Třebíč et les Trebic
Cet été se tiendra à Třebíč, en Moravie, le 8ème festival de culture juive, organisé par Dáša Juránová et la muncipalité. L’occasion de se pencher aujourd’hui sur l’histoire des Juifs de la région, qui réserve quelques surprises. Pour en parler avec nous, Pavel Kuča, très actif en milieu associatif, et que nous avons déjà invité à plusieurs reprises.
Bonjour Pavel Kuča. Bientôt se tient le 8ème festival de culture juive de Třebíč, en Moravie. Pouvez-vous nous en parler un peu ?
« Le festival de culture juive à Třebíč s’apelle Shamaim, ce qui signifie, en hébreu, les Cieux. Il se tiendra durant la dernière semaine de juillet. Il y aura plusieurs concerts de musique, en particulier de la musique klezmer, mais aussi du théâtre. »
« Le quartier Juif de Třebíč est le mieux conservé en Europe. Les Juifs y vécurent depuis le Moyen-Age sans interruption. C’est une exception car les Juifs ont été expulsés d’Europe occidentale et ne sont venus en Europe oriental que plus tard. En outre, en Pologne ou en Allemagne, de nombreux monuments juifs ont été détruits. En Moravie, ce ne fut pas le cas et c’est pourquoi le quartier juif de Třebíč est si spécifique. C’est un ensemble d’environ 120 maisons, dont les emplacements et les fondations n’ont pas changé depuis le Moyen-Age. »Le quartier juif de Třebíč n’a pas été détruit durant la Seconde guerre mondiale ?
« Les Juifs de la ville ont été en majeure partie tués durant l’occupation allemande, on estime les pertes à environ 80 %. A Třebíč se trouvait d’ailleurs un centre de rassemblement et de transfert pour les Juifs qui vivaient dans les villages et les petites villes aux alentours. A partir de là, ils étaient déportés dansles camps. Dans la ville ne reste aujourd’hui qu’une vieille dame encore juive et quelques personnes comptant un parent juif mais il n’y a plus de communauté juive à Třebíč. »
« En ce qui concerne les monuments, les deux synagogues et le quartier juif sont restés intacts. Il faut cependant garder à l’esprit un fait. Après 1848, l’année ou les Juifs d’Autriche-Hongrie obtiennent l’égalité des droits civiques, nombre d’entre eux quittent Třebíč. Juste avant la Seconde guerre mondiale, ils représentent donc une minorité dans la ville. Celle-ci est devenue populaire, des ouvriers d’usine y habitant désormais. »« Sous le communisme, c’étaient des Tziganes qui habitaient le quartier, avec aussi quelques Tchèques. Vu le mauvais état des maisons, le régime aurait souhaité détruire tout le quartier. Le projet était déjà approuvé en 1988. Heureusement, un an après, la Tchécoslovaquie est devenue démocratique, ce qui a sauvé le quartier juif de Třebíč. Il a été reconstruit grâce aux fonds du ministère de la Culture tchèque et de la ville. »
Connaît-on un peu l’histoire des rapports entre habitant juifs et non juifs de Třebíč depuis le Moyen-Age ?
« La communauté juive était dépendant du monastère, situé sur la rive gauche de la rivière. Il existait de bons rapports entre le monastère et les habitants juifs, qui devaient lui payer une taxe. Tout ceci explique pourquoi la ville est aujourd’hui classée au patrimoine mondiale de l’UNESCO. Les historiens ont déjà entrepris de nombreuses recherches sur les Juifs de Třebíč. On sait quelle famille habitait dans telle maison. On peut d’ailleurs en savoir plus à l’occasion des deux expositions qui s’y tiennent. L’une a lieu dans une synagogue et est basée sur la culture et la religion juives. L’autre, dans une maison attenante, retrace la vie d’une famille juive de Třebíč. Au rez-de-chaussée, le magasin, plus haut, une cuisine et un appartement privé, où l’on peut voir comment vivait une famille juive autrefois. »
Vous avez évoqué une loi qui émanait des Habsbourg au 18ème siècle et qui visait à restreindre la naissance d’enfants juifs. De quoi s’agissait-il et dans quelle mesure cela affecta-t-il le quotidien des Juifs de Třebíč ?
« Dans les années 1720 est entrée en vigueur une loi antisémite en Moravie. C’était la loi dite "des familiants". Afin de limiter le nombre d’habitants juifs en Moravie, seul le fils aîné avait le droit de se marier dans chaque famille. Toute les familles juives furent alors comptées par les autorités et les fils aînés recevaient un numéro les autorisant à se marier. Devenus grands, les autres enfants, s’ils voulaient se lier à quelqu’un, devaient le faire de manière semi-légale. »« De nombreux Juifs ont alors émigré en Hongrie où une telle loi n’existait pas. Ceci explique que le nom de Třebíč est connu parmi les cercles juifs. En effet, ce sont des centaines de personnes à travers le monde qui portent ce nom. Cetains d’entre eux s’étaient installés dans le Burgenland, qui appartenait alors à la Hongrie et se trouve aujourd’hui en Autriche. Très vite, les habitants germanophones de les appeler les "Trebic", ce qui est devenu leur nom de famille. Plus tard, certains émigreront aux Etats-Unis ou en Israël. »« Grâce à Facebook, j’ai même pu en retrouver certains ! Je suis par exemple en contact avec Bob Trebic qui habite aux Etats-Unis ou bien avec Yael Trebic, d’Israël. Ils ne savaient presque rien qur la ville qui est à l’origine de leur nom et sont très heureux que ce tienne un festival dans la ville qui est liée à l’histoire de leur famille. »