Jiří Žák (I) : J’ai rencontré Jean Marais…

Jiří Žák

Jiří Žák est comédien, traducteur et écrivain. Il est notamment l’auteur d’une série d’entretiens télévisés avec une dizaine de personnalités de la culture française qui ont également été publiés sous forme de livre. Jiří Žák a ainsi pu rencontrer Jean Marais, Pierre Richard, Robert Merle, Robert Hossein ou encore Marlène Jobert et Annie Girardot. Il a confié ses souvenirs de ces rencontres Radio Prague, préférant toutefois s’exprimer en tchèque plutôt que dans la langue de Molière.

Jiří Žák
« Enfant, j’étais passionné par la littérature française, j’adorais Dumas, Hugo, Zola... Au lycée, j’ai appris le français pendant deux ans. Ensuite, j’ai tout oublié. Et puis, je suis devenu comédien et lorsque j’ai eu 41 ans, j’ai subi une grave crise cardiaque, sur scène, au théâtre de Cheb. Les médecins m’ont dit que je ne pourrais plus jamais jouer. J’étais terrifié, je me suis dis : ‘Mon Dieu, qu’est-ce que je vais faire ?’ Alors je me suis mis à étudier le français. »

Jiří Žák a aujourd’hui 65 ans. Finalement, il n’a pas quitté les planches : il joue même dans l’un des plus célèbres théâtres de Prague, au Divadlo Na Vinohradech. Parallèlement il se consacre à la littérature et à la traduction : il a traduit à ce jour plus de quarante romans français et une vingtaine de pièces de théâtre. Il écrit aussi ses propres livres, notamment des biographies de ses acteurs français préférés. D’ailleurs, le premier livre qu’il a traduit en tchèque après la révolution de 1989 et qui est devenu un best-seller en République tchèque, c’étaient « Lettres volées » de Gérard Depardieu.

A la fin des années 1990, Jiří Žák a eu l’occasion de réaliser pour la Télévision tchèque des entretiens avec plusieurs acteurs et cinéastes français bien connus du public tchèque. Le premier interviewé n’était rien moins que le grand Jean Marais, l’idole de plusieurs générations de Tchèques. Jiří Žák se souvient :

« Du temps de mon adolescence, dans les années 1950, très peu de films étrangers étaient projetés ici. Mais curieusement, ce peu était constitué surtout de films français. J’ai vu alors 'Le Bossu' à l’âge de 12 ou 13 ans et à partir de ce moment-là, j’ai adoré Jean Marais. Au milieu des années 1990, j’avais découvert à Paris les Mémoires de Jean Marais et j’ai décidé de les traduire en tchèque. A cette occasion, j’ai réussi à contacter Jean Marais et je lui ai demandé de préfacer la version tchèque du livre. Il a, effectivement, écrit une très belle préface. Pour le remercier, j’ai voulu l’inviter à Prague, mais à l’époque, il ne voyageait plus à l’étranger. Alors j’ai eu l’idée de venir moi, en France, et de tourner un court documentaire sur lui. Je ne connaissais personne à la télévision tchèque et pourtant, j’ai réussi à convaincre les gens de la télé pour qu’ils me prêtent une équipe technique avec laquelle nous sommes allés rendre visite à Jean Marais, à Vallauris. Figurez-vous que nous étions presque les premiers cinéastes à avoir pu filmer chez lui. Une seule fois, il avait laissé des cinéastes pénétrer dans sa vie privée, mais c’était pour parler de Jean Cocteau. Sinon, Marais a toujours refusé de parler de lui-même. Par ailleurs, nous étions aussi la dernière équipe à avoir tourné avec lui, avant son décès. »

Jean Marais est mort le 8 novembre 1998, un peu plus d’un an après cette première et dernière rencontre avec Jiří Žák qui allait d’ailleurs lui consacrer un livre à part. Un autre auteur tchèque, le journaliste Stanislav Motl, enquête depuis un certain temps sur les origines du célèbre acteur français, origines qui pourraient être tchèques. Mais en interrogeant Jean Marais, Jiří Žák n’était pas encore au courant de cette hypothèse.

« Nous ne le savions pas à l’époque. Ce n’est qu’environ deux ans après la mort de Jean Marais que Stanislav Motl est venu me raconter son histoire. Il a mené une petite enquête à Bohuslavice nad Metují, une commune dans le nord de la Bohême. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, la gestapo parisienne y a envoyé une demande de vérification des origines de l’acteur français Jean Marais. Il se trouve qu’à Bohuslavice vivait la famille Mareš et qu’un membre de cette famille qui, théoriquement, aurait pu être le père de l’acteur, est, effectivement, parti en France. En plus, la mère de Jean Marais ne lui a jamais dévoilé l’identité de son père. Personnellement, je ne dirais pas que l’hypothèse formulée par Stanislav Motl soit tirée par les cheveux, mais cela reste une hypothèse. »

Dans le documentaire réalisé par Jiří Žák, Jean Marais parle ouvertement de son enfance, de ses rôles au cinéma et au théâtre, de ses collègues, de Picasso, de Cocteau, de la Provence, de sa foi. Sincère, chaleureux, amical… c’est ainsi que reste Jean Marais dans les souvenir de Jiří Žák.

« C’était assez étrange. Je crois que nous étions sept au sein de l’équipe. Nous étions tous éblouis par la personnalité de Jean Marais. Normalement, je ne crois pas à ce genre de choses, mais c’était comme s’il dégageait une certaine aura. Je me souviens du photographe Mirek Kukla qui nous accompagnait. Cette rencontre avec Marais a influencé toute sa création, la manière dont il fait des portraits a changé. Il a aussi exposé ses photos de Marais. Comme nous avions tous un plaisir fou à réaliser cette interview, je me suis dit qu’il fallait continuer… »

Robert Hossein et Michèle Mercier
« Angélique marquise des anges », dont vous venez d’entendre la musique originale, a eu beaucoup de succès chez les spectatrices tchèques, dans les années 1980. Jiří Žák a eu l’occasion de rencontrer, à l’occasion d’une interview, Robert Hossein. Mais cette fois-ci, l’ambiance était moins idyllique que chez Jean Marais. Tout a commencé, à nouveau, par une traduction…

« J’ai traduit pour le théâtre pragois ABC la pièce ‘Je m’appelais Marie Antoinette’, coécrite par Robert Hossein. Nous voulions l’inviter à la première, mais il ne répondait jamais à nos messages. Pendant environ cinq ans, j’ai essayé, en vain de le rencontrer. Un jour, j’ai vu à Paris Alain Decaux, l’ancien ministre chargé de la Francophonie et qui a également coécrit ‘Marie Antoinette’. Il a téléphoné à Robert Hossein qui était d’accord pour une interview pour la télévision le lendemain. Je me suis donc présenté à son bureau, mais j’étais tellement nerveux ! J’avais attendu ce moment depuis cinq ans. J’étais encore plus stressé quand j’ai entendu crier Robert Hossein, dans la pièce d’à côté. Il s’est énervé contre son assistante et il n’a vraiment pas mâché ses mots. Il s’est un peu énervé une seconde fois, quand j’ai commencé à lui poser, dans un français très moyen, des questions ordinaires : sur sa famille et les débuts de sa carrière. Mais ensuite, il a commencé à s’intéresser à nous et tout s’est bien passé. »

Dans les prochains numéros des Tchèques célèbres et moins célèbres, Jiří Žák nous parlera, entre autres, de la timidité de Marlène Jobert et de Pierre Richard, d’une interview jamais réalisée avec Gérard Depardieu ou encore de l’amitié qui l’attache à la famille de Lino Ventura.