Amnistie : un groupe de sénateurs dépose une plainte contre Václav Klaus pour haute trahison
La commission d’organisation du Sénat a recommandé, mercredi, aux sénateurs d’approuver la plainte contre le président de la République sortant Václav Klaus pour haute trahison auprès de la Cour constitutionnelle. Cette plainte, déposée par un groupe de 28 sénateurs de l’opposition social-démocrate (ČSSD), vise la généreuse amnistie du chef de l’Etat annoncée lors de son discours de Nouvel an.
« Nous partons du principe que Václav Klaus a agi à l’encontre de l’ordre démocratique de notre République. Il ne s’agit finalement pas seulement de l’amnistie, qui n’a été qu’un signal pour lancer ce processus de plainte. Néanmoins, il s’agit en fait de toutes les autres démarches qu’il a faites dans le passé. Nous pensons que cela porte atteinte à notre République et à notre culture politique. »
L’amnistie présidentielle déclarée par le président tchèque sortant a été fortement critiquée par les médias et une large partie de la classe politique. Cette amnistie a vu la libération de plus de 7 000 prisonniers et l’arrêt de procédures judiciaires longues de plus de huit ans, certaines ayant trait à des affaires de corruption notoires. Si les critiques ont fusé de tous les côtés de l’échiquier politique, la plainte pour haute trahison n’est toutefois pas considérée comme légitime par le parti de droite ODS, dont le chef de file et premier ministre Petr Nečas. Celui-ci, qui a contresigné la décision présidentielle, parle même de « honte ». Jiří Pospíšil, vice-président de la Chambre des Députés (ODS), est du même avis :
« La définition même de la haute trahison, que l’on trouve dans la constitution, implique un fait exceptionnel. Ce doit être lié à une démarche exceptionnelle et illégale du président allant à l’encontre de la souveraineté et l’indépendance d’un Etat. Par exemple, si Vaclav Klaus se mettait d’accord avec un autre pays sur l’annexion du nôtre. Cela pourrait être légitime aussi dans le cas d’une dissolution arbitraire du Parlement, du renversement du gouvernement ou s’il préparait un putsch militaire, auquel cas il menacerait la démocratie dans le pays. Bien que je sois moi aussi contre cette amnistie, elle a été déclarée dans le cadre du droit constitutionnel du président. C’était une décision malheureuse mais pas anticonstitutionnelle. »De son côté le principal intéressé dont le mandat s’achève le 7 mars prochain, a comme à son habitude qualifié toute l’affaire de « petits jeux politiques » :
« Il est triste de voir que certaines personnes de l’opposition utilisent la menace de la Cour constitutionnelle afin de régler leur désaccord politique. Cela n’a absolument rien à voir. »Mais pour le doyen de la faculté de droit de l’Université Charles de Prague, Aleš Gerloch, la plainte à la plus haute instance judiciaire du pays n’aurait guère de chance d’être retenue :
« Je ne pense pas que cela puisse marcher et ce pour deux raisons. D’abord, parce qu’avec la fin de son mandat le 7 mars, disparaîtra également la possibilité de lancer des poursuites. Il ne peut y avoir de rétroactivité. Ensuite, à partir du 8 mars, il y aura une nouveauté : le président pourra être poursuivi pour violation patente de la constitution. La démarche du président Klaus peut certes remplir certaines conditions, mais la Cour constitutionnelle devrait dans ce cas examiner si cette violation est si importante qu’elle correspond à une haute trahison. »Lundi le Sénat décidera si la plainte des sénateurs sera envoyée ou non à la Cour constitutionnelle.