Le clergé tchèque loue le courage du pape Benoît XVI
La décision du pape de renoncer à son poste a provoqué une vive réaction dans les milieux ecclésiastiques tchèques et a été largement commentée par les médias. Le geste du Saint-Père, qui abdiquera le 28 février prochain, semble aussi résonner dans d’autres couches de la société, bien que les Tchèques soient un des peuples les plus sécularisés d’Europe.
« C’est une décision admirable qui n’a pas été prise pendant des siècles. Pour moi c’est l’expression de sa générosité et de son humilité. Il est lucide quant aux forces qui lui restent à son âge. Tandis que son esprit est toujours clair, ses capacités physiques diminuent. Il a eu donc le courage de prendre cette décision. »
D’autres hommes d’Eglise interrogés par les médias, comme le prêtre et théologien Tomáš Halík, cherchent à résumer le pontificat de Benoît XVI :
« Ce pape entrera dans l’histoire bimillénaire de l’Eglise catholique surtout en tant que penseur, en tant que pape théologien, parce que c’est un des plus importants intellectuels catholiques européens du XXe siècle. La portée de son œuvre théologique est donc grande. Dans son rôle pontifical, il a renoué par beaucoup d’aspects avec l’oeuvre de son prédécesseur Jean-Paul II, bien que le caractère de sa personnalité soit bien différent. Tandis que Jean-Paul II était sportif et extraverti, Benoît XVI est un intellectuel typique, une personnalité du monde académique. »Et Tomáš Halík de souligner que Benoît XVI a notamment poursuivi le dialogue entre les religions entamé déjà par Jean-Paul II. Cet avis est partagé aussi par l’archevêque Jan Graubner qui rappelle que ce pape considéré comme conservateur a fait preuve d’une grande ouverture d’esprit et a relancé le dialogue avec les juifs et même avec les musulmans :
« Les juifs manifestent aujourd’hui un grand respect à ce pape. Quant aux musulmans, il est vrai qu’il les a d’abord scandalisés par une citation utilisée lors d’une conférence à Regenz, mais à la suite de cet incident il a initié des conférences de théologiens renommés avec des représentants du culte musulman, ce qui a ouvert un dialogue entre les deux religions. Je pense qu’il a su profiter même des choses qui auraient pu sembler au premier abord erronées ou ratées pour lancer des initiatives qui seront sans doute considérées comme positives dans l’avenir. » Cependant, selon Tomáš Halík, le pape se trouve à la tête du grand appareil administratif de la Curie romaine qui n’arrive pas toujours à estimer la pertinence des informations reçues et où certaines décisions erronées ont été prises au cours des dernières années. Le théologien rappelle dans ce contexte le sacre de l’évêque Richard Williamson ayant scandalisé le monde par ses propos antisémites ou la destitution controversée de l’archevêque de Trnava Róbert Bezák qui a affligé de nombreux fidèles en Slovaquie. Il estime que le pape voit ces insuffisances et se rend compte qu’il faut maintenant quelqu’un de plus jeune et de plus sain que lui pour y remédier. Selon le cardinal Miloslav Vlk, le pape a bien choisi le moment pour son départ :« Le pape ne devrait pas abdiquer au moment de la crise. C’est pourquoi Benoît XVI n’est pas parti il y a un an ou il y a quelques années où la crise était à son comble à cause des affaires de pédophilie. Il n’abandonne donc pas son Eglise dans une situation grave car les esprits se sont calmés et on est en train de régler certaines de ces affaires. »
Interrogés sur les candidats à la succession du pape, les représentants du clergé tchèques donnent des réponses plutôt évasives. Ils désirent évidement éviter les spéculations et ne pas se tromper. L’Eglise catholique tchèque aura un seul représentant parmi les cardinaux qui se réuniront dans la Chapelle Sixtine pour élire le nouveau Souverain pontife. C’est le cardinal et archevêque de Prague Dominik Duka qui participera au conclave en mars prochain. Il cache évidement le nom de son candidat au plus haut poste dans la hiérarchie catholique mais n’exclue pas que le Siège de saint Pierre pourrait être confié à un cardinal non européen. « Au cours du dernier demi-siècle l’Eglise catholique a cessé d’être une Eglise typiquement européenne, » constate-il.