Bohuslav Reynek connu et inconnu

Bohuslav Reynek, photo: ČT
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Dans la culture tchèque du XXe siècle il est peu de personnalités aussi attachantes et aussi secrètes que le poète, graveur et traducteur Bohuslav Reynek. Le 12 novembre dernier, la section française de Radio Prague en coopération avec l’Institut français de Prague a consacré une soirée littéraire à cet artiste qui a vécu pendant la majeure partie de sa vie dans une ferme isolée du Plateau tchéco-morave et qui a créé, malgré l’hostilité des autorités de l’époque et les coups de sort, une œuvre qui, plus de quarante ans après sa mort, ne cesse d’étonner et d’intriguer. Nous avons rassemblé des documents sur les facettes connues et moins connues de la personnalité de Bohuslav Reynek, avons invité des témoins de sa vie et connaisseurs de son œuvre, avons présenté ses vers et aussi plusieurs de ses poèmes mis en musique.

Foto: Pierre Meignan
C’est notre collègue Magdalena Hrozínková qui est l’auteur du projet et qui a présenté la soirée Reynek à l’Institut français de Prague. Voici ce qu’elle dit à propos du projet :

« Pourquoi avoir organisé cette soirée littéraire et musicale autour de Bohuslav Reynek ? D’abord, pour faire un peu la promotion de Radio Prague auprès du public francophone dans la capitale, comme l’avait souhaité le directeur de notre radio… Si nous avons choisi de parler de Reynek, de son œuvre poétique et graphique, mais aussi de sa vie, de Petrkov, où sa famille vit depuis le XXe siècle, c’était parce que c’est un sujet très franco-tchèque. En plus, il y a de quoi parler chez Reynek et chez sa femme, Suzanne Renaud, chez leurs deux fils, chez leurs petits enfants… Evidemment, c’est Bohuslav Reynek qui était au centre de notre intérêt.

Bohuslav Reynek,  photo: ČT
Trois invités de cette soirée ont parlé de lui : Lenka Frouliková, professeur de tchèque à l’Université de Nancy qui a traduit douze poèmes de Reynek en français – poèmes que nous avons pu entendre au cours de la soirée… Nous avons également invité Jiří Šerých, un très grand spécialiste de l’œuvre graphique de Bohuslav Reynek – c’est quelqu’un qui a connu personnellement l’artiste et sa femme Suzanne Renaud… Enfin, la petite-fille de Bohuslav Reynek, Veronika Reynková qui a fondé une maison d’édition à Havlíčkův Brod, elle a évoqué l’histoire plus récente de sa famille depuis l’époque les années 1970 jusqu’à aujourd’hui. N’oublions pas la musique… le musicien et journaliste Karel Vepřek a interprété ses très belles adaptations musicales des poèmes de Bohuslav Reynek. »

Magdalena Hrozínková,  photo: Kristýna Maková
Comme Magdalena Hrozínková vient de le dire, parmi les invités de la soirée il y avait aussi Lenka Froulíková, professeur de tchèque en France et traductrice de poésies de Bohuslav Reynek. A l’issue de la soirée Lenka Froulíková a expliqué au micro de Radio Prague pourquoi elle s’était lancée dans la traduction de cette poésie :

« C’est grâce à mon travail à l’université Stendhal à Grenoble où je suis venue en 1997 et j’ai commencé à collaborer avec l’association Romarin – Les Amis de Suzanne Renaud et de Bohuslav Reynek. Ils m’ont encouragée à traduire des poèmes de Reynek parce qu’il existait très peu de traductions d’œuvres de ce poète en français. Bohuslav Reynek a écrit lui-même certains poèmes en français. Ensuite il y a des traductions de son fils Jiří Reynek, du poète Petr Král, du spécialiste français de la littérature tchèque Xavier Galmiche et quelques poèmes ont été traduits aussi par Frère Elie de l’abbaye de Sept-Fons. Mais au fait, il y a vraiment très peu de traductions. J’ai traduit une douzaine de poèmes de Bohuslav Reynek aussi pour mes étudiants parce que j’enseigne la langue et la littérature tchèque et je voulais que les gens comprennent vraiment bien la poésie de Bohuslav Reynek et la traduction le permet. »

Est-ce très difficile de traduire une telle poésie. Quels sont les pièges de ce genre de traduction ?

Lenka Froulíková,  photo: MZV ČR
« C’est difficile parce que la poésie de Bohuslav Reynek est assez délicate. Puis il y a beaucoup d’images poétiques qui sont très fortes souvent sans liaison apparente. Il y a des cascades d’images poétiques. La poésie de Bohuslav Reynek est tellement belle que je pense que tout traducteur se pose la question de savoir s’il est à la hauteur de traduire une telle poésie. Et puis il faut voir aussi les différences entre les langues tchèque et française. Ce qui est important pour la poésie c’est l’accent syllabique. En français, l’accent est toujours sur la dernière syllabe, en tchèque l’accent est presque toujours sur la première syllabe. Il faut également respecter l’unité du vers, il faut respecter les rimes, les assonances, les césures. Il est donc difficile de faire une traduction où le contenu et la forme formeraient vraiment une unité. »

Où le lecteur français peut-il trouver cette poésie. Y a-t-il des livres, des recueils de cette poésie déjà disponibles dans les librairies ?

« En France c’est surtout l’association Romarin – Les Amis de Suzanne Renaud et de Bohuslav Reynek qui ont fait une grande œuvre éditoriale en publiant des livres de poésie et de leurs traductions. Puis on peut trouver des traductions dans des anthologies de poésie tchèque en France. En République tchèque pour le moment on ne peut trouver que le livre bilingue de poèmes de Bohuslav Reynek traduit par Stanislas Markiewicz et moi-même. Le livre s’appelle ‘Dans les espérances solitaires – V nadějích samoty’. »

Que pouvez-vous dire encore de l’initiative Romarin ?

Le motif de Grenoble
« Romarin est une association qui est née en 1993. Au début ce n’était que pour garder la mémoire du poète et graveur Bohuslav Reynek et de la poétesse Suzanne Renaud au moins en Dauphiné. Puis leur action est devenue beaucoup plus universelle et les activités de Romarin ont dépassé les frontières du Dauphiné. Cette association organise des conférences, des soirées littéraires, des colloques même internationaux. Ils ont créé aussi une page web auzimour.com où l’on peut aujourd’hui trouver le catalogue raisonné de l’œuvre de Bohuslav Reynek. Ce catalogue raisonné est l’œuvre d’Annick Auzimour, présidente de cette association. C’est le fruit d’un travail qui dure depuis des années. Ce catalogue est illustré et chronologique et on peut y trouver toutes sortes d’informations sur les expositions, sur toutes les techniques utilisées par Bohuslav Reynek et même des variantes de couleurs différentes de l’œuvre gravée de cet artiste. A l’avenir l’association et Annick Auzimour présenteront une nouvelle exposition de l’œuvre gravée de Bohuslav Reynek. Cette exposition aura lieu en 2013, c’est-à-dire l’année prochaine à Saint-Martin d’Uriage toujours en Dauphiné et sera intitulée ‘Un silence tchécoslovaque – un accueil en Dauphiné de Bohuslav Reynek’. »