettre d'accompagnement de l'archevêque de Turin, Julius Caesar Bergiria, datée du 8 mai 1651. Ce document confirme que l'image sur la toile est une copie de la vraie toile de Turin, considérée, elle aussi, comme sainte, car elle fut appliquée sur l'original. L'archevêque de Turin offrit la copie du saint suaire de Turin à Matous Ferdinand de Bilenberk, abbé du couvent des bénédictins de Broumov, à l'époque. Ainsi, le linceul du Christ reposait dans sa cachette pendant 350 ans et personne ne savait rien de son existence. Au premier regard, la relique vieille de 350 ans ne se présente que comme une étoffe blanche. Mais quand on la regarde un peu plus longuement, on commence à discerner la silhouette d'un homme avec les mains croisées sur le thorax. Entre les parties antérieure et postérieure de l'empreinte on peut lire clairement l'écriture: "extractum ab originali" - extrait de l'original. »
Le saint suaire de Turin est la relique sacrée la plus controversée, mais aussi la mieux examinée. Une légende veut que la dépouille mortelle de Jésus-Christ ait été enseveli dans ce linceul. Celui-ci contient une empreinte de l'homme crucifié dont les blessures correspondent aux plaies sur le corps de Jésus-Christ comme l'indique l'Evangile. De par le monde, il n'y a que quarante copies, celle de Broumov étant l'unique copie découverte en Europe centrale, au nord des Alpes.Nous descendons dans les espaces souterrains de l'abbaye de Broumov qui abritent une curiosité inédite.
« Au total trente-quatre momies datant de la fin du XVIIe siècle ont trouvé un « nouveau domicile» dans l'abbaye de Broumov. Elles devaient quitter leur tombeau initial, dans la crypte de l'église Saint-Procope de Vamberk, menacée par les eaux de la canalisation. Parmi les corps momifiés gisant dans les cercueils ouverts, il y a, par exemple, la dentellière aux fuseaux, Magdalena Gramb, à laquelle la ville de Vamberk doit sa réputation de centre de la dentelle tchèque. Les momies sont en très bon état et les visiteurs de l'abbaye de Broumov peuvent les voir dans ses espaces souterrains. »