Maladies auto-immunes, allergies et développement
Illustre enseignant-chercheur en médecine, membre de l’Académie des sciences et de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), Jean-François Bach est intervenu, lundi dernier, à l’Institut français de Prague.
« Les maladies allergiques, je pense que tous les auditeurs les connaissent : on est allergique à un médicament, à un venin de guêpe… Mais on peut également avoir des maladies chroniques : quand on est tout petit, on peut avoir un eczéma, quand on est un peu plus grand, on peut avoir un asthme ou un rhume des foins. C’est l’ensemble de ces maladies qu’on appelle ‘allergiques’. Pourquoi sont-elles allergiques ? Parce qu’on répond de manière exagérée à quelque chose qui est dans l’environnement, quelque chose d’extérieur. Les maladies auto-immunes, c’est tout le contraire, on reconnaît ses propres organes de façon anormale, du coup on peut avoir des réactions immunitaires qui attaquent ces organes et donnent des maladies, les plus connues d’entre elles sont le diabète insulinodépendant ou la sclérose en plaques. »
La fréquence de ces maladies ayant presque doublé en 20 ou 30 ans dans les pays riches, le docteur Bach défend une thèse corrélant le nombre d’infections de ce type avec le niveau de vie des malades :
« L’hypothèse que nous défendons est que c’est la baisse des infections que nous observons dans les pays modernes qui est à l’origine de l’augmentation de la fréquence de ces maladies. La baisse des infections est connue : c’est la baisse des grandes maladies infectieuses, mais c’est aussi l’amélioration de la qualité de l’eau, des aliments. Maintenant nous buvons et nous mangeons ‘propre’, ce qui n’était pas vraiment le cas autrefois. La raison pour laquelle la baisse des infections augmente les maladies auto-immunes et allergiques est qu’il y a une sorte de compétition entre les réponses immunitaires dans les infections et les réponses immunitaires à l’origine des maladies allergiques et auto-immunes. Quand les unes baissent, les autres remontent. »La solution serait-elle donc de réintroduire les grandes infections, telle que la tuberculose, en Europe ? Evidemment non. Jean-François Bach :
« Il faut essayer de comprendre pourquoi les infections protégeaient contre les maladies auto-immunes et allergiques et essayer de reproduire ce mécanisme par des médicaments inoffensifs. »
Au lendemain de la remise des prix Nobel, l’occasion nous était également donnée de parler de l’état actuel de la recherche médicale en France :
« On a eu quand même trois prix Nobel de biologie et de médecine en quatre ans, le dernier remontant avec Jules Hoffmann à il y a quelques semaines, même quelques jours. Ca, c’est un critère dont on peut se satisfaire. Il y en a d’autres : le nombre de publications scientifiques, le nombre de brevets… Globalement, la France est à un bon niveau dans le domaine de la recherche médicale. Je pense qu’on pourrait faire mieux si l’on était mieux organisé, si peut-être on avait encore plus de moyens comparables à ceux des Américains. Mais dans l’ensemble, ça se passe relativement bien, et les exemples que je viens de donner le montre. »
Il semble que la fulgurante croissance économique de l’Ouest ne suffise pas à nous sauver de maladies comme la sclérose en plaques. Il reste à espérer que la recherche scientifique le pourra. A voir.