Vincent Cognet, de L’Equipe : « Berdych et Štěpánek, le yin et le yang »
Après une finale et une demi-finale perdues en 2009 et 2010, l’équipe de République tchèque de tennis a enfin atteint le Graal en remportant, dimanche, à Prague, la finale de la Coupe Davis aux dépens de l’Espagne. Cette victoire, qui représente un des plus grands succès du sport tchèque de ces dernières années, est d’abord et avant tout l’aboutissement de l’aventure de Tomáš Berdych et Radek Štěpánek, qui, depuis leur première apparition commune contre la Suisse de Roger Federer en 2007, poursuivaient le même rêve : soulever un jour le Saladier d’argent. Envoyé spécial du quotidien sportif français L’Equipe à l’occasion de cette finale, Vincent Cognet suit à longueur d’année l’élite mondiale du tennis. C’est en tant que spécialiste neutre que Vincent Gognet nous a donné son regard sur cette victoire de deux joueurs tchèques pas spécialement appréciés de leurs collègues et du public français :
Ce n’est pas la première année que la République tchèque va aussi loin en Coupe Davis grâce à ces deux joueurs. Pensez-vous que leur état d’esprit est quelque chose qui manque parfois à d’autres équipes, comme la France peut-être ?
« Non, l’équipe de France ne manque pas d’état d’esprit. L’équipe de France manque de joueurs et d’un leader capable d’être un Nadal ou un Ferrer, qui a été incroyable dans ce rôle pendant tout le week-end à Prague. Jo-Wilfried Tsonga, malgré ses très bons résultats en Coupe Davis, n’a pas encore prouvé qu’il était un leader qui, sur chaque match, quel que soit l’adversaire, amène deux points. Il a perdu contre Nadal à Cordoue (dans le quatrième match de la demi-finale en 2011, ndlr) et contre John Isner cette année à Monte-Carlo (dans le quatrième match du quart de finale en avril dernier), et il n’y a pas de deuxième joueur de simple ou une paire de double capable d’amener systématiquement un troisième point. Ce n’est donc pas une question d’état d’esprit, mais de qualité des joueurs. Je pense tout simplement qu’un Tsonga aujourd’hui est moins bon qu’un Berdych ou un Ferrer. »On n’en a pas trop parlé ce week-end, n’empêche que si Nadal avait participé à cette finale, avec la forme de Ferrer actuellement, il n’y aurait sans doute pas eu de finale et l’Espagne aurait été intouchable pour les Tchèques…
« Oui, il est très probable que Nadal aurait gagné au moins un de ses deux simples. On peut même dire les deux, puisqu’il n’en a perdu qu’un seul en vingt-et-un matchs de Coupe Davis (lors du premier match de sa carrière en Coupe Davis, en 2004 à Prague, contre le Tchèque Jiří Novák. A noter aussi qu’à l’époque, Nadal avait remporté son deuxième simple contre… Štěpánek, ndlr). Après, il y avait le bémol de la surface, qui était très rapide. Alors, disons qu’il aurait pu perdre un des deux simples, mais pas les deux. Et si Ferrer avait montré le même niveau que celui de ce week-end, l’Espagne aurait gagné. Donc, oui, c’est évident que l’absence de Nadal est une des raisons de la défaite de l’Espagne. »Rassurez-nous : la République tchèque fait quand même un beau vainqueur…
« Oui, oui ! C’est un très beau vainqueur… Tomáš Berdych et Radek Štěpánek sont deux formidables joueurs. Et puis je trouve que c’est une victoire morale pour deux raisons. La première, c’est que c’est quand même la victoire de mecs qui jouent depuis des années la Coupe Davis systématiquement, sans se poser la question, comme certaines stars du jeu, de leur carrière personnelle. C’est donc la victoire de la persévérance, et c’est bien, de deux mecs qui attachent beaucoup d’importance symbolique et affective à cette épreuve, et c’est très beau. Et puis c’est aussi une victoire morale, parce que je pense que sur une surface de jeu comme celle-là, il faut attaquer. Et lors des cinq matchs de ce week-end, ce sont les joueurs qui ont attaqué qui ont gagné. C’est donc la victoire de l’attaque et de l’offensive, et ça aussi, c’est très beau ! »