Dagmar : reine du Danemark, princesse de Bohême
« La reine Dagmar, princesse de Bohême » : tel est le titre d’une exposition dédiée à la princesse des Přemyslides Markéta, fille du roi Přemysl Otakar 1er et demi-sœur de sainte Agnès de Bohême. Mariée en 1205 au roi du Danemark Valdemar II, la princesse de Bohême est devenue reine du Danemark sous le nom de Dagmar. Cette année, 800 ans se sont écoulés depuis la mort de cette femme remarquable beaucoup plus connue au Danemark que dans son pays d’origine.
« Le seul problème qui se pose entre le Danemark et la Tchéquie est que nous ignorons la date exacte de décès de la reine Dagmar. Nous savons que c’était un 24 mai, mais pas en quelle année. Pour la partie danoise, c’est 1212, alors que nos chroniques font état de 1213. Cette divergence a été à l’origine de l’idée de célébrer l’Année de la reine Dagmar. Inaugurée le 24 mai 2012, la manifestation prendra fin le 24 mai 2013. »
Qui est la princesse Markéta devenue reine du Danemark en épousant en 1205 à Lübeck le roi Valdemar II dit le Victorieux ? Née vers 1186 et morte en 1212 ou 1213 à Ribe au Danemark, la reine Dagmar était la fille du roi Přemysl Otakar 1er et de sa première épouse, Adleta de Meissen. Menant une politique dynastique habile grâce à laquelle étaient unies différentes familles d’Europe, Přemysl Otakar 1er a trouvé un mari influent pour sa fille aînée Markéta, raconte Zdeněk Lyčka :
« Il n’y a rien de romantique dans ce mariage : le motif principal était de relier les deux royaumes par un lien irréversible. La reine Dagmar est ainsi devenue un trait d’union entre le royaume de Bohême et le nord de l’Europe. Valdemar II le Victorieux a été un des rois les plus importants dans l’histoire du Danemark. »La vie de la reine Dagmar est entourée de légendes. Selon l’une d’elles, le roi Valdemar a forcé un cheval en se hâtant pour revenir auprès de sa femme mourante. Dagmar lui a alors conseillé d’épouser une dame d’honneur, Kirsten. Valdemar n’a pas obéi et a épousé Bérengère de Portugal. Son deuxième mariage n’a cependant pas été réussi. Et comment Zdeněk Lyčka explique la grande popularité de la reine Dagmar au Danemark ?
« Belle, généreuse, juste, sage et charitable : voilà l’image que s’est forgée Dagmar et qui a continué d’être entretenue après sa mort deux siècles durant dans des récits transmis de génération en génération. Plus tard, ces légendes orales ont été enregistrées et c’est ainsi les recueils des Légendes de la reine Dagmar ont vu le jour. Même si leur valeur informative laisse à désirer, c’est incontestablement une belle histoire qui a survécu au travers des siècles et qui a inspiré de nombreux auteurs romantiques du XIXe siècle. »Le personnage historique de la reine Dagmar est apparu parallèlement dans les littératures danoise et tchèque. On écoute Zdeněk Lyčka :
« Bernard Ingemann est l’auteur de l’épopée de la reine Dagmar. Dans notre pays, le sujet est traité dans l’œuvre de Beneš Třebízský et de Svatopluk Čech. L’intérêt pour la reine Dagmar persiste jusqu’à nos jours : l’année dernière, l’écrivaine tchèque Soňa Sirotková a publié son roman Markéta des Přemyslides. Renata Fučíková a illustré un dépliant tchéco-danois, et dans son nouveau livre, elle fournit un regard original sur le personnage de la reine Dagmar. »
Dagmar avait deux enfants. Le fils aîné, Valdemar, aurait été choisi comme héritier du trône s’il n’était pas mort jeune au cours d’une partie de chasse. Le deuxième enfant a coûté sa vie à la reine, morte pendant l’accouchement à l’âge de 26 ans, soit sept ans seulement après avoir épousé le roi Valdemar II de Danemark.Petite parenthèse historique - la même année que la mort de Dagmar, en 1212 donc selon les sources danoises, son père, Přemysl Otakar 1er, se voit confirmer dans ses droits par l’empereur germanique romain Frédéric II. La Bulle d’or de Sicile éditée le 26 septembre 1212 garantit l’hérédité du titre royal à Otakar et ses descendants.
A la question de savoir si un ou plusieurs objets authentiques datant de l’époque du règne de Dagmar ont été conservés, la conservatrice des collections au Château de Prague Milena Bravermanová a répondu qu’une petite croix byzantine datée du Xe siècle était l’unique objet personnel connu :
« La croix a été retrouvée tout à fait par hasard à la période baroque. Lors des préparatifs de l’enterrement d’un représentant de l’Eglise qui souhaitait reposer dans le voisinage immédiat du tombeau du roi Valdemar et de ses deux épouses, on a ouvert le tombeau de Dagmar et on y a trouvé une croix. Au Danemark, pratiquement chaque petite fille reçoit en cadeau une petite croix à la mémoire de la reine bien-aimée qui apportait son aide aux pauvres et aux malades. »L’original de la croix se trouve au Musée national du Danemark à Copenhague. Les conditions de prêt et de sécurité exigées par la partie danoise n’ont pas permis de l’emprunter pour l’exposition itinérante. L’objet exposé actuellement en République tchèque n’est donc qu’une réplique de la croix d’origine.
La pierre tombale de la reine Dagmar se trouve à l’église Saint-Bendt de Ringsted, là où sont enterrés de nombreux monarques danois de cette époque.La ville de Ribe où la reine du Danemark issue de la famille des Přemyslides a vécu et y est morte, a organisé en son honneur un festival intitulé Dagmar 800. A cette occasion, la reine Marguerite II du Danemark a reçu la présidente de la chambre basse du Parlement tchèque, Miroslava Němcová :
« La reine Dagmar, qui, quand elle était princesse de Bohême, s’appelait Marguerite - Markéta, et qui a adopté le nom de Dagmar après son arrivée au Danemark, a rendu un service énorme aux pays de la couronne de Bohême et, dans le sens figuré du terme, également à la République tchèque d’aujourd’hui. Son nom est beaucoup plus connu au Danemark que dans notre pays. Son legs est de toute actualité, comme si 800 ans ne s’étaient pas écoulés depuis sa disparition. Dagmar reste présente au Danemark : quoique incomplètes, les connaissances de la vie de cette femme y résonnent très fort. »